Lucien Chopy

Légende :

Photographie de Lucien Chopy au 8e du régiment du Génie vers 1931

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © Coll Jean-Pierre Chopy Droits réservés

Date document : sans date

Lieu : France - Ile-de-France - Paris - Paris

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Contexte historique

Né le 31 juillet 1911 dans le 5e arrondissement de Paris, Lucien Chopy vit pendant l’occupation dans le 13e arrondissement, 18 place d’Italie, ainsi que sporadiquement chez sa fiancée 28 rue Bobillot. Fils de Charles Chopy et de Elisa Alma, Lucien a deux frères, René (35 ans) et Robert (25 ans), le second travaillant avec lui à la SNCF. Engagé dans l’armée française avec la classe de 1930, il sert au 8e bataillon du Génie (Centre de Recherche de l’Ecole Militaire, Compagnie Télégraphique). Lorsque la guerre éclate, il officie en tant que chef de poste du central civil de Guise et va se distinguer pour ses actions face aux Allemands. En effet, il franchit les lignes allemandes lors de la retraite de l’été 1940 avec quelques hommes de son unité, aux alentours de Cléry, afin d’apporter des renseignements à l’Etat-Major britannique, coupé des Français par l’avancée de la Wehrmacht. Puis, le 16 mai 1940, il couvre le départ de son unité avec quelques hommes, retranchés dans une sucrerie jusqu’à l’arrivée des régiments blindés qui prennent la relève. Sur le chemin du retour vers leur unité, le groupe de Chopy participe à la prise de plusieurs routes ainsi que d’un barrage routier allemand à Marquet. Devant par la suite battre une nouvelle fois en retraite, le groupe perd un de ses hommes, capturé par l’ennemi, mais parvient plus tard à localiser un stationnement de 150 à 200 véhicules blindés d’infanterie et de division panzer qui seront par la suite bombardés par des patrouilles aériennes alliées tandis que le groupe de Lucien Chopy attend une accalmie pour rejoindre son bataillon à Saint-Quentin.

Après la défaite, Lucien Chopy est stationné à la gare des Batignolles ou il commence à camoufler des armes et munitions, avec la complicité des ouvriers et chefs de la gare et des forces de police locales. S’engageant un peu plus dans la Résistance, Chopy se met à distribuer des tracts et journaux clandestins dans le quartier de la gare, tout en participant aux transports de faux papiers vers des clandestins et en renseignant de plus en plus les Bataillons de la Mort. Fort de cet engagement, Lucien Chopy tente de créer son réseau de renseignement et d’évasion dès le début de l’année 1941. Toutefois, ses activités clandestines ne sont pas passées inaperçues et il est recherché par la Gestapo pour ses liaisons avec les Bataillons de la Mort.

Se sachant recherché à la gare, il décide de partir quelques temps près de la zone de démarcation, dans le Cantal, ou il retrouve son cousin, distributeur de tracts et de journaux, ainsi que de nombreux résistants de la région cherchant à créer un réseau et espérant l’appui de Lucien Chopy pour entrer en contact avec Paris puis Londres. A son retour le 26 juin 1941, il est arrêté par la Gestapo et interrogé par sept inspecteurs de suite pendant 10 jours. Faute de preuves, Lucien Chopy se sait menacé mais fonde tout de même son réseau à Paris, avec une liaison forte dans le Cantal, dont la tâche principale est la fabrication de fausses cartes pour les clandestins puis les réfractaires. Nommé « XIII » le réseau s’articule autour de Lucien Chopy, alors en poste à la gare d’Asnières, et de certains cadres d’un autre réseau, CDLL (Ceux De La Libération), notamment Henry Leduc et plus tard Jovignot. Dès lors, Lucien Chopy est reconnu à Londres à la fois comme l’un des « responsables d’un mouvement de la Résistance Intérieure Française et des Bataillons de la Mort » mais aussi comme agent P2 (grade sous-lieutenant) au sein du réseau « SR Armée des Volontaire », du 1er juin 1941 au 30 septembre 1943, puis comme agent P2 (grade lieutenant) au sein du réseau CDLL du 1er octobre 1943 au 23 mai 1945.

En effet, Lucien Chopy participe activement au recrutement d’agents pour ces deux réseaux, dont la plupart des membres sont aussi actifs pour le groupe XIII. Ainsi, ses nombreuses relations lui permettent de recruter des agents dans le monde de l’ingénierie, chez l’usine de moteurs d’avion Gnome-et-Rhône, dans la maison Dewotine, mais aussi chez Alsthom via deux agents très actifs, Schwarts du Service des Etudes et Muller à la direction pour les relations avec l’Occupant, au sein du siège de Paris. Néanmoins, il doit basculer dans la clandestinité et quitter son travail le 11 septembre 1942, recherché et condamné à mort par les Allemands pour son implication dans les Bataillons de la Mort et sa proximité avec Albert Dubois, la Gestapo ayant découvert la véritable identité de celui appelé « XIII », « Alphonse », « Merle », « Perhonne » ou encore « Bert ».

Entré dans le réseau CDLL en juillet 1943, grâce à « Henry », contact du XIII à Versailles, chef du CDLL puis de l’Armée Secrète à Versailles et Saint-Cyr, Lucien Chopy continue alors son activité de recrutement pour ce réseau jusqu’en septembre 1943 lorsque la situation se complique. En effet, Doligni, fabriquant de radio et contact important de Chopy et du XIII, est arrêté par la Gestapo dont la répression s’accentue autour du CDLL et du XIII. Se sachant une nouvelle fois menacé, il prépare son voyage pour le Cantal ou il espère intégrer le maquis, Paris étant devenue trop dangereuse pour lui. Avant cela, il cherche à contacter tous ses agents pour s’assurer de leur sécurité, comme il le fît après chaque arrestation, la sécurité de ses hommes étant cruciale pour lui. C’est en se rendant à un rendez-vous avec Jovignot, le 14 janvier 1944, qu’il tombe dans une souricière et est arrêté sur la terrasse d’un café, 12 avenue Victor Hugo, en compagnie de Jovignot, alias Dupuis. Ce que Lucien Chopy ne savait pas, c’est qu’un de ses autres contacts, Kermogan, avait été arrêté le matin même par la Gestapo, sans que personne ne le sache, alors que Lucien devait le rencontrer à l’Arc-En-Ciel dans l’après-midi pour lui fournir des informations sur la SNCF avant de partir pour le Cantal. En effet, un agent de la Gestapo avait réussi à s’infiltrer par Kermogan dans le CDLL, alors que la majorité des contacts de Lucien Chopy l’avaient mis en garde, et qu’il avait coupé tout contact avec l’agent infiltré. Max Dumas, agent de la Gestapo, nom de code « Jacques », a pourtant eu assez d’informations pour coincer Chopy avant son départ pour le Cantal.

Emmené avec certains agents du CDLL et du XIII rue Mallet-Stevens, Lucien Chopy « subit plusieurs fois l’épreuve de la baignoire » et est « frappé avec sauvagerie plus particulièrement dans les reins et le bas du ventre quand il était suspendu par les pieds » selon les rapports postérieurs de Buisson, résistant et compagnon d’infortune de Lucien Chopy lors de son incarcération. Malgré ces tortures incessantes, il fut décoré après la guerre pour sa conduite irréprochable, ayant maintenu le moral des autres et disculpé autant que possible ceux dont le nom ressortait des interrogatoires. De ce fait, seuls 5 des 15 agents dont les noms de code avaient été fourni par Dumas furent arrêtés grâce au travail de Chopy sous la torture de ce dernier (ce collaborateur participant activement aux séances d’interrogation de la Gestapo).

Déporté en compagnie de Buisson à Auschwitz par le convoi du 24 avril 1944, puis à Buchenwald et enfin à Flossenburg, il travaille dans une usine de fuselage pour Me 109/110 des janvier 1945. Sabotant toutes les pièces qu’il pouvait (200 selon son rapport), il est déplacé vers la zone d’assemblage du moteur où il continue son œuvre de sabotage sans que les SS ne parviennent à l’arrêter à cause du changement constant d’ouvriers dans la ligne d’assemblage. Malgré les relativement bonnes conditions de travail pour un camp de concentration (dans une usine), Lucien est atteint d’une forte otite et d’une toux continuelle, aggravée par un coup de crosse reçu de la part d’un gardien SS, comme le rapporte Buisson. Il est finalement envoyé vers la Tchécoslovaquie avec les autres détenus du camp le 13 mai 1945, la marche s’arrêtant le 8 mai, date de l’armistice. Il souffre toutefois d’une grave dysenterie dès le départ de la marche, ne pouvant se remettre que part l’intervention des médecins militaires américains, à Eger, le 17 mai 1945. Lucien Chopy survit après sa libération des camps et est décoré de la Croix de guerre 1940 avec étoile de vermeil, le 4 décembre 1945, avec pour citation « Agent de SR en territoire occupé par l’ennemi. Entré en 1943 au réseau, a organisé la Résistance dans le Cantal. Condamné à mort, a continué à Paris son activité clandestine. Arrêté par la Gestapo, a su par son silence assurer la sécurité de ses camarades leur permettant ainsi de continuer leur mission. Déporté en Allemagne n’a cessé d’affirmer par sa conduite ses qualités de Français. ». Son rôle a pourtant été minimisé après-guerre, certains documents témoignant quelques années plus tard de ses incroyables faits d’armes.


Auteur : Hadrien Bachellerie

Sources :
Service historique de la Défense, 16 P 129 571 (dossier individuel de Lucien Chopy)
Archives nationales, 72AJ/37 (Bataillons de la mort), dossier n° 1, pièce 3 : rapport de Lucien Chopy, sans date