Contexte historique

Née le 1er avril 1920 à Waldersbach (Bas-Rhin) dans une famille d'ouvriers-paysans avec un oncle qui avait rejoint l'armée française en 1914, Madeleine Loux devient guichetière au bureau de poste de Rothau (Bas-Rhin) en 1937. Après l'annexion de fait de l'Alsace par l'Allemagne nazie, un SS se rend sur son lieu de travail en octobre-novembre 1940 et demande à parler à l'ensemble du personnel sur place. Il annonce qu'ils vont recevoir du courrier adressé à l'entreprise Erd und Steinwercke dirigée par le colonel SS Blumberg. Le soldat, ayant fait cette annonce, s'installe ensuite à proximité des locaux de la poste, dans la maison du docteur Charles Bernhard, qui s'est réfugié de l'autre côté des Vosges, à Saint-Dié-des-Vosges.

Le courrier devient de plus en plus important au fur et à mesure que les premiers déportés arrivent à Rothau au cours de l'année 1941. Les 21 et 23 mai 1941, deux convois venant du camp d'Oranienburg-Sachsenhausen (Allemagne), arrivent dans la gare de la commune. Ces deux dates marquent l'entrée en fonction du camp de concentration de Natzweiler-Struthof. Alors que l'arrivée des convois devient fréquente, les détenus passent en rang devant le bureau de la poste de Rothau où les employés reçoivent l'ordre de fermer les volets. C'est également en 1941 que Madeleine Loux est mutée 18 mois à Molsheim pour "ne plus parler français". En 1942, elle suit un Umschulung, un recyclage, pour les employés des administrations, à Altkirch (Haut-Rhin).  

Chaque matin, un groupe de prisonniers, à chaque fois composé de nationalités diverses, se rend à la poste de Rothau pour chercher le courrier et surtout les colis. Des centaines de paquets sont passées les uns aux autres avant de finir par la fenêtre dans un camion. Madeleine Loux en profite pour glisser du pain ou du Pumpernickel, un pain de seigle d'origine allemande, une pomme ou un sandwich. Les denrées sont collectées avec sa mère en échangeant les cartes de tabac dans les fermes. D'autres personnes l'aident en lui apportant également de la nourriture à distribuer. Elle parvient également à soutirer des informations grâce aux détenus luxembourgeois qui parlent le français. 

Durant l'hiver 1943-1944, des centaines de colis sont ainsi expédiées par la Croix-Rouge de Genève à destination du camp de concentration de Natzweiler-Struthof. A partir de 1944, de nombreux soldats SS sont affectés au front de l'Est. Pour les remplacer, les autorités nazies envoient des SS originaires des pays de l'est. Ainsi le Kommando de la poste est encadré par un Hongrois et un Roumain, tous deux âgés d'une quarantaine d'années. Ces derniers permettent même à Madeleine Loux de cuisinier un repas chaud notamment des oeufs au plat qu'ils mangent en cachette avec l'ensemble des détenus du groupe.

Le 1er septembre 1944, Madeleine Loux assiste à la montée au camp d'une quarantaine de maquisards du Groupe Mobile Alsace (GMA) Vosges qui sont exécutés le soir même. Durant le même mois, la majorité des détenus du camp est transférée au camp de concentration de Dachau (Allemagne). Il n'en reste plus qu'une poignée qui vient régulièrement chercher les courriers et réexpédier les colis. Les 21 et 22 novembre 1944, alors qu'ils sont également expédiés en Allemagne, les derniers prisonniers parviennent à glisser leurs adresses sur des petits bouts de papiers afin que Madeleine Loux puisse écrire à leurs familles. 

Le 5 novembre 1998, Madeleine Brulé (née Loux) reçoit la médaille de l'ordre de la Résistance au Luxembourg pour "ses grands services aux détenus luxembourgeois du camp de concentration de Natzweiler-Struthof". Elle décède le 8 février 2006. En 2012, le conseil municipal de Rothau décide d'attribuer le nom de Madeleine Brulé à une rue de la commune.

Le lundi 5 mars 2012, la Poste centrale de Strasbourg inaugure la salle Madeleine Brulé avec cette citation :
"Madeleine Brulé (1920-2006) était postière au bureau de poste de Rothau. Pendant la Seconde Guerre mondiale, ce bureau dessert le camp de concentration de Natzweiler-Struthof. A l'insu du SS surveillant du Kommando Poste, Madeleine Brulé glissait souvent des vivres et des colis pour les prisonniers, dont certains étaient luxembourgeois, dans les sacs postaux à destination du camp. Résistante ne faisant partie d'aucun réseau, Madeleine Brulé s'est investie au péril de sa propre vie. En 1998, le premier ministre luxembourgeois, Jean-Claude Juncker, lui décerne la médaille de la Résistance 1940-1944 pour les "grands services rendus aux détenus luxembourgeois du camp de concentration de Natzweiler-Struthof."

Plaque à la mémoire de Madeleine Brulé, Strasbourg (Bas-Rhin)