Carcasses de fuselages de planeurs DFS 230 et Gotha 242

Légende :

Au sud-est du village de Vassieux-en-Vercors dans les années cinquante

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Ph. Chazot

Source : © Collection Marcel Barré Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Vassieux-en-Vercors

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Analyse média

En partant de la gauche, sur le flanc, fuselage de DFS 230 ; le personnage longe le fuselage, debout, d'un DFS 230. Ce dernier cache, en partie, vus de face, 2 fuselages de Gotha 242 contre lesquels est adossé un fuselage de DFS 230. On mesure très bien la différence de taille entre le DFS 230, planeur d'assaut et le Gotha 242, planeur de transport. Les deux personnes sont penchées sur un fuselage de DFS 230. Le jeune homme pose à côté d'un fuselage de DFS 230. Au loin, on distingue parfaitement les baraquements qui servent d'habitations provisoires aux habitants de Vassieux qui ont perdu leur maison lors des combats du 21 juillet 1944 et des jours suivants. La trainée blanche se dirigeant vers le haut de la bordure droite de la photo est l'amorce du vieux chemin rejoignant le col de La Chau. L'amas de carcasses devait se trouver au sud-est de Vassieux. La photo a sûrement été prise dans les années cinquante.


Auteur : Alain Coustaury

Contexte historique

L'attaque aéroportée du Vercors vue de Dieulefit.

À partir de rumeurs, d'informations tronquées, rapportées sans confirmation dans son journal, Emmanuel Mounier relate les combats du Vercors tels qu'ils sont perçus de Dieulefit.

22 juillet 1944 :

"Hier matin, un train de quarante avions allemands traînant quarante planeurs est passé au-dessus de nous. On parle d'une attaque générale du Vercors, avec 17 000 hommes." Emmanuel Mounier se trompe sur le nombre de planeurs (vingt-deux, pour l'opération du 21 juillet) L'exagération est très courante quand il faut chiffrer un vol important. L'évaluation des troupes allemandes est un peu amplifiée mais quand même valable.
"Ce qui est plus sûr, à cause du voisinage immédiat, c'est que la route de la Drôme [la rivière] a été attaquée par les deux bouts. Après de violents combats qui ont duré toute la journée d'hier et toute la nuit, Crest et Die ont été réoccupés par les troupes allemandes. Veulent-elles s'assurer la disposition d'une route transversale vers l'Italie ? Ou couper le Vercors, par son débouché sud (col du Rousset, au-dessus de Die) de ses attaches les plus méridionales ? L'avenir le dira."
Emmanuel Mounier voit juste au sujet de la volonté des Allemands de boucler le Sud du Vercors en contrôlant le col de Rousset. Dès le 22 juillet, les rumeurs sur les exactions sur le massif et dans la vallée se développent. Les responsabilités sont précisées. Dans la confusion du moment, des erreurs sont commises. Mais elles sont intéressantes pour appréhender l'état d'esprit de la population.
"Des renseignements sinistres viennent sur la répression dans les villages réoccupés. Ce sont en général des troupes de mercenaires, dont une partie seulement sont allemandes, qui sont employées contre le maquis. Une grande partie est constituée par les Mongols, prisonniers russes que l'on a persuadés que les Soviets les fusilleraient pour avoir été prisonniers, et que leur seul salut est de s'engager dans l'armée allemande. Ils se déchaînent sur les régions réoccupées, violent ... brûlent, pillent, fusillent au hasard. Quand tout est fait, une affiche : "Vous avez vu ce que font les Russes Blancs. Que sera-ce quand vous aurez les Rouges"". 
Ces quelques lignes sont d'un intérêt majeur. Emmanuel Mounier aborde plusieurs sujets, laisse percevoir sa sensibilité politique. D'abord il essaie d'identifier l'origine des soldats qui attaquent le Vercors. Il reprend l'idée, courante à cette époque, que l'armée allemande, agissant dans la Drôme, est surtout composée de mercenaires, notamment de Mongols. La seule évocation de ce mot fait encore frémir de nos jours. Cette accusation contre des mercenaires permet de dédouaner, en partie, les unités uniquement composées d'Allemands. Rumeur aussi des conditions de l'engagement de ces Mongols. Le péril rouge est le deuxième message de l'affiche. Il a sûrement touché ceux qui se méfient des communistes à travers l'emprise des FTP. Dans la littérature historique, cette affiche n'est guère évoquée.

23 juillet, des planeurs accidentés :

Emmanuel Mounier décrit l'accident de deux planeurs qui faisaient partie de la seconde vague posée le 23 juillet à Vassieux-en-Vercors. On rappelle que les soldats sont surtout des hommes des troupes de l'Est.
"Ce matin deux planeurs remorqués, pris dans une bourrasque, se sont décrochés au-dessus de nous. L'un a piqué violemment, l'autre s'est retourné en lâchant de gros objets. Ils ont disparu vers la montagne de Tessière (Teyssières) Une forte explosion a suivi. Le pays a été aussitôt très ému. De bon matin, les nouvelles recrues étaient parties précisément de ce côté. De là à conclure que les Allemands se préparaient à les attaquer... Des hommes armés sont partis ; ils ont trouvé dans un planeur écrasé au sol les restes informes de 12 Waffen SS : les torpilles qu'il portait avaient explosé au contact. L'autre s'était déposé sans mal, les occupants avaient disparu. Les cartes trouvées montrent qu'ils étaient destinés au Vercors."
La cause du largage prématuré est bien définie : les turbulences atmosphériques très puissantes par grand vent du nord (le mistral) ou du sud dans une région comportant un relief vigoureux. La narration de l'événement présente quelques erreurs vénielles. Le nombre d'hommes embarqués ne doit pas dépasser dix, pilote compris. Les objets lâchés sont, peut-être, des fragments d'une aile qui s'est rompue, soumise à de trop fortes contraintes aérodynamiques. L'explosion peut s'expliquer  par le contact brutal avec le sol des fusées de rétro-freinage. Elle entraîne la destruction de l'appareil et la mort de l'équipage. L'inquiétude liée à l'explosion entendue de Dieulefit est injustifiée car les planeurs étaient tous destinés au Vercors. Ou comment l'ignorance est source d'une rumeur par ailleurs bien compréhensible. Plus grave la méprise concernant les hommes tués : des Waffen SS. On les confond avec les troupes de l'Est, ce qui n'enlève rien à leurs exactions.
Le 27 juillet, Emmanuel Mounier est renseigné sur le sort de l'autre planeur :
"Hier six occupants du planeur rescapé ont été arrêtés. Quatre étaient des Russes... Les autres se sont, dit-on, fait reconduire par des paysans sous la menace des armes." La réalité est assez différente. Le pilote, un officier et deux soldats essaient de rejoindre l'armée allemande. Les six autres se rendent à la Résistance et sont intégrés dans celle-ci. Ils participent à la libération de Grenoble.
Est-ce ceux que Michel Poniatowski décrit, le 23 août 1944, à Grenoble ?
"Dernière étrangeté de l'ébullition révolutionnaire à laquelle nous assistons, des déserteurs russes de l' "armée" Vlassof qui ont si bien tué, pillé et volé dans la vallée de la Drôme et sur le plateau du Vercors tiennent le haut du pavé avec arrogance dans notre quartier, crient, menacent et se saoulent avec entrain. Ils ont été dédouanés par les camarades FTP et ceux du parti qui ont l'oubli facile et une opportunité sans scrupule."
Quelle version retenir ? L'anticommunisme de Michel Poniatowski s'exprime parfaitement dans cet extrait !

24 juillet, le bombardement de Valence-Chabeuil :

"Hier matin, bombardement lointain, suivi du passage d'une grosse formation d'avions, la première formation d'avions alliés, que nous voyons ici de jour. Ils ont bombardé l'aérodrome de Valence, sans doute pour soulager le Vercors."
La déduction d'Emmanuel Mounier est logique mais elle est fausse. Le bombardement s'inscrit dans la préparation du débarquement de Provence, non dans une aide au Vercors, d'ailleurs bien tardive et inutile. Le sort du Vercors est scellé dès le 23 juillet. 


Auteur : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.