Contexte historique

Hochfelden, chef lieu d'un canton agricole prospère, compte en 1941 quelque 2 500 habitants. La population accepte mal l'annexion allemande et éprouve un réel attachement à la France, écoutant régulièrement Radio Londres, récupèrant les tracts lancés par les avions de la RAF, puis distribués dans le village. Le 14-Juillet 1941 sert de détonateur à cette opposition et à ce mécontentement.
Deux groupes sont à l'origine de l'organisation cette manifestation. Les quilleurs du club de quilles (Cercle catholique) présidé par Joseph Vogler et l'abbé Koenig et les footballeurs de l'ASH (Association sportive de Hochfelden). La manifestation démarre du restaurant A la Bonne Fontaine le 13 juillet 1941 à 23 heures sous forme d'un cortège composé de 200 filles et garçons, essentiellement des jeunes de seize à trente ans qui traversent le village tout en chantant des chants patriotiques et qui sont applaudis par beaucoup d'habitants. Arrivée au monument aux morts, la foule entonne la Marseillaise et ensuite se disperse.

Les gendarmes allemands et alsaciens sur place ne sont pas intervenus, encouragés d'ailleurs vigoureusement par le maire Frédéric Haag et le chanoine Zirn. Dans l'après midi du 14-Juillet 1941, il y a quelques arrestations. Des interrogatoires sans grande conviction sont menés par les gendarmes locaux. La Gestapo arrive en force le lundi 15 juillet et jusqu'au vendredi 19, procède à des arrestations, des rafles, des enquêtes et des interrogatoires musclés. Des transferts au camp de sûreté de Schirmeck commencent dès le mardi 16. Samedi 20, l'état de siège est proclamé à Hochfelden, première ville française à être victime de cette procédure.

Ce sont finalement 109 personnes qui se retrouvent à Schirmeck, 83 garçons et 26 filles, où ils subissent vexations, mauvais traitements, tortures, faim et froid. Malgré ces conditions, tous restent solidaires et déterminés. Certains sont libérés au bout de deux, quatre ou onze mois, sauf le lieutenant Paul Debes ou Louis Diebold, internés durant toute la guerre. Nombreux sont, en outre, incorporés de force au Reichsarbeitsdienst, RAD ou service du travail, puis dans la Wehrmacht et engagés sur le front de l'Est. Beaucoup ne reviennent pas comme les frères Boch, Alfred et Joseph, décédés respectivement, le premier sur le front de l'Est le 11 août 1943 et le second sur le front italien le 13 août 1944. Nicolas Voegelin est tué le 31 août 1944 en Lituanie. Certains détenus sont très affaiblis physiquement lors de leur libération, ainsi Cécile Scheistel, 17 ans, libérée le 11 septembre 1941 et qui décède le 12 décembre 1941, suite aux mauvais traitements subis lors de son internement. D'autres s'évadent d'Alsace après leur libération. Ainsi Jean Laugel, libéré le 23 septembre 1941 du camp de sûreté de Schirmeck, rejoint le 1er février 1942 la zone non occupée et Lyon. Par la suite, il travaille à la préfecture des Hautes-Pyrénées au service des réfugiés du 10 février au 15 septembre 1942 puis il rejoint l'Afrique du Nord, avant de s'engager comme volontaire au sein de la 2ème division blindée (DB).

L'événement a immédiatement un grand retentissement au niveau local puis national. Radio Londres en fait un compte-rendu. De l'autre côté du Rhin, dès le 19 juillet 1941, l'information se propage jusqu'à Stuttgart et à Berlin. Il s'agit de la première manifestation de résistance organisée en Alsace annexée de fait. Elle montre qu'on peut s'opposer au régime nazi et redonne de l'espoir à beaucoup d'habitants d'Alsace et au-delà.