Itinéraire de la commémoration du « chemin des oubliés »

Légende :

Croquis d'une commémoration.

Genre : Image

Type : Croquis

Producteur : réalisation Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Croquis de situation couleur.

Date document : 2010

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Saint-Jean-en-Royans

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Analyse média

Le croquis représente l'itinéraire de la commémoration du « chemin des oubliés ». Le tracé a été très simplifié. Il est, en réalité, sinueux et comporte de fortes déclivités. Cela a son importance quant à la fatigue qu'il engendre, même en voiture, chez les participants, souvent âgés. C'est pour cela que depuis plusieurs années deux groupes se partagent les cérémonies devant les stèles.


Auteurs : Alain Coustaury

Contexte historique

« Le chemin des oubliés » : cette dénomination d’un circuit de commémorations met en évidence le fait que des lieux de mémoire modestes risquent d’être oubliés, négligés voire abandonnés.

Le circuit est organisé par d’anciens résistants, Pionniers du Vercors, de la région de Saint-Jean-en-Royans. Il se déroule au mois de juillet et débute à Saint-Thomas-en-Royans devant la stèle du gendarme André Rousset, tué lors d'un accrochage avec les Allemands.

Sur la route conduisant au col de l'Écharasson, débutant à la cote 846, route départementale 76, proche du col Gaudissart, se dresse la stèle de Fernand Borel, Adrien Bergeret et Aimé Ruchon. Pensant être en sécurité en se déguisant en ouvriers agricoles, le 29 juillet 1944, ils furent surpris et exécutés par une patrouille allemande alors qu'ils étaient en train de décharger une charrette de fourrage.

Au nord de la ferme du Mandement, près de la cote 1081, dans la clairière de Lente, à la lisière de la forêt, est dressée la stèle de Jallifier Paul, de Vassieux-en-Vercors, et de son employé Elie Lesches. Ils croyaient se trouver en sécurité en rejoignant Bouvante-le-Haut dont Élie était originaire. Ils furent arrêtés à Lente et pendus à un arbre.

Au milieu de la clairière de Lente, près de la route départementale 76, au Pot de la Chaume, entre le cotes 1088 et 1093, un monument a été élevé à l'emplacement où furent rassemblés, par la Croix-Rouge, les morts des alentours avant que les familles puissent les récupérer. Vingt-cinq noms y sont inscrits dont ceux de deux inconnus.

Le 14 juillet 1944, à Bouvante-le-Haut, un avion allemand, plongeant du col de la Bataille, mitraille la famille Durand occupée à la fenaison. Jeanne Durand est mortellement touchée, sa sœur blessée. Une stèle, jouxtant le monument aux morts, commémore cet événement. Il faut remarquer qu’une stèle rappelant le souvenir de deux soldats du 11e régiment de cuirassiers, sise à 200 mètres en amont du monument, n’est pas honorée lors de ce circuit du « chemin des oubliés ». L’auteur n’a pu en déterminer la raison.

Le monument d'Ambel, quartier de la Gardiole, commune d’Omblèze, rappelle l'utilisation de la ferme située plus haut dans la clairière, refuge de proscrits venant de Grenoble. Ce groupe est considéré comme le premier maquis de France. Cette affirmation est discutable, la ferme d'Ambel ayant été pendant plusieurs mois un chantier forestier. Le monument a été inauguré le 23 août 1964 par Benjamin Malossane.

En pleine forêt de Léoncel, loin de toute route importante, risquant d'être oubliée, la stèle du hameau de la Charge, cote 949, rappelle le souvenir de Albert Brunet, Jean Gauthier et Albert Giraud. Après l'ordre de dispersion du maquis du Vercors, le 23 juillet 1944, les trois hommes pensent trouver leur salut en faisant les fenaisons au bord du lac de Bouvante-le-Haut. Le 31 juillet, les Allemands les obligent à leur montrer le chemin pour rallier Chabeuil. Arrivés à la Charge, Albert Brunet, Jean Gauthier, Albert Giraud sont fusillés en bordure de la forêt. 

Pour Roger Samuel dont la stèle est à la Vacherie, l'histoire de sa mort est tirée du livre de son cousin Raymond Samuel "Habitants et maquisards du Vercors" décrivant, entre autres, les péripéties d'un groupe de Résistants.
Le 29 juillet (1944, rappel : le 23, l'ordre de dispersion a été donné par l'État-major de la Résistance) en vue du cirque d'Archiane, le groupe s'était disloqué. Il était temps, pour ceux qui résidaient du côté de la basse vallée de l'Isère et qui voulaient rentrer chez eux, de bifurquer vers l'ouest. Le reste du groupe, parmi lequel se trouvait un contingent de soldats sénégalais, continuait sa marche vers le col de la Croix-Haute et le département des Hautes-Alpes, but fixé par les officiers. Parmi ceux qui avaient bifurqué, huit maquisards, tous issus de la section du lieutenant Lacombe et tous originaires du Royans, avaient décidé du même itinéraire, soit, traverser l'éperon du Glandasse, suivre Romeyer, Chamaloc, Marignac, Saint-Julien-en-Quint, la Tête de la Dame, Ambel. Ils avaient formé deux groupes, l'un de trois personnes : Roger Samuel de Sainte-Eulalie, « Lulu » de Saint-Hilaire-du-Rosier et un troisième dont j'ignore le nom, l'autre de cinq : Gabriel François, Raymond Discours, Auguste Robert, Georges Brun et Charles Colombier, tous les cinq originaires de Bouvante-le-Haut. 

Le parcours a été périlleux pour tous. De nombreuses patrouilles allemandes fouillaient en effet les piémonts. Roger Samuel avait pris les devants, hélas, laissant ses deux compagnons derrière lui. On trouve sa trace au hameau des Planeaux où un habitant l'avait ravitaillé puis à Romeyer grâce à son carnet de route où il avait noté la particularité locale des tombes privées édifiées près des maisons. Après Romeyer il avait vraisemblablement suivi la route prévue qui devait l'amener à Saint-Julien-en-Quint, puis sur le plateau d'Ambel par la Tête-de-la-Dame, point situé sur le rebord sud de ce plateau d'Ambel. Logiquement ensuite il devait rejoindre le col de la Bataille et traverser la forêt domaniale de Comblezine en bordure nord de laquelle se trouve le hameau de La Charge, but de son périple. Le plus probable est qu'il a (Roger Samuel) rencontré dans cette forêt de Comblezine une patrouille de soldats allemands détachée de la colonne qui avait bivouaqué chez moi à La Charge. A moins qu'il n'ait été pris quelque part sur le plateau d'Ambel, peut-être même dès la Tête de la Dame, point encore occupé le 31 juillet par un groupe allemand qui mitraillait le village de Saint-Julien-en-Quint. Un autre groupe de soldats allemands occupait le Pas du Gouillat situé sur sa route vers le col de la Bataille. À cet endroit les Allemands mitraillaient le village d'Omblèze (quelques jours plus tard j'ai vu les douilles, assez nombreuses pour former un tas). Ce premier août était le jour le plus dangereux. Les troupes allemandes occupaient tout le secteur et convergeaient vers la Vacherie. Les deux camarades de Roger Samuel ont choisi de rester deux jours de plus dans la vallée de la Drôme. Ils sont arrivés à la Tête-de-la-Dame le trois août, un jour après le groupe des Bouvantiens. Là, ils se sont trompés de direction de sorte qu'au lieu d'arriver au col de la Bataille ils se sont retrouvés au Tubanet. Cette erreur leur a peut-être sauvé la vie car au Tubanet ils se trouvaient dans la partie déjà parcourue par les troupes allemandes en route pour Léoncel /La Vacherie. Quant aux cinq Bouvantiens, malgré les terribles risques encourus et quelques mauvaises rencontres esquivées de justesse, ils sont tous arrivés à bon port chez eux, après des péripéties supplémentaires toutefois ».

Après la fin du circuit de commémoration, les résistants, leurs familles, les amis terminent la journée par un repas fraternel. La disparition progressive des initiateurs du circuit posera la question de la survie de la commémoration. Déjà à cause de la fatigue, même en utilisant des voitures, deux groupes se partagent maintenant la tâche alors qu’au début l’ensemble des participants se rendait auprès de tous les lieux cités.


Auteurs : Alain Coustaury
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007.