Rue du Général-Jacques-Schwartz, Mulhouse
Légende :
Voie dénommée rue du Général-Jacques-Schwartz par un arrêté municipal du 16 juillet 2007.
Genre : Image
Type : Nom de rue
Producteur : Bertrand Merle
Source : © collection Bertrand Merle / aéria Droits réservés
Détails techniques :
photographie numérique en couleur
Date document : Janvier 2016
Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Haut-Rhin - Mulhouse
Analyse média
Voie dénommée rue du Général-Jacques-Schwartz par un arrêté municipal du 16 juillet 2007. Cette rue, de création récente, est située dans le nouveau quartier de la Fonderie bâti en partie sur le site de l’ancienne usine SACM (Société alsacienne de construction mécanique) proche des nouveaux bâtiments de l’université de Haute Alsace. De petits immeubles d’habitation ont été construits sur un côté, de l’autre se trouve une cité universitaire. La rue est parallèle à la voie de chemin de fer Strasbourg - Mulhouse - Bâle. Elle conduit de la rue François-Spoerry au quai d’Isly qui longe le canal du Rhône au Rhin. Une première plaque de rue indique le grade et le nom.
Un complément, sous forme de plaque émaillée également, est placé en dessous et donne cinq informations.
1. La ville de naissance: Mulhouse.
2. Les années de naissance et de décès (1889 - 1960).
3. Le grade en fin de carrière: général de division.
4. Une distinction: grand croix de la Légion d’honneur.
5. Un fait historique: défenseur de Strasbourg en 1944.
Il n’y a pas de données concernant l’épisode de résistance en 1940 dans les Vosges du nord.
Bertrand Merle
Sources :
Les rues de Mulhouse. Histoire et patrimoine. Conseil consultatif du patrimoine mulhousien et avec le concours de la Société d’histoire et de géographie de Mulhouse. Editions JM 2007 et JM 2009 actualisées et enrichies.
Contexte historique
Jacques Fernand Schwartz est né à Mulhouse le 15 juin 1889 (Jacob pour Jacques dans l’état civil allemand; l’Alsace est allemande depuis la fin de la guerre franco-prussienne de 1870-1871 et le traité de Francfort-sur-le Main du 10 mai 1871). Ses parents, catholiques, sont Jacques Fernand Schwartz, traducteur, et Catherine, née Barthel. A cette époque, la famille habite 31 rue de Bâle. Il se marie à Besançon le 26 janvier 1924 avec Marie-Thérèse Heitz. Il décède à Paris le 2 mars 1960.
Jacques Schwartz est parti étudier en France, a réussi le concours d’entrée de Saint-Cyr, promotion « La Mauritanie » de 1911. C’est un des quatre futurs généraux de division de cette génération. Il n’a que quatre compagnons qui auront un grade plus élevé: trois généraux de corps d’armée et un futur maréchal de France, Jean de Lattre de Tassigny qu’il retrouvera en Afrique du Nord et sera sous son commandement lors de la libération de l’Alsace.
L’hiver 1944-1945 avec notamment la libération puis la défense de Strasbourg (Bas-Rhin) lors de la contre-offensive allemande est un chapitre de la carrière du général Schwartz qui est bien connu et figure dans la plupart des ouvrages consacrés à cette période. En revanche, son acte de bravoure, qualifié de « résistance » de juin-juillet 1940, et celui de ses hommes est peu connu et oublié de la plupart des narrations. Jacques Schwartz a été nommé commandant du secteur fortifié de Haguenau le 14 juin 1940 à la veille de son 51e anniversaire! Il est alors lieutenant-colonel et commandait un régiment d’infanterie de forteresse. Cette portion de la ligne Maginot défend le nord du département du Bas-Rhin. Elle s’étend de Lembach à Seltz dans sa partie septentrionale. Elle fait partie de la région fortifiée de la Lauter qui couvre un territoire qui s’étend de la Sarre au Rhin. Elle est mitoyenne de la région fortifiée des Vosges à l’ouest. De gigantesques forts en béton armé construits à partir de 1928, sous-terrains en partie mais aussi équipés d’artillerie en surface, font face à la frontière allemande, actuellement le Land de Rhénanie-Palatinat au nord et le Rhin à l’est (Land de Bade-Wurtemberg). Leurs noms: Hochwald, Schoenenbourg, Four à Chaux et de nombreux ouvrages de plus petite dimension. Depuis le 13 mai 1940, les troupes allemandes sont entrées en France du côté de Sedan (Ardennes). L’offensive se poursuit plus au sud. Le 15 juin, la Wehrmacht attaque le centre de l’Alsace autour de Marckolsheim (Bas-Rhin), entre à Colmar (Haut-Rhin), Adolph Hitler se rend à Strasbourg (Bas-Rhin) le 28 juin mais subit un affront: il ne peut se rendre jusqu’au Hochwald et pour cause! Les premiers bombardements sur le secteur fortifié de Haguenau ont débuté dès le 10 mai. Le gros des troupes a été retiré par l’état-major français et dirigé vers la Bourgogne dans la nuit du 13 au 14 juin. C’est dans ce contexte qu’est nommé le lieutenant-colonel Schwartz, qui a peine arrivé, réunit les officiers responsables des différentes composantes (artillerie, l’Alsacien Pierre Stroh pour le génie, infanterie, chefs des forts de Schoenenbourg et du Hochwald) et s’interroge: quel est le moral des troupes ? Quelle attitude adopter dans le contexte de débâcle générale ? Que fait-on sous les bombardements qui sont de plus en plus intenses ? La réunion n’a pas laissé de traces écrites. Mais la décision est prise: « On résiste. On lutte jusqu’au bout ».
Désormais, le secteur fortifié de Haguenau est encerclé par la Wehrmacht. Le 18, l’adjudant Gruais capte un « appel » diffusé par la BBC, lu par un général « pas très connu à l’époque », Charles de Gaulle. Les bombardements redoublent de violence avec la participation des avions Stukas et se poursuivent le 19. Une estimation d’après-guerre évalue à 23000 le nombre d’obus qui sont tombés sur les ouvrages entre le 14 et le 24 juin 1940. Quel vacarme dans les galeries des forts. Le béton a résisté et l’artillerie a réussit ses cadrages. La convention d’armistice est signée le 22 juin avec l’Allemagne. Le cessez-le-feu entre en vigueur tout comme les deux armistices avec l’Allemagne et l’Italie le 25 juin à 0h35. Peu avant minuit, le Hochwald capte la radio française qui annonce l’événement. Le lieutenant-colonel Schwartz décide de refuser tout contact avec les troupes de la Wehrmacht. Pierre Stroh note: «Nous avions assez de munitions pour tenir ». Près de 500 militaires sont encore dans le fort de Schoenenbourg, un millier au Hochwald. Le lieutenant-colonel Schwartz rédige à l’intention de ses troupe l’ordre du jour n°46: « Officiers, sous-officiers, brigadiers, caporaux et soldats du secteur fortifié de Haguenau. Vous n’avez pas laissé percer la ligne fortifiée (…). L’ennemi n’a pas passé. (…) Il faut (…) que vous restiez un vivant exemple de résolution invaincue. Vive la France ». Mais pas question de se rendre. L’information captée par la radio est-elle clairement identifiable? Pendant tous ces jours, la maintenance des forts est assurée, des documents, des archives ou des codes sont détruits. Le 1er juillet, le lieutenant-colonel de Souzy est missionné par la commission d’armistice pour demander à son collègue de sortir du fort ainsi que ses hommes. Les deux officiers se connaissent pour avoir servi au Maroc dans les années 1920. Un Allemand, le capitaine Von der Heide est également sur place. Schwartz est persuadé que ses hommes sortiront libres. Or ils seront considérés comme prisonniers de guerre. Schwartz fulmine: « La vérité éclatera un jour! La ligne Maginot n’a pas été vaincue (…). Si je mets bas les armes, c’est sur injonction de mes chefs et non sous la contrainte des armes. »
Début de la captivité: Haguenau, puis l’Allemagne. En raison de ses blessures qui datent de la Première Guerre mondiale et le diminuent, Jacques Schwartz est libéré le 10 octobre 1940. En novembre, le gouvernement de Vichy le nomme commandant de la 7e brigade d’infanterie à Sétif (Algérie). Il est ensuite au Maroc en 1942 où il participe à la création des régiments qui vont contribuer à la libération de la France. Pendant la campagne de libération de l’Alsace, il est nommé commandant de la subdivision militaire du Bas-Rhin (septembre 1944 - avril 1945) et un temps gouverneur militaire de Strasbourg. Il occupe ensuite différents postes en Allemagne occupée puis à Paris et termine sa carrière auprès du président du conseil des ministres en 1948.
Aujourd’hui, le fort de Hochwald est sur le domaine militaire et fermé. En revanche, celui de Schoenenbourg est ouvert au public. Une association en est propriétaire et assure les visites. Dans le hall d’entrée, une plaque est apposée et rappelle les faits initiés par le lieutenant-colonel Schwartz. « Parmi les premiers Résistants de France c’est ici au poste de commandement du fort de Schoenenbourg le 14 juin 1940, que le commandant du secteur fortifié de Haguenau, le lieutenant-colonel Schwartz et d’autres commandants d’ouvrages se réunirent et prirent la décision de ne pas exécuter les ordres de repli et de sabordage données par le haut-commandement. Unanimement ils choisirent de rester fidèles à la mission qui leur avait été confiée et pour laquelle ils étaient prêts à se sacrifier. Fidèles à leur devise: ’’On ne passe pas’’, ils décidèrent de résister sur place. Grâce à leur bravoure, la forteresse resta française et invaincue au-delà de l’armistice du 25 juin. Plaque inaugurée par les anciens combattants de la ligne Maginot en août 2007. »
Bertrand Merle
Bibliographie
- "Le secteur fortifié de Haguenau: on ne passe pas la ligne Maginot". Fiche de Bertrand Merle. DVDrom de l’Aéria « La résistance des Alsaciens » sous la direction d’Eric Le Normand. Aéri. 2016.
- "Jacques Fernand Schwartz". Fiche d’Alphonse Halter. Nouveau dictionnaire de biographie alsacienne. N°34 page 3578. 1999.
- "La ligne Maginot. 50e anniversaire des combats 1939-1945". Articles de Pierre Stroh, Joseph Mathes, Antoine Rauscher et Louis Pulfermuller. L'Outre-Forêt. Revue d'histoire de l'Alsace du nord, n° 69, 1990.
- La libération de l’Alsace, septembre 1944 - mars 1945. Eugène Riedweg. Tallandier. 2014.
- "La ligne Maginot a rempli sa mission". Pierre Stroh. Repris de la revue militaire suisse. 1990.
- "Un libérateur de l’Alsace honoré (Inauguration de la rue du général Jacques-Schwartz)". Dernières Nouvelles d’Alsace (édition de Mulhouse). 23 novembre 2009.
- Archives départementales du Haut-Rhin en ligne. Etat civil de Mulhouse. Naissances 1880.
- www.saint-cyr.org - Historique de la 93e promotion (1908 - 1911) de Mauritanie.
- www.generals.dk/general/schwartz/jacquesfernand/France
Voir aussi:
- Fort de Schoenenbourg (Bas-Rhin); rue du Commandant-Martial-Reynier, 67250 Hunspach ; Tél: 03.88.80.96.19;