Dossier de demande du titre de déporté résistant de Jean Giovanangeli

Légende :

Attestation de Marcel Simon en faveur de Jean Giovanangeli

Type : Document administratif

Producteur : MUREL

Source : © DAVCC-SHD Caen,21 P 615 357 Droits réservés

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Ce document est une attestation dactylographiée datée du 31 mars 1952 réalisée par Marcel Simon figurant dans le dossier de demande du titre de déporté résistant de Jean Giovanangeli. Elle a pour but de montrer que ce dernier a été déporté et qu’il s’est évadé du camp de Sarrebruck NeueBremm à la frontière entre l’Allemagne et la France. Ce camp,fondé en février 1943,était tenu par la Gestapo de Sarrebruck et il était destiné à mettre au pas les prisonniers avant de les envoyer vers les camps de concentration.Par sa discipline très sévère, il donnait un avant-goût des conditions de vie et des sévices que les prisonniers allaient y subir : travaux forcés, manque d’hygiène, sévices autour et dans le bassin d’eau pour les hommes. Environ 20 000 personnes, hommes ou femmes,de douze nationalités y ont séjourné. Plusieurs centaines de détenus y sont décédés.

L’attestataire, Marcel Simon, commence par donner sa titulature afin de montrer la fiabilité de son témoignage. Il est inspecteur de police, domicilié à Paris mais il était en fonction à Marseille pendant la guerre. Il a reçu les plus hautes distinctions pour sa participation à la Résistance au sein du mouvement Combat et plus particulièrement dans la branche du NAP (Noyautage des Administrations publiques) de la police. Il est chevalier de la Légion d’honneur, il a été décoré de la Croix de guerre et de la médaille de la Résistance. Il a déjà obtenu le titre de déporté résistant au moment où il délivre cette attestation, titre obtenu en avril 1951, et il a été transféré dans le même camp que Jean Giovanangeli. Ils ne se connaissaient pas avant même s’ils vivaient tous les deux à Marseille à cemoment-là.

Le statut définitif des déportés et internés de la Résistance est créé en France par la loi n°48-1 251 du 6 août 1948, publiée au Journal officiel du 8 août. L’article 2 de cette loi précise les cas où une personne peut être considérée comme déportée résistante. Jean Giovanangeli correspond au premier cas, celui d’une personne transférée « par l’ennemi hors du territoire national, puis incarcérée ou internée dans une prison ou un camp de concentration », le camp de Neue Bremm ayant le statut de « prison policière élargie » dirigée par la Gestapoet non pas celui de camp de concentration.

Le code des pensions militaires d’invalidité et des victimes de guerre fixe ensuite les conditions précises d’attribution du titre de déporté résistant. Pour obtenir ce titre, la cause de l’arrestation, de l’internement puis de la déportation doit être directement en relation avec les actions dans la Résistance et la période de l’internement doit être de trois mois au moins. Jean Giovanangeli est arrêté le 30 août 1943 et il est déporté le 20 décembre de la même année après avoir été interné plus de trois mois à la prison Saint-Pierre à Marseille et à Compiègne.Enfin, d’après le code des pensions, le déporté doit avoir été transféré dans un camp ou une prison figurant sur la liste des lieux de déportation officiellement reconnus par l’Etat. Si le lien de causalité entre la Résistance et l’arrestation n’est pas établi, le déporté estconsidéré comme un déporté politique, expression qui englobe plusieurs catégories de population comme les Juifs, les communistes avant le 21 juin 1941, les otages, les homosexuels, les francs-maçons, etc.

Cette mention de « déporté politique » n’est pas à confondre avec celle utilisée par l’occupant allemand pour désigner les opposants politiques au régime nazi, terme repris par Marcel Simon dans son attestation.

Marcel Simon ne mentionne pas la date de la déportation de Jean Giovanangeli parce qu’il ne figurait pas dans le même convoi que lui. Jean Giovanangeli a été envoyé au camp de Sarrebruck NeueBremm par le convoi du 20 décembre 1943 et Marcel Simon a été déporté le 11 janvier 1944. Il ne peut donc pas attester d’un fait dont il n’a pas été témoin. En revanche, il atteste de la présence de Jean Giovanangeli dans ce camp lors de son arrivée alors que d’autres résistants marseillais, Alfred Neri et Marcel Becker, déportés en même temps que Jean Giovanangeli, ont déjà quitté le camp de NeueBremm et ne peuvent qu’attester de sa déportation et non de son évasion.

Marcel Simon insiste sur le caractère exceptionnel de cette évasion sans préciser comment Jean Giovanangeli a fait pour y parvenir. Les tentatives d’évasion étaient peu nombreuses en raison des risques encourus car si les personnes étaient reprises, elles étaient généralement exécutées devant les autres prisonniers pour servir d’exemple et dissuader d’autres détenus d’agir ainsi. Dans une autre attestation, datée du 8 juin 1945, Marcel Simon indique que ce projet a été préparé à l’avance. Les évasions ou les tentatives d’évasion de déportés sont des actes de Résistance.

 


Marilyne Andréo

Contexte historique

Jean Baptiste Giovanangeli est né le 11 octobre 1914 à Marseille dans les Bouches-du-Rhône. Il est le fils de Jean Dominique Giovanangeli, employé, et de Marie Jeanne Nicolaï, sans profession. Pendant la guerre, ce militaire de carrière est employé à la défense passive. Il est célibataire et habite chez ses parents à Marseille au 13 rue du Progrès dans le 5ème arrondissement. Il entre dans la Résistance à la fin de l’année 1941 au sein du mouvement Combat sous le pseudonyme de « Gloria ». Il recrute son frère Marius, employé à la Préfecture des Bouches-du-Rhône, en mai 1942.Il rejoint le réseau Wi Wi en tant qu’agent P1 (agent gardant son identité et son activité professionnelle) le 15 juin 1943. Ce réseau est créé et dirigé par Jean-Marie Morère et il est rattaché à l’OSS (Office of Strategic Services), une agence américaine de renseignement. Il fait partie des 44 agents de ce réseau de renseignements homologués après la guerre. A la suite d’une dénonciation, une partie de cette organisation est démantelée en même temps qu’une partie du réseau Abbé Blanc. Jean Giovanangeli est arrêté le 30 août 1943 à Marseille à son domicile par la Gestapo. Il est interné à la prison Saint-Pierre de la cité phocéenne puis il est transféré au mois de novembre à Compiègne (numéro 20107). Il est déporté le 20 décembre 1943 au camp de représailles deSarrebruck Neue Bremm. Ce convoi comprend 26 hommes dont de nombreux résistants des Bouches-du-Rhône : Jean-Baptiste Amoureux, Marcel Becker, Pierre Brunini, Robert Caraco, Jean-Baptiste Casanova, Jean Compadieu, Paulin Delnondedieu, Henri Garoute (agent du réseau Wi Wi), Robert Giacomoni (agent du réseau Wi Wi), Yvon Jan, Charles Jeannolin-Curial (agent du réseau Wi Wi), Georges Jouffron, Georges Lefebvre, Louis Miguet, Pierre Mouren, Alfred Neri (agent du réseau Wi Wi), Jacques Pillé, Romain Raymond (agent du réseau Wi Wi), Robert Razzoli, Emile Testa, Charles Truc et Marcel Vigne. Le nom de Jean Giovanangeli ne figure pas sur la liste de départ du convoi mis en ligne par la Fondation de la Mémoire de la Déportation. Pourtant, plusieurs attestations dans son dossier de demande du titre de déporté résistant mentionnent qu’il est bien présent dans ce convoi (attestations d’Alfred Neri et de Marcel Becker) ou qu’il s’est échappé du camp (attestation de Marcel Simon, arrivé au camp le 11 janvier).Plusieurs de ses codétenus sont partis à Buchenwald le 7 ou le 8 janvier comme Alfred Neri, Henri Garoute et Marcel Becker. Jean Giovanangeli s’évade de ce camp le 31 janvier 1944. Il parvient à passer la frontière franco-allemande, à traverser la zone interdite et à entrer en zone occupée alors qu’il n’a aucun laisser-passer ni certainement aucune pièce d’identité. Il retourne à Marseille via Paris. A son retour, il reprend contact avec la Résistance. Il commande le 3ème bataillon de l’Armée secrèteet il participe aux combats de la Libération de Marseille.Ses services au sein du réseau Wi Wi ont été homologués avec le grade fictif de capitaine. En 1946, il reçoit plusieurs distinctions, il est fait chevalier de la Légion d’honneur, il est décoré de la rosette de la Résistance et de la médaille des évadés.Des décorations américaines lui sont décernées comme la Interallied Distinguished Service Cross et la médaille commémorative de la guerre – Général Dwight D.Eisenhower.Au moment où le titre de déporté résistant lui est accordé en 1952, il habite à Enghien-les-Bains en Seine-et-Oise. Il obtient ensuite la carte de CVR dans ce département. Il est décédé le 27 novembre 1995 à Cannes.


Marilyne Andréo

Sources

21 P 615 357, DAVCC Caen, Dossier de demande du titre de déporté résistant de Jean Giovanangeli.

DAVCC Caen, Dossier de demande du titre de déporté résistant de Marcel Simon.

GR 17 P 236, SHD Vincennes, Dossier d’homologation du réseau Wi Wi.

2 159 W 203, AD BDR, Dossier de demande de la carte de CVR de Marius Giovanangeli.

Fondation pour la Mémoire de la Déportation, Liste du transport parti de Paris le 20 décembre 1943 : http://www.bddm.org/liv/details.php?id=I.162.#NERI

Robert Mencherini, Midi rouge, ombres et lumières. Une histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône de 1930 à 1950, tome III, Résistance et occupation (1940-1944), Paris, Editions Syllepse, 2011, 772 p.

Jacques Walter, « La mémoire sens dessus dessous d’un camp de la Gestapo. Du Novotel de la Neue Bremm à l’Hotel der Erinnerung » in Communication et langages, n°149, 2006. Témoigner : mises en scène, mises en texte, pp.77-96.