L'Umschlagplatz, antichambre de Treblinka, ghetto de Varsovie, été 1942.

Légende :

Photographie prise sur l'Umschlagplatz, place jouxtant la gare d'où partent les convois de déportés vers le camp d'extermination de Treblinka , été 1942

Type : Photographie

Producteur : MUREL

Source : © © auteur inconnu Libre de droits

Date document : Février 1942

Lieu : Pologne

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Analyse média

Cette photographie est prise sans doute par un Allemand car l'officier au centre de la photo ne s'émeut pas d'être photographié. L'Umschlagplatz se situe au nord du ghetto rue Stawki. Sous la surveillance de soldats allemands, les Juifs du ghetto de Varsovie sont entassés dans les wagons à destination du camp d'extermination de Treblinka par les supplétifs ukrainiens.

Des ballots jonchent le sol. Les  Allemands ont fait diffuser par la police juive un avis ordonnant aux déportés de prendre quinze kilos de bagages afin de maintenir la fiction d'un « transfert vers l'est ». Au moment de monter dans les wagons, les déportés doivent abandonner leurs biens afin d'entasser plus de personnes dans les wagons.

 

Marek Edelman,  médecin à l'hôpital juif, membre de la résistance du ghetto et survivant témoigne : «  Elle [ l'Umschlagplatz] est fermée par des murs élevés qui ne s'ouvrent que sur un étroit passage gardé par les gendarmes. C'est par cette porte que l'on fait entrer par fournée les gens désemparés et impuissants;ils ont tous à la main leurs papiers, carte de travail ou pièce d'identité. Le gendarme qui se tient à l'entrée y jette un coup d'oeil. « Rechts »( à droite)-la vie-.   «  Links » (à gauche)- la mort... Le flot humain grandit jusqu'à envahir toute la place et les trois grands bâtiments scolaires de trois étages... Les gens sont « en réserve ». ils attendent quatre à cinq jours pour monter dans les wagons. Ils occupent la moindre place libre, s'entassent dans les bâtiments( album a), campent dans les salles nues, les couloirs et les escaliers.Une boue immonde et gluante couvre le sol. L'eau ne coule pas aux robinets. Les waters sont bouchés. A chaque pas, le pied s'enfonce dans les excréments humains. L'odeur de sueur et d'urine donne la nausée... Tous les yeux ont la même expression. La peur folle et sauvage, le désespoir insondable et impuissant, la révélation soudaine que dans un instant, inévitablement arrivera le pire, l'invraisemblable, ce que l'on a refusé de croire jusqu'au dernier jour. C'est seulement  ici, dans cette cohue, que les illusions se dissipent, que s'évanouit l'espoir que chacun couvait de sauver sa peau et de sauver les siens. »

 


Sylvie Orsoni

 

Contexte historique

Le 29 janvier 1942, la déportation de tous les Juifs du Gouvernement général de Pologne en vue de leur extermination est décidée, c'est l'opération Reinhardt. Au printemps 1942, les camps d'extermination de Belzec, Sobibor, Majdanek, Auschwitz et Treblinka sont opérationnels. Le chef spécial de l'opération Reinhardt, le général SS Globocnik, commandant de la police de la région de Lublin, envoie à Varsovie le Sturmbannführer Hermann Hoeffle.

A partir de la mi-juillet 1942, les bruits circulent dans le ghetto que l'arrivée d'un « Umsiedlungskommando » (détachement affecté à la déportation) est imminente et que seules les personnes disposant d'un emploi pourront rester dans le ghetto. Le 22 juillet, le « Umsiedlungsstab » ( état-major local de la déportation) avertit le Judenrat que tous les Juifs improductifs seront déportés  à l'est. Le Judenrat ordonne à la police juive d'organiser la déportation et dénombre 380 000 habitants dans le ghetto. Le président du Judenrat, Adam Tcherniakov se suicide  mais ne laisse aucune consigne de résistance.

Pour attirer les volontaires, les Allemands  promettent trois kilos de pain et un kilo de confiture( album b). Devant l'afflux de « volontaires », qui se pressent à l'Umschlagplatz, deux départs par jour pour Treblinka sont organisés.  Un membre de la résistance juive, Zygmunt Frydrych, est envoyé du côté « aryen » pour savoir ce qu'il advient des déportés. Grâce à la complicité d'un cheminot polonais, il suit le parcours des trains de déportation et apprend qu'aucun train de ravitaillement ne parvient à Treblinka. Deux Juifs échappés de Treblinka racontent le mécanisme d'extermination. Le journal de la résistance Oif der Wach ( En garde) décrit Treblinka sans pourvoir convaincre la population de résister.

Le 6 septembre 1942, une dernière sélection a lieu. Les infirmières et médecins empoisonnent les enfants malades et les grabataires pour leur éviter la déportation. Les familles des policiers juifs sont déportées en dernier.

Le 12 septembre la rafle est officiellement terminée. 320 000 personnes ont été déportées. Il ne reste plus que 60 000 personnes  dont la moitié cachée dans les caves. Le périmètre du ghetto est réduit au petit ghetto où sont situées les usines travaillant pour les Allemands.  Des murs sont construits pour cloisonner encore ce périmètre et empêcher les communications.

Un état d'esprit nouveau règne dans le ghetto. Il n'y a plus de personnes âgées, de malades et pratiquement plus d'enfants à protéger. La preuve a été faite que l'obéissance ne servait à rien. Les mouvements de résistance, souvent constitués de très jeunes combattants qui ont perdu leur famille, sont décidés à se battre.


Sylvie Orsoni

Sources

Blady Szwajger Adina, Je ne me souviens de rien d'autre,éditions Calmann-Lévy, Paris, 1990.

Borwicz Michel (présenté par), L'insurrection du ghetto de Varsovie, éditions Julliard, coll. Archives, Paris, 1996.

Edelman Marek, Krall Hanna, Mémoires du ghetto de Varsovie, un dirigeant de l'insurrection raconte, éditions du scribe, Paris, version française 1983.

Heydecker H. Joe, Un soldat allemand dans le ghetto de Varsovie 1941,éditions Denoël, Paris, 1986

Ringelblum Emmanuel, Chronique du ghetto de Varsovie, éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 1959