Stèle du Prayé située à proximité du lieu-dit "Etoile I" au col du Donon (Bas-Rhin)
Légende :
A la mémoire du drapeau du 154e régiment d'infanterie (RI) brûlé en ce lieu le 22 juin 1940 pour ne pas tomber aux mains des Allemands.
Genre : Image
Type : Stèle
Source : © Association pour des études sur la Résistance intérieure des Alsaciens Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : sans date
Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin
Contexte historique
Le 43e CAF, commandé par le général Fernand Lescanne occupe initialement un intervalle de la ligne Maginot du secteur fortifié des Vosges, une trentaine de kilomètres entre les ouvrages du Grand Hohekirkel et du Four à Chaux (Nord du Bas-Rhin). Le 12 juin 1940, ordre est donné de laisser une légère « croûte » devant les ouvrages et de constituer deux divisions de marche pour rejoindre le sud de la France. Mais les moyens de transport sont dérisoires et une nouvelle offensive allemande tente de forcer le passage le 14 juin (opération Tiger).
Le 18 juin, il faut combattre sur le canal de la Marne au Rhin. Le 43ème CAF y tient le secteur Gondrexange - Lutzelbourg en Moselle. Après une journée de combats intenses, l'ennemi prend pied sur la rive sud du canal. Les divisions de marche Senselme et Chastanet, très éprouvées, se replient malgré tout dans l'ordre vers le massif vosgien. Elles ne peuvent plus échapper à l'encerclement et s'apprêtent à livrer un dernier combat sur les contreforts du Donon. Se dirigeant vers le sud, le 43ème CAF vient alors buter contre les 62ème et 103ème divisions qui retraitent précipitamment depuis l'Alsace. Les liaisons sont rapidement coupées avec les échelons supérieurs suite à la poussée allemande du 24ème corps d'armée du General der Kavalerie Geyr von Schweppenburg (4 Infanterie Divisionen -ou ID- 60, 197, 252 et 168) dont l'action est renforcée par la 215ème ID remontant la Bruche et surtout la 6ème Gebirgsjäger-Division (chasseurs alpins). Cette unité d'élite commandée par le futur maréchal Schörner surgit depuis le val de Villé vers Saint-Blaise-la-Roche (Bas-Rhin) puis verrouille le col du Hantz.
Le poste de commandement (PC) du 43ème CAF s'installe dans le vieux Blockhaus allemand du « Morveux », une construction de la Première Guerre mondiale sur la plate-forme du Donon. Le dernier carré se constitue dans les parties supérieures des cinq vallées s'écoulant depuis le Donon: la Sarre rouge, la Sarre blanche, la Plaine, le Rabodeau et la Bruche. Plus de 20 000 hommes et un matériel considérable se massent dans ce périmètre réduit, sans perspectives de percée. Un espoir les anime: rééditer l'exploit du colonel Denfert-Rochereau à Belfort en 1870 et tenir jusqu'à l'armistice afin d'échapper à la captivité! C'est le pari du général Lescanne. Les ordres sont donnés en conséquence et des combats retardateurs se déroulent les 21 et 22 juin comme en témoignent de nombreux petits monuments attestant des ultimes combats meurtriers. Avec la perte des derniers villages (Moussey, Saint-Blaise-la-Roche, Raon-sur-Plaine) le 43ème CAF ne contrôle plus qu'une zone boisée dans laquelle la défensive est facile. Le ravitaillement commence par contre à manquer et le moral baisse, en particulier à la 62ème DI, personne ne souhaitant être « le dernier mort du dernier jour ».
Le 23 juin, les combats cessent, le PC du 43ème CAF se déplace vers l'hôtel Velleda et les villas aux alentours. Les Allemands cherchent alors à capturer par la ruse les dernières unités qui résistent encore, comme la 62ème DI qui se rend séparément. Suite à un premier contact à l'initiative de von Schweppenburg, le général Lescanne ordonne de reculer d'un kilomètre afin d'éviter tout incident. Quatre groupes de parlementaires allemands vont tenter de recueillir la reddition et surtout de « capturer le général français ». Un officier du PC, le commandant Clavé est envoyé comme négociateur, il revient après avoir effectué un périple jusqu'à Sarrebourg (Moselle) puis au PC allemand du groupe d'armées C à Saint-Dié-des-Vosges (Vosges). Les conditions, trop vagues, sont repoussées par le général Lescanne qui souhaite surtout gagner du temps.
Le 24 juin, une nouvelle délégation allemande s'impose au Donon et sous la menace, obtient la signature d'une déclaration de reddition. Deux officiers français (commandant Harry et capitaine Chevalier) sont envoyés à Sarrebourg négocier les modalités d'application. Un premier protocole - rédigé en anglais - est signé à 22 heures. Dans la nuit, ce protocole est traduit en allemand et en français, mais à quelques heures près, l'armistice n'entre pas encore en vigueur.
Les « Accords du Donon » accordent au 43ème CAF des « conditions honorables », termes aussi flatteurs qu'imprécis. Il est bien spécifié que le matériel, les armes et les munitions devront être remis en état à Celles-sur-Plaine, Bionville-Allarmont et Schirmeck.
Le 26 juin, un ultime ordre général n°91 est diffusé par le général Lescanne à l'ensemble de ses troupes avant de terminer les préparatifs. Du 27 au 30 juin, trois convois constitués de colonnes avançant « d'un même pied » (c'est-à-dire en séparant les fantassins, les chevaux et les engins motorisés) se dirigent en deux étapes vers Strasbourg. Dans les villages, la foule alsacienne salue les vaincus qui défilent sous les ordres de leurs cadres. Le 43ème CAF a vécu. Même si les officiers ont pu conserver un temps leur arme personnelle, la captivité est au rendez-vous. Malgré des protestations à la commission d'armistice de Wiesbaden, aucune suite ne sera donnée aux demandes de libération ou de traitement particulier. Seuls les fugaces « honneurs de la guerre » sont accordés aux vaincus.
Les Alsaciens et les Mosellans sont libérés après quelques semaines de captivité et après la signature d'un document reconnaissant leur appartenance à la "souche allemande". Certains entrent tout de suite dans la Résistance en refusant de signer ce papier comme les officiers Georges Stambach et Joseph Studer qui passent la guerre dans des Oflags. D'autres profitent de leur sortie pour s'engager dans diverses organisations clandestines, allant des filières d'évasion, aux réseaux en passant par les Forces françaises de l'intérieur (FFI). Ainsi l'officier de justice militaire Alfred Weninger s'affilie au réseau Confrérie Notre-Dame des Forces françaises combattantes (FFC). Quant à Robert Douvier, il réintègre la maison forestière du Grossmann, dans la forêt du Donon. Il devient le dernier maillon d'une filière d'évasion partant de Strasbourg.
Quant au général Lescanne, il quitte le Donon le 30 juin pour être présenté à Badonviller (Meurthe-et-Moselle) au général Geyr von Schweppenburg avant d'être envoyé en captivité au château de Königstein (Allemagne).
De nombreux témoignages des combats de juin 1940 sont encore visibles sur le terrain: l'hôtel Velleda et le Blockhaus du Morveux voisinent avec des traces de tranchées, le monument attestant de la destruction du drapeau du 154ème régiment d'infanterie à Etoile 2 et le cimetière allemand de la 197ème ID près du col de l'Engin. Ils méritent le détour, tout comme la modeste croix des Chavons à Moussey (Vosges), marquant le sacrifice du canonnier Arthur Crouvisier, tué le 22 juin afin d'interdire la progression de la 60ème ID. Au total sont faits prisonniers: quatre généraux, 1 031 officiers, 28 444 sous-officiers et soldats. Très peu suivront l'exemple du capitaine Henri Frenay, officier de renseignement du 43ème CAF et futur créateur du mouvement Combat. Il tentera et réussira l'exploit de gagner à pieds la zone non occupée.
Jean-Michel Adenot in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016
SOURCES :
- AN, 72 AJ 206
- SHD, 30 N 250 et 251
- BRUGE Roger, Les combattants du 18 juin, Fayard, 1982 à 1989.
- MARY Jean-Yves et HOHNADEL Alain, Hommes et Ouvrages de la Ligne Maginot, Encyclopédie Armée Française, Histoire et Collections, 2003.