Les troupes allemandes chargées d’investir le Vercors par le sud continuent à progresser dans la vallée de la Drôme, malgré les embuscades qu’ont préparées les résistants. Après s’être fait accrocher à Aouste, puis à Saillans, ils arrivent au petit village d’Espenel. Sur la rive gauche, le groupe Dujet, échelonné entre la sortie du tunnel et le village d’Espenel, se trouve sous un déluge de balles et de pluie. Les Allemands brûlent les fermes et cabanons sur leur passage. Une bataille serrée s’engage vers 14 h 30 à Espenel. En dépit de leur supériorité écrasante et de l’appui de l’aviation, de l’artillerie et des blindés, l’infanterie ennemie subit de lourdes pertes et cherche pendant cinq heures à encercler les FFI (Forces françaises de l'intérieur) : le combat ne cesse qu’à la tombée de la nuit. Dans la bataille, des Allemands auraient été tués à la Gammon. Le 3e bataillon dégage la route de Die pour y tendre seulement des embuscades. Le soir et durant la nuit, les Allemands, qui occupent également Blacons en fin de journée, pillent et incendient le village d’Espenel bombardé et des fermes environnantes à titre de représailles. Après une retraite désordonnée, la compagnie Dujet se retrouve, le 21 juillet au soir, dispersée entre Rimon, Saint-Benoît et Saint-Nazaire-le-Désert. C’est avec l’aide des habitants de ces communes que le groupe Dujet pourra se regrouper dans une ferme. C’est ce jour-là que se situe l’épisode narré par ailleurs de la cabane d’Espenel. Pendant le combat de l’après-midi, quatre membres de la section Dujet, mitraillés par un avion, puis pris sous les tirs d'armes automatiques, sont plus ou moins grièvement blessés. Pendant la nuit, ils rampent jusqu'à un cabanon proche. Là, résignés et souffrants, ils attendent. À quelques dizaines de mètres, ils entendent les Allemands ivres qui, en hurlant leurs chants guerriers, pillent et incendient le village d'Espenel. Une femme du village, madame Béranger apporte à boire aux blessés et commence à les soigner. Puis, l'ancien combattant aguerri d’Espagne, Benito Carod, replié avec les autres maquisards sur les hauteurs de Saint-Benoît, revient seul au péril de sa vie, au secours des blessés. Le commandant Pons fait remarquer dans ses mémoires que « La bataille d'Espenel était une bataille prévue. […] L'état-major attachait une grosse importance à ces combats pour protéger le Vercors. [...] ce que je puis dire c'est que personne n'est venu pendant la bataille qui s'est déroulée le 21 juillet, et qui dura toute la journée. Ni à Saillans, ni à Espenel, ni a Estrieux, nous n'avons vu un seul officier, ni même un simple agent de liaison de l'état-major ». Cela lui aurait peut-être permis d'éviter d'improviser un plan de feu qui s'avère mal fait, face à des Allemands qui se méfient après l'embuscade de la compagnie Chapoutat. Un mémorial situé au bord de la route départementale n° 93 en amont de Saillans commémore l’ensemble des combats de la vallée de la Drôme ; il a été inauguré le 21 juillet 1999. Constitué de trois murs symbolisant par leurs crénelures le relief montagneux, il est orné dans une échancrure de l’ancre de marine à croix de Lorraine, insigne de la compagnie Pons, au travers de laquelle on voit se détacher le village reconstruit d’Espenel. Le monument porte plusieurs plaques où sont inscrits les noms des victimes civiles et militaires du 21 juillet, les déportés du 27 décembre 1943. Résistants morts : Doucet Maurice, 17 ans, de Crest, fusillé au quartier des Versannes à Piégros-La-Clastre, Puget Jean, Pacon Marcel, Rehs Claude, Humbert Élie, Bergeron Jean, Defolie Jean, Tournigand André, Poulet Henri, Thuile André, Joseph Léon (Le Crestois 19 juillet 1947) et un inconnu, soit 12 morts dont 7 fusillés, 29 blessés, des victimes civiles en représailles (Boyer Désiré, Chauvet Paul, Chauvin Louis et Monteiller Léon, d’Espenel, Deniez Louis et Legrand Louis de Saillans). Les pertes allemandes auraient été de 4 tués et 12 blessés.
Auteurs : Albert Fié et Robert Serre Sources : AN, 72 AJ 120 N° 7. AN, B.C.R.A., 3AG2/478, 171Mi189. SHAT, Microfilm Bobine 173, 9e Panzer. G173-b - 52994/1. ADD, 97 J 91. Pour l’Amour de la France. Combats pour le Vercors et pour la liberté. Paul Pons, De la Résistance à la Libération. H. Faure, éphéméride. Lettre de Louis Moulin 20 avril 1994. Souvenirs de Micheline Bernard. Rapport du 22 juillet 1944 du soldat Anstett (archives Fié). Le Dauphiné Libéré, 21 juillet 1989, 23 juillet 1990, 1er août 1994, 28 juillet 1996, 23 juillet 1999. Le Crestois, 18 juin et 23 juillet 1999, 19 juillet 2002. "Journal du Dr Thiers" (1944) in Le Crestois du 29/07/1994.
Albert Fié a réalisé plus de 150 dessins ou gouaches retraçant ses souvenirs de Résistant au sein de la compagnie Pons dans la région de Crest. Toutes ces œuvres sont signées et marquées symboliquement de la croix de Lorraine encastrée dans l'ancre de marine évoquant Paul Pons, officier de marine marchande.Les résistants du groupe Deboard (numéros 1, 2 et 3 sur le croquis) ont établi un barrage sur la route nationale N 93 avec des blocs et des morceaux de rail fichés dans la chaussée. Albert Fié l’a très bien figuré sur son croquis (partie inférieure). Afin de dégager leur angle de tir, ils ont fait sauter une cabane de cantonnier à l’angle du pont (sur le croquis, à droite du pont côté N 93). Les Allemands (représentés sur le croquis par les croix gammées) remontent la vallée par les deux rives, à droite par la N 93 et par les crêtes des hauteurs voisines (en bas du croquis), à gauche sur la voie de chemin de fer. Leur supériorité et les tirs des avions obligent les résistants à fuir au plus vite : ils sautent de leurs rochers sur la route, puis dans le lit de la rivière Drôme qu’ils remonteront jusqu’à Die.
Croquis légendé par Albert Fié.
Genre : Image Type : Croquis
Source : © Collection Albert Fié
Feuille de papier crayonnée aux stylos en couleur.