Charles Rupp : Evadé d'un camp de concentration

Type : Rapport sur son évasion

Source : © Service historique de la Défense Droits réservés

Lieu : France

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Analyse média

Ce rapport d'une évasion d'un camp de concentration, en l’occurrence l’usine souterraine de Dora, témoigne d'un événement exceptionnel qui illustre la volonté persistante de continuer la lutte à l'intérieur des camps. Le récit de Charles Rupp permet de mesurer le degré de préparation de son action largement préméditée (p.1) allant jusqu'à se priver de son propre pain pour obtenir des outils nécessaires à la réussite de son projet (p.2).

Au-delà de la tentative d'échapper aux griffes de ses geôliers, apparaît la volonté de porter un coup à l’ennemi en emportant des rapports et des plans qui concernent les fusées A4-V2 (p.2). En outre, le rapport permet d’incarner cette solidarité si souvent décrite pas les rescapés. Sans la complicité de plusieurs camarades, Charles Rupp n’aurait pu exécuter son évasion en se faisant enfermer dans un wagon plombé. Ses origines alsaciennes et ses facultés germanophones sont également des facteurs déterminants. Lui-même constate (p.13) « que serais-je devenu sans ma parfaite connaissance de la langue allemande », un atout qui lui permet de comprendre et d’anticiper dans les situations les plus tendues.

Malgré la persévérance et la minutieuse préparation de son évasion, Charles Rupp est très rapidement repris, seulement après cinq jours de cavale. Son récit, croisé aves les documents originaux produits dans les camps de Buchenwald et de Dora (@Arolsen Archives), illustre l’efficacité du système de fichage et de collecte de données individuelles mis en place par les SS à l’intérieur du système concentrationnaire (p.12). Ici en l’occurrence, il permet une identification rapide de Charles Rupp et son renvoi vers Buchenwald et Dora.

Son statut d’évadé  va désormais lui être attaché jusqu’à la fin de sa déportation. Il doit coudre sur sa tenue rayée en plus des matricules et triangles rouge, un insigne en forme de cible qui le désigne facilement auprès des Kapos et des SS (p.13). Synonyme de brimades, son statut est également transcrit sur son dossier individuel au camp et les documents administratifs portent désormais un rond rouge le désignant comme évadé (voir sa fiche d’entrée à l’infirmerie de Dora). Il est alors affecté à un Kommando disciplinaire, le Schachtkommando. Il s’agit d’un groupe de détenus contraint de creuser de profonds puits servant à l’aération des galeries souterraines de l’usine de Dora. La violence et le travail forcé poussé à son extrême dans ce Kommando lui valent cette période à l’infirmerie qui dure du 24 août  au 6 septembre 1944.

Laurent Thiery, septembre 2023.

 


SHD-Caen dossier 21p668401 - © Arolsen Archives, 2021

Contexte historique

Charles, Georges, Rupp est né le 1er février 1902 à Rombas en Moselle. Il est domicilié 38 rue de Paris, puis 38 rue Sainte Marguerite, à Châlons-sur-Marne (Marne). Il est secrétaire et traducteur interprète d’allemand à la préfecture de cette ville. Entré dans le groupe de résistance du Mouvement National des Prisonniers de Guerre et Déportés (MNPGD), il fournit des renseignements, des faux papiers, des cartes de rationnement et aide les jeunes de la région à échapper au STO. Il est arrêté à son bureau par la Gestapo le 17 mai 1943.

Charles Rupp est incarcéré à la maison d’arrêt de Châlons-sur-Marne puis, le 29 octobre 1943, dirigé vers le camp de rassemblement de Compiègne (Oise) où il est inscrit sous le numéro 19847. Il est déporté à Buchenwald le 14 décembre 1943 dans un convoi d’un millier d’hommes. Il y arrive deux jours plus tard et reçoit le matricule 38421.

Après la quarantaine, le 12 janvier 1944, il est transféré au Kommando de Dora et affecté au Kommando Scherer où les déportés travaillent et dorment dans le tunnel de l’usine. 

Charles Rupp réussit à s’évader du camp le 16 mars 1944 dans un wagon boulonné avec quatre autres déportés : Jean Alies, Luc Clairin, Nicolas Karcher et René Raynal (38262). Le récit de cette évasion est relatée par Luc Clairin dans un témoignage écrit intitulé Requiem pour un pêcheur breton.

Commence alors pour Charles Rupp un périple périlleux en Allemagne où il réussit à échapper à plusieurs arrestations. Il est finalement appréhendé près d’Aix-la Chapelle et conduit au siège de la Gestapo de Bonn. Il est ensuite transféré à Weimar, puis revient au camp de Dora le 1er juillet 1944. Il échappe à la pendaison mais il est soumis à des brutalités permanentes de la part des SS et des Kapos.

Le 4 avril 1945, il est évacué à Bergen-Belsen où il arrive quatre jours plus tard. Libéré le 15 avril 1945 par les forces britanniques, il est rapatrié en France le 20 avril 1945. Après son retour, il reprend ses fonctions d’attaché d’administration jusqu’en 1953. Charles Rupp est décédé le 4 décembre 1958 à Lyon (5e).

 


 

Livre des 9 000 déportés de France à Mittelbau-Dora, page 2032, notice rédigée par Lionel Roux ; Luc Clairin, Requiem pour un pêcheur breton ; SHD-Caen.