Implantation du réseau F2 en décembre 1940
Légende :
Sous l'appellation de « F » puis de « F2 », l'entrée en action de ce réseau de renseignement franco-polonais est homologuée au 10 juillet 1940. C'est aussi la première organisation de résistance, dotée de ses propres moyens radio, à exercer son activité clandestine sur le sol français.
Genre : Carte
Type : Carte
Source : © Service historique de la Défense 17P 129 Droits réservés
Détails techniques :
Dessin à l'encre
Date document : Décembre 1940
Lieu : France
Analyse média
Cette carte montre l'implantation du réseau F2 en France en décembre 1940. Le réseau est alors composé de quatre secteurs :
- PO4 Marine : côtes méditarranéenne et bretonne, Bordeaux. Il semblerait que le réseau Marine du lieutenant Jekiel ait intégré le réseau F2 au prmeier trimestre 1941 et non avant décembre 1940 comme le mentionne cette carte.
- PO1 : Toulouse, placé sous la responsabilité de Korwin-Szymanowski ("Rab-Nestor") investi également de la responsabilité de chef adjoint.
- PO2 : Lyon, avec à sa tête le capitaine Kamienski "Franta".
- PO Paris : Région parisienne, avec le capitaine Roman Czerniawski "Armand".
PO est l'abréviation de poste officier.
Fabrice Bourrée
Contexte historique
Ayant reçu, le 6 septembre 1940, la mission d'organiser un réseau de renseignements en zone non occupée, le major Zarembski « Tudor » installe son PC de commandement à Marseille, dans une villa baptisée « Les Mimosas » et située dans une rue discrète. Il reçoit bientôt le renfort du major Korwin-Szymanowski « Nestor-Rab » arrivé de Londres qui lui transmet des instructions précises, ainsi que les premiers fonds. « Tudor »prend ensuite contact avec le général Kleeberg « André », responsable des militaires polonais encore présents en France, qui lui remet un poste radio émetteur, ainsi qu'un code et une procédure de chiffrage. Deux opérateurs radio, Boleslaw Dulemba et Zygmunt Maslowski, de l'ancien Ministère des Affaires étrangères, sont chargés de son bon fonctionnement. Le financement de l'organisation est d'abord assuré par des avances prélevées sur le réseau Evacuation et par des fonds attribués par le général Kleeberg. Puis, à partir d'octobre 1940, par des versements réguliers en provenance d'Espagne, transitant par la gare frontalière de Canfranc, puis transportés clandestinement en France.
Une aide très importante, pour l'organisation du réseau, est apportée à « Tudor » par Philippe Autier. Ce dernier avait occupé en Pologne un poste dans une banque d'affaires durant de nombreuses années, et il manifestait une grande sympathie pour la Pologne. Il mit « Tudor » en relation avec de très nombreux amis français, scandalisés par l'armistice et l'occupation, et qui voulaient agir aux côtés des Alliés.
Grâce à tous ces contacts, « Tudor » peut maintenant organiser plusieurs secteurs opérationnels :
- Liaisons avec l'Espagne, avec Jozef Radzyminski « Izabel », notamment par la gare de Canfranc.
- Toulouse, intitulé PO1 (Poste Officier n°1), placé sous la responsabilité de Korwin-Szymanowski investi également de la responsabilité de chef adjoint.
- Lyon, code de PO2, avec à sa tête le capitaine Kamienski « Franta ».
- Secteur Aviation, avec le capitaine Roman Czerniawski « Armand », puis ensuite avec l'ingénieur Krzyzanowski « Panhard » à la suite du départ de Czerniawski pour Paris. Ce secteur contrôle rapidement et efficacement toute l'industrie aéronautique, ainsi que les aérodromes militaires de la zone sud, puis progressivement ceux de la zone occupée. Les renseignements obtenus sont de première importance et très vite envoyés à Londres par radio, puis confirmés par courrier. En pleine période de la Bataille d'Angleterre, avec des combats aériens incessants au-dessus du territoire britannique, il est permis de penser que les informations transmises à Londres étaient d'une importance capitale pour la survie des assiégés.
Zarembski prend vite conscience que pour obtenir une grande efficacité, il lui est nécessaire d'associer à l'action le plus grand nombre possible de citoyens français dans son réseau. Il constate aussi que les Français sont très nombreux à répondre positivement aux sollicitations de ses responsables de secteurs. Lors de l'engagement de combattants français, il est systématiquement précisé les obligations du réseau à l'égard de ces futurs compagnons d'armes. Des garanties leur sont aussi données, au nom des pleins pouvoirs délégués par la Centrale polonaise de Londres, quant à la prise en compte de leur temps passé dans le réseau au titre de service militaire de première ligne dans l'Armée française, et qu'en cas d'arrestation, le SR polonais assurerait le versement d'une aide matérielle à leur famille ou son versement sur le compte du combattant. Ces premiers Français qui s'engagent ainsi dès le début de l'Occupation dans la Résistance, sont poussés par un devoir moral. Quelques-uns d'entre eux avaient bien entendu parler du général de Gaulle à Londres, mais ils ne savaient rien de lui. A cette époque, ce n'est pas l'identité du réseau ou son obédience qui importent, mais seule compte l'opportunité de pouvoir s'engager dans l'action clandestine, afin d'exprimer son refus de la défaite, puis du déshonneur de la Collaboration. Ces premiers Français se considéraient comme des volontaires de l'avant-garde de la future armée française de libération.
En novembre 1940, Zarembski confie à Roman Czerniawski la mission de partir pour Paris afin d'implanter en zone occupée un secteur de renseignements. Ravi de cette opportunité qu'il jugeait à sa mesure, « Armand » s'active pour l'obtention de tous les papiers et documents nécessaires. Pour cette mission, il allait faire équipe avec Mathilde Carré « La Chatte » et Gaston Lurton « Jean ». Enfin, le 9 novembre, les trois membres de l'équipe partent pour Paris par des voies séparées. « Armand », avec 100.000 francs en poche, muni d'une carte d'état-major, franchit clandestinement la ligne de démarcation avec l'aide de contacts installés de part et d'autre de celle-ci.
Au cours du premier trimestre 1941, le réseau Marine du Lieutenant Jekiel « Doctor » est incorporé au réseau de Zarembski. Ceci à la suite d'une demande de « Doctor », handicapé par des problèmes de santé. Son réseau est alors repris par le lieutenant de réserve Léon Sliwinski « Jean-Bol », assisté par Léon Gologorski « Philippe ».
En avril 1941, Zarembski poursuit le développement de son réseau et crée à Marseille un nouveau secteur qu'il confie à Krzyzanowski « Panhard ». Ce dernier gardait également sous son contrôle le secteur de Lyon. Par mesure de sécurité, « Tudor » doublait sur Marseille l'activité du secteur du réseau Marine.
Dans le même temps, il met sur pied à Vichy une cellule de renseignements intitulée « Cellule 202 » qu'il confie à Vincent Lubienski « Lak ». Ce dernier, journaliste de son état avant la guerre, peut alors nouer de nombreuses relations avec les représentants des pays neutres en poste dans cette ville. Il peut ainsi obtenir de nombreuses informations sur l'activité politique menée par les diplomates allemands en poste dans la capitale de l'Etat Français. Sur place, « Lak » travaille en étroite liaison avec Stanislas Zabiello « Pierre », directeur des Offices polonais.
En septembre 1941, « Tudor » reçoit le renfort de Zygmunt Wilkowski « Orient » parachuté clandestinement en zone libre avec la mission de prendre en charge le secteur PO2 de Lyon, en remplacement de « Franta » venant d'être évacué clandestinement par l'Espagne, à la suite d'une inculpation provisoire de la police de Vichy, en mai 1941.
Au cours du dernier trimestre de 1941, les réseaux polonais animés par Zarembski, Ladislas Potocki à Vichy et Roman Czerniawski à Paris, subissent une forte répression de la part de la police de Vichy et de l'Abwehr, se traduisant par une cascade d'arrestations. La frappe des policiers de la Brigade de surveillance du territoire (BST) va être particulièrement néfaste sur deux secteurs marseillais de Zarembski, animés par « Panhard » et « Jean-Bol ». Zarembski va cependant réussir à passer au travers des mailles du filet, et à sauvegarder l'essentiel de son organisation. Mais avec la chute du réseau de Roman Czerniawski, il va être complètement « brûlé » et sa situation va devenir intenable. Pour survivre il est alors contraint de prendre le maquis, et la Centrale de Londres lui ordonne, le 31 décembre 1941, de cesser toute activité. Il réussit à se cacher tout en maintenant pérenne la structure de son réseau, dans l'attente d'un remplaçant. Il est ensuite évacué vers Londres, accompagné de son épouse, le 1er mars 1942 par avion Lysander. Par contre, les conséquences seront très lourdes pour le réseau de Roman Czerniawski qui va être démantelé. Le réseau de Ladislas Potocki à Vichy subit le même sort.
Vincent Zarembski « Tudor » remet ainsi son poste après 17 mois de combat clandestin pour la cause des Alliés et la liberté de la France. Cet officier déraciné dans un pays étranger, dont il ne maîtrisait qu'imparfaitement la langue, avait réussi avec l'aide d'autres officiers polonais à organiser en un temps record l'un des premiers réseaux de Résistance sur le territoire français. Par son exemple, son professionnalisme et son charisme, il avait réussi à entraîner dans le combat contre l'occupant de très nombreux Français qui le suivirent sans hésiter. Ces Français qui se dressèrent ainsi, dès la première heure contre l'occupant, firent preuve d'un engagement patriotique remarquable dans un contexte général de morosité et de résignation de l'époque. Car à l'époque, la majorité de la population française considérait la victoire de l'Allemagne comme plus que probable.
Jean Medrala in DVD-ROM La Résistance polonaise en France, AERI, 2013