Rue Octave Landwerlin, Ostwald (Bas-Rhin)
Genre : Image
Type : Nom de rue
Source : © collection Bertrand Merle / Aéria Droits réservés
Détails techniques :
Photographie numérique en couleur
Date document : sans date
Lieu : France - Grand Est (Alsace) - Bas-Rhin - Ostwald
Contexte historique
Fils d'un fonctionnaire des Postes, cousin de Paul Merle, il est élevé dans une famille francophile, catholique, qui n'accepte pas l'annexion de fait des trois départements en juin 1940. Son père est muté par les autorités nazies en Sarre alors que la famille habite Lutzelbourg en Moselle. Célibataire, âgé de 26 ans, libraire à la librairie Alsatia à Strasbourg, il est encouragé par son père à l'évasion avec son cousin Paul Merle pour échapper à l'incorporation de force. En liaison avec ce dernier, il convoie des fugitifs et notamment des prisonniers de guerre (PG) évadés vers la maison de Lucien Fischer, père et fils, au Rehtal en Moselle.
Dans la nuit du 12 au 13 mars 1943, la famille Fischer est arrêtée par la Gestapo au Rehtal. Octave Landwerlin et Paul Merle échappent à l'arrestation et parviennent à s'évader d'Alsace trois mois plus tard le 28 juin 1943 via le Rehtal, Cirey-sur-Vezouze (Meurthe-et-Moselle) et Nancy avant de rejoindre la Haute-Savoie.
Ils s'évadent à vélo par les bois qu'ils connaissent d'autant mieux que Paul Merle a fait partie d'une filière d'évasion depuis l'été 1940. Ils passent la frontière et rejoignent Nancy, puis en car ils joignent Besançon, Bourg-en-Bresse, Annecy et Grenoble. Leur itinéraire est constitué des adresses d'hébergement chez des connaissances alsaciennes catholiques collectées par Paul Merle qui a travaillé à la poste à Haguenau et a contribué à la « poste française » clandestine entre 1941 et 1943. Lors des nombreux contrôles de cars et dans les gares, Octave Landwerlin fait preuve, d'après le récit de son jeune cousin, d'ingéniosité et de sang froid.
Le 14-Juillet 1943, ils fêtent à trois, aux alentours de Vésonne, près de Grenoble, la fête nationale. Ils ignorent encore qu'ils se retrouveront, les deux cousins et l'ami René Gerbert, à la Brigade Indépendante Alsace-Lorraine (BIAL) dans le bataillon Mulhouse, quinze mois plus tard.
La préfecture d'Annecy, où de nombreux alsaciens réfugiés sont employés, embauche Octave Landwerlin comme chef de bureau au service du Secours National à partir de septembre 1943, poste qui lui permet d'être en contact avec l'ensemble des réfugiés alsaciens-lorrains en Haute-Savoie. Tandis que son cousin est affecté aux PTT des hautes vallées de Megève, Chamonix, Sallanges où les germanophones peuvent écouter les lignes téléphoniques ennemies, civiles et militaires, et renseigner ainsi la Résistance sur les mouvements et initiatives des ennemis.
A l'été 1944 à Annecy, Octave Landwerlin participe activement aux combats de la Libération et, fait d'armes connu, le 18 août 1944, il fait prisonnier une unité de policiers-gendarmes commandée par un lieutenant des Waffen SS qui abandonne sur place leurs blindés. Alors qu'il ne connaît pas le réseau Martial, qu'il est affilié à l'Armée secrète (AS) Savoie, il veut contacter, dès que le débarquement de la 1ere armée française est connu, le général de Lattre de Tassigny afin de constituer une unité d'Alsaciens-Lorrains pour libérer l'Alsace.
Jules-Albert Jaeger, directeur de la Revue Alsace Française, réfugié en Savoie, le conduit en voiture le 4 septembre 1944 à Aix auprès du général à qui il remet une note. Il y plaide pour qu'une unité spécifique d'Alsaciens-Lorrains puisse libérer aux côtés de l'armée française « l'Alsace et la Lorraine qui attendent la France ». Il obtient l'accord du général de Lattre de Tassigny pour constituer une unité qui devrait se nommer « Compagnie Alsace-Lorraine ». De retour à Annecy, avec l'aide du colonel Kuhlmann et du capitaine Dopff, il rassemble les maquisards alsaciens-Lorrains dans une unité baptisée Vieil-Armand. Le 16 septembre 1944 à Dijon, accompagnés de Jaeger, Octave Landwerlin, Dopff et Kuhlmann rencontrent le général de Lattre de Tassigny lequel leur propose de se joindre à la BIAL en cours de rattachement, proposition qui fait l'accord de tous.
Le départ de deux compagnies , Vieil Armand depuis Annecy et Donon depuis Chambéry, se fait en train, passant par le Jura. Elles constituent le bataillon Mulhouse sous le commandement du commandant René Dopff. Octave Landwerlin est affecté comme lieutenant dans la compagnie hors rang (état-major) du bataillon Mulhouse et participe dès le 6 octobre aux combats de la BIAL. Le 4 décembre, avec son cousin, sergent dans la compagnie Vieil Armand, ils retrouvent leurs parents sains et saufs à la poste de Lutzelbourg avant de contempler depuis les collines d'Oberhausbergen la cathédrale de Strasbourg.
A la démobilisation de la BAL, alors que le cousin qui n'a pas fait son service militaire est maintenu sous les drapeaux, Octave Landwerlin retourne à la vie civile et crée une librairie - galerie d'art à Strasbourg.
Le 4 septembre 1944, Octave Landwerlin remit cette note à destination de Monsieur le Général d'Armée de Lattre de Tassigny:
"Les Alliés se trouvant aux portes de l'Alsace et de la Lorraine, il importe de prendre certaines mesures ayant sur les deux provinces des répercussions historiques et politiques profondes. Il est indispensable d'effacer rapidement les traces de quatre années d'occupation allemande que le Reich avait mis à profit pour détruire tout ce qu'il y avait de Français en Alsace et en Lorraine, non seulement ce qui aurait pu rappeler extérieurement la France, mais aussi et surtout les sentiments et la fidélité que la population d es deux provinces n'a jamais cessé de manifester envers la grande Patrie. L'Alsace et la Lorraine, qui, depuis quatre années, ont tant souffert, non seulement moralement, mais aussi dans leur chair, ayant dû donner leurs enfants pour une cause qui n'était pas la leur, seraient profondément déçues si les premières troupes foulant leur sol n'étaient pas des unités françaises. L'Alsace et la Lorraine attendent la France.
L'Allemagne, qui de tout temps avait déclaré que la France renonçait à l'Alsace et la Lorraine, trouverait là un démenti formel. A maintes reprises, les représentants du Reich avaient déclaré que les Alsaciens et les Lorrains ne se battaient que pour l'Allemagne. Si dans le passé, il y avait eu des représentants des deux provinces dans l'Armée Française, c'est que, proclamait le Reich, ils avaient étéforcés d'y entrer (eingepresst). A ces assertions, l'Histoire donnera encore un démenti si le Haut-Commandement permet aux volontaire s alsaciens et lorrains des F.F.l. de pénétrer en Alsace et en Lorraine aux côtés de leurs camarades d' Afrique et d'Italie.
Signé: LANDWERLIN."
Marie-Noèl Diener-Hatt in DVD-ROM La Résistance des Alsaciens, Fondation de la Résistance - AERI, 2016.