La section juive de la MOI

Légende :

Première page du numéro 4 d’Unzer Wort, journal en yiddish de la sous-section juive de la MOI, publié en septembre 1941 en zone Sud.

Genre : Image

Type : Presse clandestine

Source : © gallica.bnf.fr / Bibliothèque nationale de France Droits réservés

Date document : Septembre 1941

Lieu : France

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Analyse média

Au moment de l’Occupation allemande, la presse juive communiste hérite de pratiques en place depuis la fin des années 1920. Par ailleurs, les militants communistes ont acquis une certaine expérience de la clandestinité depuis l’interdiction du PC par Daladier en septembre 1939. Dès octobre 1939, la Naïe Presse, journal en yiddish de la sous-section juive de la MOI depuis 1934, reparaît clandestinement sous le titre Unzer Wort ["Notre voix"]. Adam Rayski évalue à 1 000 exemplaires les tirages moyens de la presse juive à Paris, en général distribués de la main à la main.

Le numéro 4 d’Unzer Wort publié en septembre 1941 en zone Sud et présenté ci-dessus comporte en première page un appel des "écrivains, artistes, ouvriers, paysans juifs soviétiques et héros de l’Armée Rouge" adressé aux Juifs du monde entier "pour lutter contre la bête nazie" et "sauver notre peuple de l’anéantissement". Elle fait part du meeting des Juifs du monde entier annoncé à Radio-Moscou le 24 août 1941. L’article conclut "les mots de nos frère soviétiques sont des lueurs d’espoir dans les ténèbres qui nous entourent".


Auteur : Fabrice Bourrée

Bibliographie :
AACCE, Les Juifs ont résisté en France, 1940-1945, 2009.
Annette Wieviorka, Ils étaient juifs, résistants, communistes, Perrin, 2018.
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, Paris, 1989.
La Presse antiraciste sous l'occupation hitlérienne, recueil de journaux, tracts, appels, proclamations et brochures édités par les organisations juives de Résistance et divers autres mouvements en France, Centre de documentation de l'UJRE, Union des Juifs pour la Résistance et l'Entraide, Paris, 1950.

Contexte historique

La Main d’œuvre étrangère (MOE), créée en 1926 et renommée Main d’œuvre immigrée (MOI) en 1932, est issue de la volonté du PCF de créer des sections spéciales réunissant les travailleurs immigrés en France. Parmi elles, le secteur juif est un des plus dynamiques au commencement de la Seconde Guerre mondiale. Entre 300 000 à 350 000 juifs français, juifs immigrés naturalisés et juifs étrangers essentiellement d’origine polonaise et d’Europe centrale et orientale, résident alors en France. Ils vivent essentiellement en région parisienne. Certains ont émigré pour des raisons économiques, la plupart pour se mettre à l’abri des persécutions antisémites dans leur pays d’origine, plusieurs sont déjà membres des partis communistes. Ils partagent une identité commune et la même langue (le yiddish), occupent des emplois manuels et sont confrontés à la même précarité que les autres immigrés étrangers.

La "section de langue juive" du PC a été créée à la fin des années 1920. Les communistes juifs y animent des structures qui leur sont spécifiquement dédiées : la commission intersyndicale juive de la CGTU édite tracts et journaux en yiddish, la section juive du Secours rouge international, des organisations mutualistes, d’entraide, culturelles, sportives ainsi qu’une presse dédiée dès 1934, la Naïe Presse, diffusée dans Paris et sa région. Ces organisations sont, aussi, un moyen de diffusion pour le mouvement sioniste. La section juive de la MOI prétend également "acculturer" les juifs immigrés à la France conformément à la ligne fixée par le PC qui se méfie, néanmoins, des prétentions de sections de la MOI à fixer leur propre calendrier.

Après la signature du pacte germano-soviétique le 23 août 1939, le gouvernement d’Edouard Daladier prononce le 26 septembre 1939 la dissolution du PC et des organisations qui lui sont affiliées, y compris la MOI et sa section juive qui entrent alors dans la clandestinité. Certains membres de cette dernière, d’ailleurs, se détachent de la ligne officielle du PCF, consciente de la menace que fait peser sur eux l’antisémitisme et le racisme des nazis. Ainsi, Adam Rayski publie, dans la Naïe Presse peu avant la dissolution des organisations communistes, un éditorial où il affirme : "L’hitlérisme a commencé son existence et a cherché sa justification dans les persécutions et l’assassinat des Juifs entre autres. Il cherche actuellement son salut dans un assassinat de masse et dans le suicide. Nous, Juifs, qui avons un compte à régler avec le fascisme, nous partons à la guerre en accompagnant le peuple français (…)". Le même jour, le journal appelle les juifs à la mobilisation.

Après la défaite et l’occupation du territoire situé au nord de la ligne de démarcation, juifs français et juifs étrangers sont victimes des persécutions mises en place par les autorités allemandes et par le régime de Vichy. Ainsi, les premières actions des juifs de la MOI consistent en la création de filières de sauvetage et de protection : "Solidarité" dès 1940 et le Mouvement national contre le racisme (MNCR) en 1942. L’Union des Juifs pour la résistance et l’entraide (UJRE), créée en 1943, souhaite regrouper sous obédience communiste les juifs français et immigrés actifs dans les organisations précitées avec l’Union des femmes juives ou les juifs de la Commission intersyndicale. La même année est créée l’Union de la jeunesse juive (UJJ). La seconde activité est liée à la propagande en direction non seulement vers les juifs yiddishophones mais concerne aussi les juifs français qu’il s’agit de recruter et de mobiliser. La section juive publie dès août 1940 un recto-verso ronéotypé nommé Unzer Wort (Notre Parole).

Après l’invasion de l’URSS par l’Allemagne nazie le 22 juin 1941, la création d’organisations spécialisées comme l’Organisation spéciale ou les Bataillons de la Jeunesse, puis des Franc-Tireurs et Partisans Français (FTPF), la section juive des FTPF-MOI participe à la lutte armée et aux attentats menés contre l’occupant. Enfin, dès 1943 et dans le contexte du mouvement d’unification des organisations juives françaises et immigrées en France, la section juive participe à la création du Comité Général de Défense (CGD) réunissant les sionistes, les bundistes et les communistes puis du Conseil représentatif des institutions juives de France (CRJF) qui devient l’interlocuteur des nouvelles autorités françaises lors de la Libération.


Auteur : Guillaume Pollack

Bibliographie :
Stéphane Courtois, Denis Peschanski, Adam Rayski, Le sang de l'étranger. Les immigrés de la MOI dans la Résistance, Fayard, Paris, 1989.
Louis Gronowski-Brunot, Le Dernier Grand Soir. Un Juif de Pologne, Paris, Le Seuil, 1980.
Jacques Adler, "Les Juifs dans la résistance communiste", Le Monde juif, revue d'histoire de la Shoah, n°152, septembre - décembre 1994.
Denis Peschanski, "La Résistance immigrée", in Jean-Marie Guillon et Pierre Laborie (dir.), Mémoire et Histoire : la Résistance, Editions Privat, Toulouse, 1995.