François Cart, dit Alfred, opérateur radio de la mission Hercule, janvier 1944

Légende :

François Cart, dit Alfred, opérateur radio de la mission Hercule, parachutée en Haute-Savoie dans la nuit du 6 au 7 janvier 1944 - circa octobre 1943

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © SHD - GR 16 P 109149 Droits réservés

Détails techniques :

Reproduction de photographie analogique en noir et blanc.

Date document : Circa octobre 1943

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Haute-Savoie - Thonon-les-Bains

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Analyse média

Né le 14 août 1922 à Dantzig (Gdansk, Pologne), François Cart s’engage comme soldat volontaire de 2e classe, le 26 novembre 1939, à l’âge de 17 ans, pour la durée de la guerre.

Affecté à la 7e compagnie du Bataillon de l'Air 109 à Tours, il suit la formation de l'Ecole technique de l'Air de Rochefort (Charente-Maritime), dont il est breveté mécanicien-radio-télégraphiste le 1er juin 1940. 

Démobilisé après l’armistice de juin 1940, il participe à la première manifestation de résistance publique, le défilé des étudiants et lycéens sur les Champs-Elysées du 11 novembre 1940, malgré l’interdiction de l’occupant allemand.

En mars 1941, il s’engage une deuxième fois comme soldat volontaire de 2e classe dans l’Armée de l’Air d’armistice, à Salon-de-Provence, pour un an.

Il rejoint alors la Tunisie où il est affecté à la Section des Transmissions de l’Armée de l'Air, puis au Groupement de bombardement n°8 à la Base aérienne d'El Aouina (aéroport de Tunis).

En mars 1942, François Cart ne renouvelle pas son engagement et trouve un emploi civil d’abord au Service des Eaux de Tunis, puis à l’arsenal militaire de Bizerte.
Il s’engage alors comme agent du SR Air clandestin de Tunisie, qui lui procure un emploi de couverture au Groupement des Contrôles Radioélectriques (GCR) de Tunis. Il mènera alors plusieurs actions de renseignement qui contribueront à la libération de Tunis. 

La Tunisie libérée, François Cart s’engage une troisième fois comme volontaire. Il est nommé caporal-chef et rejoint la 808e Compagnie du 45e Bataillon des Transmissions à Alger. En janvier 1944, il est volontaire pour la mission « Hercule », montée par la Direction Générale des Services Spéciaux du Conseil français de Libération nationale en France occupée. Parachuté près de Thonon-les-Bains (Haute-Savoie) comme opérateur radio (pseudo « Alfred »), il rejoint les Groupes francs de l'Armée Secrète de l’Isère puis le maquis du Vercors. Il fait alors la connaissance d’Odette Rouleau, agent de liaison, qui l’aidera au chiffrement et au déchiffrement des messages et qui assure le guet pendant qu’il transmet vers Alger.

François Cart est arrêté le 14 avril 1944 par la police française, sur dénonciation, à Chavanay (Loire). Il est incarcéré à la prison centrale Saint-Paul à Lyon. Suite à une mutinerie au sein de la prison Saint-Paul, il est livré par la police française aux Allemands. Il est déporté à Dachau, où il arrive le 2 juillet 1944, matricule 75.834. Il sera ensuite transféré au camp d’Allach, d’où il sera libéré le 30 avril 1945, par la 7e armée américaine.

Rentré, François Cart réintègre le GCR comme chargé de mission de 3e classe, assimilé sous-lieutenant.

Le 11 septembre 1945, quelques mois seulement après être rentré de déportation, François Cart est à nouveau volontaire, cette fois pour l’Indochine. Il arrive à Saigon, le 19 décembre 1945, d’où il participe à plusieurs opérations particulièrement dangereuses, dont « Gaur » et « Alpha ».

Le 7 mars 1946, il est chef du centre de transmissions du Laos puis affecté, le 1er mai 1946, au GCR d’Extrême-Orient (GCREO).

François Cart revient en France métropolitaine en Septembre 1948. Le 18 décembre 1948, il épouse Odette Rouleau à Paris. Il est démobilisé le 1er janvier 1949 ; entre temps, il a obtenu son diplôme d’ingénieur du Conservatoire des Arts et Métiers. Il entame alors une carrière civile tout en restant très actif dans les cadres de réserve des Transmissions : il est promu lieutenant le 15 décembre 1949, capitaine le 1er septembre 1956, commandant le 1er octobre 1966, lieutenant-colonel le 1er octobre 1977, colonel le 1er octobre 1982. Il est rayé des cadres de réserve et admis à l’honorariat de colonel le 1er avril 1983.

François Cart décède le 8 mars 2014 à Saint-Germain-en-Laye (Yvelines), à l’âge de 92 ans.

Titulaire de multiples citations, François Cart est Croix de Guerre 1939-1945, Croix du Combattant Volontaire 1939-1945, Croix du Combattant Volontaire en Indochine, Officier de la Légion d’Honneur.


Auteur : François Romon

Sources :

Entretiens accordés à F. Romon entre 2006 et 2008.

Mémoires non publiés de François Cart intitulés « Pierre Raimbault, le SR Air et la résistance du GCR de Tunis », 1998.

Mémoires non publiés de François Cart intitulés « La mission Hercule », 9 août 2006.

Mémoires non publiés de François Cart intitulés « La mission Michel », 2007.

Biographie de François Cart par Jacques Mahier, lue au cours de ses obsèques, le 12 mars 2014 à Mesnil-le-Roi (Yvelines).

Contexte historique

« Le crepy est un vin blanc sec » : François Cart, Alfred, est l'opérateur radio de la mission Hercule, début janiver 1944

La Mission « Hercule » est demandée au Service Action d’Alger par la Direction Générale des Services Spéciaux (DGSS) du Comité Français de Libération Nationale de De Gaulle.

Il s’agit, pour préparer le débarquement allié en Provence, de compléter les dotations en armes des commandements régionaux combinés de l’ORA et de l’AS de la zone Sud (R1 à R6) et d’organiser les liaisons radio, aériennes et maritimes entre ces commandements et Alger.

La phrase de la BBC annonçant l’arrivée de cette mission était : « Le crepy est un vin blanc sec ».

Quatre agents ont été parachutés, en provenance d’Alger, dans la nuit du 6 au 7 janvier 1944, dans la forêt de Planbois entre les villages de Sciez et Lully, en Haute-Savoie, à l’est de Thonon :

-        le capitaine Jean-Pierre Sobra (pseudo « Hercule »), chef de mission ;

-        moi, qui suis le radio du chef de mission (pseudo « Alfred ») ;

-        le capitaine Alfred Venner (pseudo « Guy ») ;

-        le lieutenant Jacques Bugaud (pseudo « Nicolas »).

Avant notre départ, nous avions tous les quatre été longuement reçus par Jacques Soustelle, le patron de la DGSS, et son adjoint le colonel « Passy », ancien chef du BCRA.

Devant les risques encourus dans la France occupée, tout à fait sous-estimés à Alger, le Capitaine Sobra choisit de se passer de moi comme radio et de transmettre ses messages à Alger par d’autres moyens de la résistance sur place. Je fais alors équipe avec le Capitaine Venner.

La Mission « Hercule » terminée, Sobra est rapatrié à Alger par une vedette rapide britannique au départ de Saint-Tropez, via la Corse, le 14 mars 1944. Le transport est organisé par le Lieutenant François Pelletier* (pseudo « Ruben »), mon ancien camarade du stage du SOE au Club des Pins à Staoueli.

Mais Venner est arrêté par la Gestapo. Il sera déporté au camp de Saxenhausen. Il est remplacé par le capitaine Robert Bennes* (« Bob ») parachuté d’Alger, en mars 1944. Je deviens donc le radio du capitaine Bennes.

J’émets alors en direction d’Alger à partir d’une ferme isolée dans le Vercors : la Gestapo arrive 3 jours après l’évacuation de la ferme.

Ma protection est assurée par une équipe des Groupes francs de l’Armée Secrète. Mais mon garde du corps a participé à l’exécution d’un ingénieur de Rhône Poulenc, chef de la Milice locale, qui organisait le STO dans la Région et pourchassait les réfractaires. Il est poursuivi par la Police française, qui le rattrape au moment où je suis en sa compagnie : je suis donc arrêté avec lui, le 14 avril 1944, à Chavenay (Loire).

De l’internement à Lyon à la déportation à Dachau : François Cart est livré à Klaus Barbie par la Police française, avril 1944 à avril 1945

Je suis emprisonné à la Centrale Saint-Paul à Lyon.

Lyon est alors bombardé par les Alliés. Les prisonniers de Saint-Paul se révoltent mais leur révolte est écrasée par les gendarmes français, alors que les gardiens de prison avaient ouvert les cellules : la Police française nous livre à la Gestapo.

C’est Klaus Barbie - qui parle très bien le français - qui m’envoie en déportation, avec 800 de mes camarades, à la demande de l’intendant de police français Cussonac.

Á partir du 29 juin 1944, je suis à Dachau. Je suis envoyé au camp de travail d’Allach, où l’on fabrique des moteurs d’avion pour BMW. Les nazis transforment le camp en bunker. On n’avait rien à manger.

Dachau est libéré par la 7e Armée américaine le 30 avril 1945. J’évite l’administration américaine et je rejoins directement Strasbourg par mes propres moyens puis Paris, où je me présenté à l’Hôtel Lutetia pour faire reconnaître ma situation militaire. Je suis alors réintégré au GCR, nommé sous-lieutenant des Transmissions.

 

[*Voir les médias liés]


Transcription des Mémoires non publiés de François Cart intitulés « La mission Hercule », 9 août 2006.