Pour Rouge-Midi, il n'y a pas de famine à Marseille, 3 septembre 1944

Légende :

Article en première page du quotidien communiste, Rouge-Midi, 3 septembre 1944

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Archives de la fédération départementale du parti communiste français Droits réservés

Date document : 3 septembre 1944

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Cet article paraît en première page du quotidien communiste, Rouge-Midi, quelques jours seulement après la libération de la ville. Si le texte est bref, le titre est mis en valeur par la typographie. Tout l'article vise à réfuter les affirmations de la radio allemande qui font état de la très difficile situation alimentaire à Marseille. De façon manichéenne, le journal oppose les pénuries qui prévalaient pendant l'Occupation et la situation présente nettement meilleure : « On mange à Marseille alors qu'on crevait de faim sous le régime nazi-vichyssois ». Très rapidement le ton changera et les pénuries qui touchent durement et durablement la région provençale seront stigmatisées.

L'article illustre la propagande et les illusions de la Résistance qui promettait des « lendemains qui chantent » une fois la libération arrachée.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Lorsque cet article paraît, Marseille est libérée depuis quelques jours seulement. Le 29 août 1944, les dernières troupes allemandes se rendent et un grand défilé de la victoire est immédiatement organisé. La presse clandestine de la Résistance paraît au grand jour, en particulier Rouge-Midi, l'organe du parti communiste et Le Provençal de sensibilité socialiste (voir notices sur la presse à la Libération). L'article de Rouge-Midi nie la réalité. Le Provençal (voir album) à la même date, adopte une position plus nuancée en rendant compte des queues devant les boutiques mais en imputant au régime de Vichy les problèmes de ravitaillement, entretient les mêmes illusions que le quotidien communiste.

En effet depuis 1943, la situation alimentaire de Marseille n'a cessé de se dégrader. En novembre 1943, le préfet régional dresse un tableau très noir de la situation : les réserves départementales en blé et farine ne vont pas au-delà du 12 novembre, l'approvisionnement est assuré pour le pain jusqu'au 6, aucune distribution d'huile ne peut être envisagée. Les pénuries s'accentuent encore en 1944. Elles ont des causes structurelles. La région n'est pas traditionnellement autosuffisante. Les réseaux de transports nationaux et internationaux sont détruits. Les combats de la libération et en particulier la mise hors service du port accentuent les difficultés. La situation alimentaire de Marseille est donc bien déplorable et l'on ne passe pas d'un coup de baguette magique des privations à la satisfaction des besoins élémentaires.

Dans les jours et les mois qui viennent, les pénuries se poursuivent, le mécontentement de la population s'exprime ouvertement. Les partis politiques et leur presse changent de discours pour éviter de porter la responsabilité des privations qui se poursuivent jusqu'en 1950.


Sources

Mencherini Robert, "Conséquences sanitaires des pénuries alimentaires dans les Bouches -du-Rhône", in Dominique Veillon, Jean-Marie Flonneau (dir.), "Le temps des restrictions en France (1939-1949)", Les Cahiers de l'IHTP, n° 32-33, mai 1996, pp. 419-432.

Mencherini Robert, Vichy en Provence, Midi rouge, ombres et lumières, tome 2, Paris, Syllepse, 2009.

Mencherini Robert, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.