Rapport sur l'action de l'Inscription maritime au Quartier du Guilvinec (Finistère), 1940-1941
Légende :
Rapport rédigé par Aristide Québriac, administrateur en chef de l’Inscription maritime du Guilvinec, sur son rôle lors des premières missions de renseignements menées par Hubert Moreau au service de l’Intelligence Service et de la France libre (2e Bureau)
Genre : Image
Type : Rapport
Source : © Archives départementales du Finistère, fonds 208 J 130 Droits réservés
Détails techniques :
Document dactylographié sur papier pelure de 3 pages (voir aussi l'album photo).
Date document : 30 avril 1945
Lieu : France - Bretagne - Finistère - Guilvinec
Analyse média
Aristide Québriac, administrateur en chef de l’Inscription maritime du Guilvinec, relate dans son rapport le rôle qu’il a pu jouer durant la Seconde Guerre mondiale au service du MI6 britannique et de la France libre, tout en restant à son poste, en Pays bigouden d’abord, puis à Douarnenez à partir de septembre 1941.
Il évoque ainsi la manière dont se sont noués les premiers contacts, le 26 juillet 1940 selon lui, avec Hubert Moreau, qui évoque de son côté la date du samedi 27 juillet (jour de la semaine où les bateaux ne sortent pas en pêche). Arrivé d’Angleterre par bateau au Guilvinec, au sein d’un équipage de 5 hommes, « des évadés du Guilvinec » (Raymond Le Corre, Henri Le Goff, Michel Baltas et Marcel Guénolé), le fils du vice-amiral Jacques Hector Moreau a pour mission d’établir une liaison maritime entre les côtes bretonnes et celles du Royaume-Uni, ainsi que de collecter des renseignements sur la situation en territoire français, notamment sur la présence allemande. Il s’agit de fournir à Londres des informations à une période – les semaines qui suivent l’armistice - où les Anglais et la France libre en formation n’en ont encore que trop peu.
Aristide Québriac contribue à l’action de la Résistance en délivrant des papiers officiels (rôles d’équipages et livrets maritimes professionnels), munis des cachets nécessaires et remis régulièrement à jour, au gré de l’évolution des règles fixées par les Allemands. Ces documents permettent aux résistants de la France libre de naviguer plus aisément au nez et à la barbe des Allemands, en se faisant passer pour de simples marins-pêcheurs. Hubert Moreau, alors âgé de vingt ans seulement, effectue ainsi quatre missions dans la région (entre juillet et septembre 1940). Son successeur, Daniel Lomenech de Pont-Aven, d’un an son cadet, est aussi, au cours de ses différentes missions de l’automne 1940 au printemps 1941, approvisionné en documents officiels par Aristide Québriac. Tout en travaillant officiellement pour l’État français, l’administrateur des Affaires maritimes n’en œuvre pas moins au service de la Résistance. C’est ainsi qu’il aide aussi le capitaine Pierre Dréau (agent de renseignement) à obtenir des Allemands l’autorisation de sortir en mer comme simple plaisancier. Du large, ce dernier parvient à émettre, via un poste radio, une foule de renseignements à destination de l’Angleterre.
Delphine Le Floc'h
Contexte historique
En ce début d’été 1940, alors que l’Allemagne occupe le Nord de la France et une partie de l’Europe, les troupes de la Wehrmacht préparent des plans d’invasion du Royaume-Uni, seul pays qui leur résiste encore. Face à cette menace, il est urgent pour le Secret Intelligence Service britannique (MI6) d’obtenir des informations, de savoir ce que trament les Allemands, de connaître ce qu’il se passe sur le sol français, en particulier sur les côtes les plus proches, celles des mers du Nord, de la Manche et de l’Atlantique. De son côté, la France libre qui se forme tout juste et qui commence à enregistrer le ralliement d’une poignée d’hommes, met en place un embryon de service de renseignements (2e Bureau), sous l’autorité du capitaine du génie André Dewavrin, alias Passy. Il s’agit non seulement de disposer d’informateurs en France mais aussi d’assurer la transmission des renseignements vers Londres, tâche ô combien difficile dans cette période de chaos.
C’est ainsi qu’à peine parvenus en Angleterre, souvent au prix d’une traversée périlleuse, certains engagés de la France libre sont-ils priés de regagner le continent. Hubert, Arnould, Pierre Moreau est de ceux-là. Il a quitté Beg-Meil en Fouesnant (au sud de Quimper) à la barre de L’Albatros, un petit bateau de pêche, le 24 juin, en compagnie de son cousin Gérard, et arrive à Polperro (petit port de pêche situé à une quarantaine de km à l’ouest de Plymouth) le 1er juillet. Contacté immédiatement par les services de renseignements britanniques, il reçoit l’aval du général de Gaulle à Londres pour accomplir une première mission de reconnaissance en territoire français.
Il choisit lui-même son équipage, constitué de jeunes pêcheurs originaires du Guilvinec : Raymond Le Corre, Michel Baltas, Marcel Guenolé et Henri Le Goff, recrutés à l’Olympia-Hall. C’est à bord d’une pinasse de Douarnenez, rebaptisée Le Petit-Marcel, que les cinq hommes effectuent la traversée les 26 et 27 juillet 1940 et décident d’accoster sur le littoral du Sud-Finistère, à leurs yeux sans doute un peu moins surveillé que les rives septentrionales du département. Ils atteignent leur destination peu avant minuit, Hubert Moreau et Raymond Le Corre débarquant discrètement non loin de la plage de Men Meur au Guilvinec, avant d’entrer le lendemain dans le port, à bord de leur pinasse, au moment du retour de pêche de la flottille, se fondant ainsi dans la masse pour passer inaperçus.
Ils reçoivent des parents de Raymond, des pêcheurs locaux ou encore du mécanicien Yves Frelaud (qui intègre par la suite le réseau Johnny), un certain nombre d’informations sur les laissez-passer, les conditions de circulation, l’état d’esprit des habitants et celui de l’occupant ou encore les avis de la Kommandantur publiés dans la presse locale. Ils apprennent aussi quelques précieux éléments de la vie quotidienne, tels que la nécessité de naviguer à la voile plutôt qu’au moteur en ces temps de rationnement du carburant, afin de n’éveiller aucun soupçon chez les Allemands.
C’est au gré de circonstances inattendues qu’Hubert Moreau entre en contact avec Aristide Québriac, lequel a travaillé quelques temps sous les ordres de son père. Les activités des cinq Résistants à bord de leur pinasse toujours au port, mais sans nom ni numéro inscrits sur la coque, intriguent en effet un gendarme militaire qui se montre un peu trop curieux, voire menaçant. Pour se sortir du guêpier qui s’annonce, Moreau demande à voir l’administrateur de l’Inscription maritime. Celui-ci accueille avec enthousiasme ce jeune venu - « Enfin ! » - d’Angleterre. Manifestement, il n’attend que cela : l’opportunité d’entrer en contact avec « l’autre côté » et, très rapidement, il devient une inestimable source de renseignements par ses contacts réguliers avec les Allemands (du fait de sa fonction), sa connaissance du milieu maritime et portuaire et par les multiples déplacements qu’il est amené à effectuer en Bretagne. Sans oublier le rôle de ses services dans la délivrance de documents officiels à destination des pêcheurs.
C’est en partie grâce à lui que la première mission de reconnaissance en territoire français, menée conjointement par l’Intelligence Service et le 2e Bureau, constitue une véritable réussite : l’équipage de Moreau parvient à regagner Falmouth sans dommages, la liaison entre l’Angleterre et le Finistère est établie, un réseau voit peu à peu le jour, constitué de personnes sûres, d’informateurs et bientôt d’agents officiellement recrutés par la France libre ou le MI6. D’autres missions suivent rapidement dans le même secteur (avec débarquement à Douarnenez), accomplies d’abord par Moreau lui-même, puis par Daniel Lomenech, l’un des membres du réseau Johnny, tout comme Yves Frelaud, Raymond Le Corrre ou Pierre Dréau.
Auteur : Delphine Le Floc'h
Sources :
Témoignage écrit d’Hubert Moreau, « Premières missions », extraits de la Revue de la France Libre, n° 80, 81 et 82, juillet-août, septembre-octobre et novembre 1955, mis en ligne sur le site de la Fondation de la France libre, http://www.france-libre.net/premieres-missions-moreau/
Notice sur Hubert Moreau sur le site des Français libres http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=86441 Blog Guerre et résistance en pays bigouden https://bigouden1944.wordpress.com/tag/moreau-hubert/
Notice Wikipedia sur Jacques Hector Moreau, père d’Hubert Moreau, href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Hector_Moreau">https://fr.wikipedia.org/wiki/Jacques_Hector_Moreau
Notice sur Daniel Lomenech sur le site des Français Libres http://www.francaislibres.net/liste/fiche.php?index=28638&page=1
Amicale des réseaux Action de la France combattante, Les Réseaux Action de la France Combattante, « Comment naquit l’Action », 1986 (version numérique sur le site de la Fondation de la Résistance http://www.fondationresistance.org/pages/accueil/les-reseaux-action-france-combattante_publication6.htm)
Pierre Accoce, Les Français à Londres : 1940-1941, éditions Balland, 1989.
Article « Les premiers réseaux », publié en novembre 2009 sur le site de la Fondation de la France libre (http://www.france-libre.net/premiers-reseaux/).
Keith Jeffery, MI6: The History of the Secret Intelligence Service 1909-1949, Bloomsbury, 2010.
Brooks Richards, Secret Flotillas - Volume I : Clandestine Sea Operations to Brittany, 1940-194, Routledge, 2004.
Rapport sur l'action de l'Inscription maritime au Quartier du Guilvinec - 2e page
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