Mai-Juin 1940, prélude à l’effondrement de la IIIe République et au régime de Vichy, est la défaite militaire la plus traumatique de l’histoire de la France contemporaine. Elle a fait l’objet d’une abondante production historiographique, en France comme à l’étranger. Les conclusions sont généralement nuancées sur les raisons de l’effondrement, même si des désaccords subsistent entre historiens sur la possibilité d’une « histoire alternative ». Mais, à la différence des travaux sur le régime de Vichy, voire sur la Résistance, ces conclusions n’ont jamais pu vraiment s’acculturer dans la société française. La mémoire de 1940, peu chargée d’histoire, reste peuplée de lieux communs forgés pour certains dès 1940 et résumés par Louis-Ferdinand Céline dans son pamphlet Les Beaux draps : « Neuf mois de belote, six semaines de course à pied : l’armée Ladoumègue ». Des soldats lâches, au minimum peu combatifs, conduits par des chefs stupides ou incompétents ; tels sont présentés les faits dans les films de La 7e Compagnie. Le présent ouvrage, issu d’un colloque organisé à Lyon en janvier 2014, analyse cette faiblesse de la parole publique sur la défaite. Il étudie les différents canaux mémoriels (politiques, étatiques, associatifs, religieux, littéraires) qui ont participé dès 1940 à la constitution de cette « légende noire » qui a eu des incidences redoutables sur l’image du pays et sur « l’estime de soi » des Français.