Agnès Humbert

Légende :

Agnès Humbert, membre du réseau du Musée de l'Homme

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © SHD - Photothèque du Comité d'Histoire de la Deuxième Guerre Mondiale Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Date document : sans date

Lieu : France - Ile-de-France - Paris

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Contexte historique

Agnès Humbert est née le 10 octobre 1896 à Dieppe. Son père, Charles Humbert est un officier de carrière qui s'est lancé dans la politique avec un certain succès. Député (1906) puis sénateur (à partir de 1908) de la Meuse, spécialiste des questions militaires, il connaît son heure de gloire en alertant la classe politique et l'opinion publique sur le déficit français en matière d'armement à la veille du premier conflit mondial. Mais pour porter ses ambitions politiques, il fait l'acquisition en 1915 du Journal grâce à des fonds douteux provenant de financiers liés à l'Allemagne. Arrêté en février 1918, il fait quinze mois de préventive avant de comparaître devant le Conseil de Guerre pour "intelligence avec l'ennemi". L'affaire se termine par un non-lieu mais sonne le glas de ses ambitions politiques. Il meurt en 1927.

Les déboires judiciaires de son père n'empêchent pas Agnès Humbert de poursuivre de brillantes études : élève à l'École du Louvre, licenciée en Lettres, elle complète son cursus par des diplômes supérieurs en philosophie et en ethnographie. A 21 ans, elle épouse l'artiste peintre Georges Sabbagh dont elle divorcera en 1937 ; deux fils naîtront de cette union. Elle entre en 1936 comme assistante au musée National des Arts et Traditions Populaires (dit familièrement "les ATP") qui a son siège au Palais de Chaillot où elle devient vite la plus proche collaboratrice de son directeur, Georges-Henri Rivière. Femme de gauche, au caractère généreux et entier, elle soutient avec enthousiasme le gouvernement du Front populaire.

Dans le cadre des ATP, elle participe au travail de recherche (collections photographiques) sur les rites de la grève à l'occasion des mouvements sociaux de 1936. Parallèlement, elle collabore activement à la revue La Vie ouvrière où elle signe des articles sous le pseudonyme de "Delphine Girard". A l'été 1939, elle entreprend un voyage d'enquête sur les musées et la culture en URSS qui confirme son attachement à la cause communiste. Après la débâcle qui l'a jetée sur les routes de France, elle regagne Paris à la fin du mois de juillet 1940. Refusant la défaite et brûlant d'agir, elle prend immédiatement contact avec son ami Jean Cassou, éphémère directeur du musée d'Art Moderne qui est, comme elle, bientôt révoqué par Vichy en raison de son passé politique. Autour de ce dernier, de l'écrivain Claude Aveline, de Marcel Abraham et d'Agnès Humbert se forme un premier noyau de réfractaires d'une dizaine de membres. Ce groupe, composé essentiellement de gens de lettres, prend le nom de "Français libres de France" et commence par se réunir régulièrement chez les éditeurs Emile-Paul au quartier latin pour échanger des informations, rédiger papillons et tracts et jeter les bases d'une contre-propagande. A l'automne 1940, par l'intermédiaire du docteur Rivet, directeur du Musée de l'Homme et d'Agnès Humbert, le groupe Cassou entre en relation avec les résistants qui travaillent déjà au Palais de Chaillot. Vildé et Lewitsky, respectivement linguiste et ethnologue, cherchent à fédérer des initiatives éparses et chargent l'équipe de Cassou de la fabrication du journal Résistance dont le premier numéro paraît le 15 décembre 1940 et qui est un des premiers organes clandestins de la zone occupée. Humbert, qui connaît depuis plusieurs années ceux du musée de l'Homme, assure les contacts entre les deux groupes et prend une part active à la conception et à la fabrication du journal en tapant les articles, en composant les numéros, en portant les exemplaires et en assurant les envois. Mais au-delà de cette fonction d'agent de liaison, elle joue un rôle essentiel d'interface et de "sergent recruteur" pour l'organisation qui se met en place et s'étend rapidement. Elle se définit elle-même comme "un chien de chasse rapportant du gibier à son maître", Boris Vildé qui a entière confiance en elle. C'est elle qui met ainsi Vildé en relation avec l'aviateur Héricault dont le groupe apportera des renseignements militaires ; c'est elle encore qui, avec Jean Cassou, fera entrer Pierre Brossolette dans l'équipe de rédaction de Résistance ; c'est elle toujours qui fournit à Vildé de précieux contacts à Toulouse (Georges Friedmann et Léo Hamon). Au printemps 1941, alors que les arrestations se multiplient et que Cassou, Abraham et Aveline s'apprêtent à quitter Paris pour la zone libre, elle assure, au milieu de la tourmente, la poursuite de la publication du journal. Le 15 avril 1941, elle est arrêtée à son tour et incarcérée successivement au Cherche-Midi, à La Santé, à Fresnes et enfin de nouveau à La Santé. Au Cherche-Midi, sa cellule est voisine de celle de "Jean-Pierre" (Honoré d'Estienne d'Orves) avec qui elle communique et se lie d'une profonde amitié sans jamais le voir. Jugée à Fresnes en janvier et février 1942 en compagnie de 18 co-inculpés dans le cadre de "l'affaire du musée de l'Homme", elle est condamnée à une peine de 5 ans de réclusion pour "aide à l'ennemi" et "propagande anti-allemande" par le Tribunal Militaire allemand présidé par Ernst Roskothen. En mars 1942, elle est déportée en Allemagne à la forteresse d'Anrath. Pendant trois longues années (d'avril à 1942 à avril 1945), prisonnière politique, elle connaît le travail forcé dans différentes usines du Troisième Reich. Sous-alimentée, souvent maltraitée, constamment surveillée, affaiblie par une longue captivité et toujours affectée à des tâches d'une grande pénibilité (fabrication de soie artificielle à Krefeld en particulier), elle sabote le maximum de travail possible afin de ne pas participer à l'effort de guerre allemand. Le 4 avril 1945, après quatre années de captivité, elle est libérée par les troupes américaines à Wanfried dans la Hesse. Sa maîtrise de l'Allemand, sa connaissance des rouages du système concentrationnaire national-socialiste, ainsi que son charisme et son dynamisme naturels la rendent vite indispensable aux Américains qui la chargent de l'organisation de la ville, de la responsabilité des camps de prisonniers et des soins à donner aux réfugiés. À partir du 15 avril 1945, elle collecte des renseignements et participe activement au dépistage des nazis de la région. Rapatriée en France le 15 juin 1945, elle retrouve son ami Jean Cassou et devient son assistante au musée national d'Art Moderne à Paris. Dès 1946, elle publie, aux Editions Emile-Paul, Notre Guerre, témoignage exceptionnel tant sur les premières formes de résistance en zone occupée que sur son interminable expérience carcérale. Décorée de la Croix de Guerre et de la Médaille de la Résistance, Agnès Humbert est décédée en septembre 1963.


Notice extraite du DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.

Auteur : Julien Blanc

Sources et bibliographie :
Archives nationales, 72 AJ 66 (dossier "réseau du musée de l'Homme", témoignage d'Agnès Humbert datant de décembre 1945) ; Z6 810 (Cour de Justice de la Seine, procédure contre Albert Gaveau, acte d'accusation des inculpés de "L'affaire du musée de l'Homme") ; F7 15970 (2) (Fonds "Panthéon", dossier de Charles Humbert).
Archives privées de Germaine Tillion, dossier individuel d'Agnès Humbert constitué par l'officier liquidateur en vue de son homologation au "réseau du musée de l'Homme".

SHD Vincennes, 16P 299020, dossier individuel d'Agnès Humbert. 
Martin Blumenson, Le Réseau du musée de l'Homme, Paris, Le Seuil, 1979.
Jean Cassou, Une Vie pour la liberté, Paris, Robert Laffont, 1981.
Daniel Fabre, "L'ethnologie française à la croisée des engagements (1940-1945)" in Jean-Yves Boursier (dir.), Résistants et Résistance, Paris, L'Harmattan, 1997.
Agnès Humbert, Notre Guerre, Paris, Emile-Paul Frères, 1946.
Germaine Tillion, "Première Résistance en zone occupée (Du côté du réseau "Musée de l'Homme-Hauet-Vildé")" in Revue d'Histoire de la Deuxième Guerre mondiale, n° 30, avril 1958.