Le chef départemental adjoint de la Milice abattu à Marseille le 24 avril 1943

Légende :

Dans son édition du 26 avril 1943, Le Petit Provençal rend compte et commente l'attentat qui a visé le chef départemental adjoint de la Milice, Paul de Gassowski.

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Archives nationales 19870802-3-2 Droits réservés

Date document : 26 avril 1943

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le Petit Provençal est le deuxième quotidien marseillais par le tirage (140 000 exemplaires ). S'il a publié le 19 juin 1940 l'appel du général de Gaulle, à partir de 1941 l'article qu'il consacre à l'exécution du chef départemental adjoint de la Milice montre qu'il s'aligne de plus en plus sur les orientations politiques souhaitées par le gouvernement de Vichy.
L'article rend compte des faits et présente de façon neutre une rapide biographie de Paul de Gassowski. Les fonctions du défunt sont mentionnées - membre du Service d'ordre légionnaire (SOL) puis de la Franc Garde et enfin chef départemental adjoint de la Milice - sans insister et encore moins louer leur signification politique : Paul de Gassowski appartenait aux organisations collaborationnistes en pointe dans la répression de la Résistance et la traque des Juifs.
Le commentaire qui termine l'article et qui engage le journal est d'une toute autre nature. Il insiste lourdement sur le rejet « unanime » par la population des attentats qui frappent les collaborateurs. Paul de Gassowski, dont on rappelle les qualités de « bon Français » au cas où son nom pourrait déconcerter certains lecteurs, incarne les valeurs nationales.
Les rapports des Renseignements Généraux offrent une toute autre version de la réaction des Marseillais : "On attribue cet assassinat à des motifs politiques de fait que les extrémistes et même la rumeur publique accusent la Milice Française de dénoncer aux autorités allemandes les personnes qui se font remarquer par leur hostilité à la politique du gouvernement et à la collaboration en particulier... Jusqu'à présent on ne note aucune réaction dans l'opinion publique. Les rares commentaires relevées dans la masse dénotent l'indifférence totale, la Milice Française n'ayant pas la faveur populaire."


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources
Archives départementales des Bouches-du-Rhône, 76 W 137
Archives nationales, 19870802-3-2
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.

Contexte historique

Le Service d'ordre légionnaire (SOL), créé sous l'impulsion de Joseph Darnand entre autres, protège les manifestations de la Légion Française des Combattants. Il glisse à partir de janvier 1942 dans des tâches de plus en plus répressives et termine sa trajectoire en se fondant dans la Milice créée par la loi du 30 janvier 1943. La Franc-garde est le bras armé de la Milice. Paul de Gassowski est au cœur du dispositif répressif de la Milice. Le commissaire de la Sûreté dépêché par Vichy note : « Bien que chef adjoint de la Milice française des Bouches-du-Rhône, les adversaires de cette organisation pouvaient considérer DE GASSOWSKI comme l'homme le plus à craindre, puisque, capitaine d'Etat-major breveté, il s'occupait spécialement de l'organisation militaire. »

Paul de Gassowski est abattu le matin du 24 avril 1943 en sortant de son domicile, 10 boulevard Sidi-Brahim, situé dans un quartier bourgeois de Marseille. Atteint de six balles de pistolet, il décède de ses blessures. Les différents témoignages signalent deux agresseurs, un tireur posté à l'entrée de son immeuble et un complice qui l'attendait sur le trottoir.

En avril 1943, le détachement Marat des FTP-MOI a, depuis sa création à l'été 1942 suivant les consignes du parti communiste, de nombreuses opérations à son actif : sabotages divers, attentats contre les troupes d'occupation. L'exécution du chef départemental adjoint de la Milice est le premier d'une longue série visant les organisations collaborationnistes. Paul de Gassowski est abattu par le groupe qui le 3 janvier 1943 a jeté une bombe contre une maison close réservée aux soldats allemands, rue Lemaître. Lev Tchernine, dit Léon, ancien des Brigades internationales et Spier Kant, un Juif allemand font équipe sans que les témoignages et l'enquête de police permettent de les identifier.
L'hypothèse d'un attentat communiste en représailles de l'exécution de Jean Robert et Vincent Faïta à Nîmes, le 22 avril 1943 est avancée. L'arrestation le 1er mai 1943 de Paul Romeyer, commissaire aux opérations régional (COR) des FTP des Bouches-du-Rhône et le coup de filet qui s'ensuit dans les milieux communistes sont mis en avant pour montrer que la police enregistre quelques succès mais aucun lien ne peut être établi avec l'exécution de Gassowski et la spécificité de l'organisation FTP-MOI n'est pas perçue. Comme d'habitude, l'enquête conclut à un crime politique, perpétré par les gaullistes ou les communistes. Le 22 mai 1943, le commissaire de la Sûreté en charge de l'enquête tient à assurer son supérieur à Vichy de la mobilisation totale des différents services de police marseillais. Sa conclusion est cependant résignée : "En un mot, tout a été mis en œuvre pour arriver à un résultat ; mais malgré les efforts déployés de part et d'autre, cette enquête est, jusqu'à ce jour, restée vaine."


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources
Archives nationales, 19870802
Georges-Picot Grégoire, L'innocence et la ruse. Des étrangers dans la Résistance en Provence, Paris, Éditions Tirésias, 2011.
Mencherini Robert, Vichy en Provence. Midi rouge, ombres et lumières, tome 2, éditions Syllepse, Paris, 2009.
Mencherini Robert, Résistance et Occupation (1940-1944). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 3, Paris, Syllepse, 2011.
Oppetit Christian (dir.), Marseille, Vichy et les nazis, le temps des rafles la déportation des juifs, Marseille, Amicale des déportés d'Auschwitz et de Haute-Silésie, 1993, p. 41-43.