Le fonds du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation en Ardèche conservé aux Archives départementales de l’Ardèche

Légende :

Registre de la correspondance secrète et confidentielle du chef d’escadron de la gendarmerie en Ardèche 1939-1944

Genre : Image

Type : Registre

Source : © Archives départementales de l’Ardèche, fonds du musée de la Résistance 70 J 1 Droits réservés

Date document : 1939- 14 juillet 1944

Lieu : FranceArdèche

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Analyse média

Il s’agit d’un registre relié subtilisé par la Résistance lors de la Libération de la préfecture en août 1944 contenant la correspondance secrète et active du chef d’escadron commandant la Gendarmerie en Ardèche adressée soit à ses subalternes chefs de brigade, soit à ses supérieurs : préfet, colonel commandant la subdivision militaire à Privas, général commandant la 15ème légion de gendarmerie à Marseille… Il commence le 24 mars 1939 et se termine le 14 juillet 1944. Remarquons que le registre s’ouvre sous la IIIème République, avant la déclaration de guerre, et bien avant la mise en place du gouvernement de Vichy et de l’Etat français présidé par Philippe Pétain. Il se prolonge, avec des lacunes en dernière période par les derniers courriers d’un chef d’escadron vichyste à la tête d’une gendarmerie déliquescente. Figurent de façon régulière les rapports d’activité de l’arme concernant la surveillance des étrangers, la répression des « menées antinationales », laquelle concerne les arrestations et l’internement de communistes après l’interdiction de leur parti au lendemain du pacte germano-soviétique, puis, après la mise en place du régime de Pétain, son accentuation et son élargissement à tout fait de « dissidence » en général. Figurent aussi les rapports sur le moral de la population, sur l’état d’esprit de l’arme (ce qui permet de repérer les évolutions en cours tout au long de la période), sur son organisation et son adaptation aux circonstances. Figurent enfin les consignes données aux brigades, notamment celles préparant le « ramassage » des Juifs étrangers en Ardèche en août 1942…


Contexte historique

Au cours des années 1980, les anciens résistants, prenant de l’âge, voulurent maintenir la flamme qui les avait réunis. La résurgence d’une extrême droite, et l’étalement des idées révisionnistes les conduisirent à agir en expliquant aux nouvelles générations le pourquoi, le comment et le résultat de leur combat. Plusieurs associations d’anciens combattants avaient déjà organisé leur propre travail de collecte de documents et de témoignages, pour la tenue de conférences et la présentation d’expositions.

Par ailleurs, la fin de la guerre froide favorisait le rapprochement en Ardèche de toutes les organisations d’anciens résistants et de déportés pour aller vers la création d’un musée départemental de la Résistance.

En effet l’Ardèche a ceci de particulier que les CVR (Combattants Volontaires de la Résistance), l’ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance), la FNAR (Fédération Nationale des Anciens Résistants) laquelle n’admettait que les résistants engagés avant le 1er janvier 1944), l’UNADIF (Union Nationale des Anciens déportés, Internés et Familles de disparus), la FNDIR (Fédération Nationale des Déportés et internés de la Résistance) toutes deux de sensibilité gaulliste, la FNDIRP (Fédération Nationale des Déportés et Internés Résistants et Patriotes), les Médaillés de la Résistance… ont créé ensemble le 3 novembre 1990 l’ « Association du Musée départemental de la Résistance en Ardèche », aboutissant en octobre 1992 à l’inauguration du Musée du Teil (2).

Dans l’article 8 de ses statuts, l’association se donnait un secrétaire adjoint chargé plus particulièrement de la recherche de la collecte de documents, de leur archivage et de leur conservation. Raoul Galataud fut plus particulièrement chargé de ce travail. Les dons de toutes natures affluaient. De suite le contact fut noué avec les archives départementales. L’association avait prévu dans ses statuts que les documents recueillis y seraient transférés dans le cas de sa dissolution. Mais pour réaliser les expositions ses responsables préféraient les garder pour pouvoir les consulter et les utiliser.

Lors d’une réunion tenue à Privas le 12 juin 1991, le directeur des archives, Dominique Dupraz, se disait impressionné par la quantité, la nature et la rareté des archives recueillies, proposant ses services pour commencer leur reproduction sur micro-films, et rappelant que les archives publiques (préfecture, gendarmerie, contrôle économique, services ravitaillement…) étaient déjà dans le fond départemental.

Les donateurs se voyaient attribuer par l’association un diplôme et une cérémonie particulière fut organisée en leur honneur le 7 novembre 1991 sous la présidence de Robert Chapuis maire du Teil et en présence de M. Jean-Paul Testud directeur de l’ONACVG (Office National des Anciens Combattants et Victimes de Guerre).

Mais une fois le musée installé avec son exposition permanente, les dons continuant à arriver, le problème de leur conservation se posait, les locaux s’avérant très vite trop exigus. Le 14 juin 1994, aux Archives départementales, nouvelle réunion conduite par le Président de l’Association, René Montérémal ancien instituteur et résistant de la première heure, en présence de Dominique Dupraz et de François Stévenin chargé de conservation, ainsi que du docteur Allignol représentant le Conseil Général. Sur la table : la question du statut des documents transférés : dépôt ou don ?

Le 3 mars 1994, le Conseil Général présidé par Henri Torre, autorisait ce dernier à signer une convention avec l’Association du Musée sur la question du transfert des archives recueillies aux Archives départementales de l’Ardèche (ADA).

En attendant le travail de collecte et d’archivage se poursuivait. Raoul Galataud déclarait lors d’une nouvelle rencontre à Privas, le 4 octobre 1994 qu’il avait recueilli environ 2000 documents regroupés en 23 thèmes dans 887 dossiers. Sous 4 formes principales : témoignages écrits ; tracts et journaux ; archives des FFI et du Comité Départemental de Libération (CDL) avec photos ; documents de gendarmerie et de police.

Le transfert eut lieu dans la foulée : en tout 2570 documents remis regroupés dans 1341 dossiers et rassemblés dans 59 classeurs, plus certains numéros de journaux de la Libération…

Mais au sein de l’Association, on hésitait toujours : don ou dépôt. Lors d’une réunion du bureau, le 7 février 1995, on s’en tint au dépôt. Cependant l’association continuait sa collecte de documents, et il fut décidé en Assemblée générale, le 20 avril 1996, de transformer le dépôt en donation.

Raoul Galataud enregistrait les dons, les inventoriait et les classait avant de les remettre au fonds privé du musée aux AD 07. C’est ainsi qu’en 1997, furent traités des pièces des secteurs A et C de l’Armée Secrète (AS), et plusieurs numéros du journal l’Information Cévenole. En 1999, 1700 fiches individuelles des engagés volontaires, en provenance de l’AS d’Annonay furent réceptionnées…

Nouvelle modification des statuts de l’association en mars 2003 prévoyant que tous les documents historiques à venir seront désormais confiés aux ADA qui se chargeront d’en assurer le classement, la conservation et la communication au public.

Depuis les dons ne cessent de grossir le fonds du musée, comme en 2009 avec les archives d’un descendant de la famille Louis Champel propriétaire du chalet du Gerbier de Jonc centre névralgique des parachutages proches ; ou en 2010 avec les affiches et les linos gravés réalisés en 1944 pour illustrer L’Assaut et Valmy, remis par la famille de Robert Petit-Lorraine. Alain Martinot était depuis 2004 plus particulièrement chargé du travail de collecte. Et en mars 2010, l’association devenue celle des « Amis du Musée départemental de la Résistance et de la Déportation en Ardèche » consacra dans l’article 5 de ses statuts tout un chapitre visant à « promouvoir la recherche, la récupération et la conservation de tous les documents, publications ou objets, et à recueillir tous les témoignages se rapportant à la période de la Résistance et de la Seconde Guerre mondiale ».

Le fonds et son contenu

Aujourd’hui le fonds du musée compte 71 séries et plus de 10 000 documents. Dans la présentation de son contenu (en ligne sur le site des AD 07), François Stévenin en souligne l’intérêt après avoir rappelé les particularités de la période de guerre peu propice à la création et à la conservation d’archives par des clandestins, la dispersion de celles-ci entre les mains de familles de résistants ou des associations qu’ils avaient créées, et aussi le détournement inévitable d’archives publiques. Constitué peu à peu par des dons de particuliers ou d’associations comme l’ANACR, le fonds est certes hétérogène mais d’une richesse considérable, à mettre bien sûr en relation avec les archives publiques de la période ainsi qu’avec les autres fonds privés s’y rapportant.

Il couvre une période qui va de 1939 à nos jours : en effet outre les documents datant de la période du conflit et de la Libération, s’ajoutent ceux produits par la suite, par les associations d’anciens résistants ou déportés, apportant leurs témoignages ou l’aperçu historique qu’ils retenaient de la période, ainsi que les résultats de recherches réalisées a posteriori (comme sur les victimes de la répression de Vichy et l’Occupant ou sur l’épuration) ou de travaux effectués pour des expositions temporaires du musée, avec des échanges épistolaires, des mises au point révélateurs des débats en cours.

De quoi est-il constitué ?

Il s’y trouve des archives publiques comme le registre de la correspondance active du commandement de la compagnie de Gendarmerie de l’Ardèche de mars 1939 à juillet 1944, ainsi que les délibérations du Comité Départemental de Libération (CDL) de 1944 à 1949. On y observe surtout des archives de mouvements de la Résistance et d’associations d’anciens résistants et déportés, et une quantité d’archives privées au contenu hétéroclite : lettres, témoignages, tickets de rationnement, faux papiers, livrets militaires, photographies…

Diversité d’origine donc, mais aussi diversité dans la typologie des documents : du registre, des lettres et témoignages manuscrits aux imprimés (brochures, affiches, tracts, journaux clandestins ou post Libération…), photographies.

Le classement est celui conçu par Raoul Galataud, archiviste bénévole de l’association, et les titres relèvent de son choix. Ils répondaient aux besoins liés à la création du musée et à ses objectifs pédagogiques, avec 21 thèmes répartis selon trois grandes entrées : Le Gouvernement de Vichy et l’Occupant, La Résistance, et une partie documentaire (Presse, Bibliographie, Documents), à laquelle s’est ajoutée une 4e partie « Complément de Documents » correspondant à l’entrée de dons postérieurs à 1994. Dans cette dernière partie, certains dossiers répondent aux nouvelles recherches développées plus récemment sur des thèmes peu abordés par l’exposition permanente du musée par exemple pour préparer la réalisation d’un CD Rom sur la Résistance en Ardèche sorti en 2004, ou pour la sortie d’un ouvrage sur « l’Art en résistance » (donations de la famille de Robert Petit-Lorraine, ou de la famille de Disandro…). Ainsi le fonds n’est pas figé et il doit s’ouvrir à d’autres séries, inédites.


Auteur : Jean-Louis Issartel

Sources
Archives départementales de l'Ardèche, fonds du musée de la Résistance : 70 J 1 à 70
Archives de l’association du musée départemental de la Résistance en Ardèche (devenue association des Amis du musée départemental de la Résistance en Ardèche et de la Déportation en 2010 (1990 -2021).
François Stevenin, attaché de conservation du patrimoine, Collection de documents sur l’histoire de la Résistance et de la Déportation de l’association du musée départemental de la résistance en Ardèche. Présentation du fonds. AD 07 fond 70 J.
Jean-Louis Issartel, « Le fonds du musée de la Résistance en Ardèche et de la Déportation », MATP n° 153 mars 2022.