Groupe de femmes entre les chambres à gaz V et VI d'Auschwitz-Birkenau, été 1944, Alberto Errera

Légende :

Photo prise clandestinement par Alberto Errera,Alex, résistant juif grec à l'été 1944  et envoyé à la résistance polonaise de Cracovie.

Type : Photographie argentique

Producteur : MUREL

Source : © musée d'Auschwitz Droits réservés

Lieu : Pologne

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Analyse média

Cette photo a été prise clandestinement par un membre du Sonderkommando ,Alberto Errera,Alex, membre de la résistance du camp d'Auschwitz-Birkenau. Les autorités du camp tenaient à garder le secret le plus absolu sur les modalités d'extermination. Les chambres à gaz et les fours crématoires constituaient une enclave strictement isolée  du reste  camp(voire plan en album, secteur F à KV). Un groupe  spécial de déportés, le plus souvent juifs, était chargé des tâches liées à l'extermination:retirer les cadavres des chambres à gaz, arracher les dents en or, couper les cheveux et incinérer les cadavres (photo en album). Il formait le Sonderkommando, totalement  isolé des autres détenus. Les membres du Sonderkommando étaient régulièrement exécutés et remplacés car ils étaient « porteurs du secret »,geheimnisträger.  Alberto Errera fut affecté au Sonderkommando. Malgré les risques , Alberto Errera réussit à se procurer un appareil photo (voire contexte historique) et prend quatre clichés qu'il fait parvenir à la résistance polonaise de Cracovie.Les conditions dans lesquelles les photos sont prises expliquent qu'elles soient floues. 

Lors de leur arrivée à Auschwitz-Birkenau, une première sélection a lieu séparant les hommes et les femmes  jugées aptes au travail qui entrent dans le camp et de ceux qui sont immédiatement gazés. Des convois entiers de déportés peuvent être entièrement gazés. 

La photo est prise avant que les femmes ne soient conduites dans les chambres à gaz. Entre le 15 mai et le 9 juillet 1944, plus de 450 000 Juifs  et Juives de Hongrie sont déportés à Auschwitz. Ils sont presque tous immédiatement gazés.Ces femmes peuvent donc  être hongroises .  Elles  peuvent être aussi originaires du ghetto de Lodz dont les habitants furent déportés à Auschwitz en août 1944. Alberto Errera fut sans doute tué peu après avoir pris ces photos, lorsqu'il essaie de s'évader du camp le 9 août 1944.

Faire connaître au monde les atrocités nazies était un des objectifs de la résistance du camp. L'objectif fut atteint puisque,malgré les difficultés, les clichés d'Alberto Errera parvinrent à la résistance de Cracovie.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

Le  27 janvier 1940, Himmler ordonne que soit aménagé un camp de concentration dans les anciennes casernes de l'artillerie polonaise à Oswiecim que les Allemands appellent Auschwitz. Ce sont les Juifs d'Oswiecim qui construisent ce camp. Les premiers prisonniers polonais arrivent le 14 juin 1940. En mars 1941, Himmler ordonne la construction d'un autre camp sur le site d'un village tout proche, Brzezinka, Birkenau en allemand.Ce nouveau camp, Auschwitz II(voire plan en album), entre en service début 1942. Il est destiné à l'extermination des Juifs de l'Europe de l'Ouest. Il est bien relié par des voies de chemins de fer mais suffisamment  isolé des grandes villes  pour que l'extermination se déroule discrètement. Les Juifs d'Europe de l'Est ont été soit tués sur place soit déportés dans les camps polonais d'extermination  de Maidanek, Belzec, Chelmno et Treblinka. Un troisième camp est ouvert en octobre 1942, Auschwitz-Monowitz. Il alimente en travailleurs-esclaves l'usine de  caoutchouc de l'entreprise allemande IG-Farben. Par ailleurs une quarantaine de petits camps de travail gravitent autour d'Auschwitz .  Auschwitz est donc une nébuleuse de camps qui reçoit des prisonniers politiques,des détenus de droit commun, des prisonniers de guerre soviétiques, des résistants  et les populations juives,   lorsque à partir de 1942, les grandes opérations de déportations commencent en Europe de l'Ouest (rafles de juillet et août en France).  Auschwitz-Birkenau où sont installés les chambres à gaz et les fours crématoires devient le plus vaste centre de mise à mort d'Europe. Le secteur des chambres à gaz et des crématoires est totalement isolé du reste du camp. Le Sonderkommando ne doit avoir aucun contact avec les autres détenus. Cependant, des contacts se nouent entre la résistance propre au Sonderkommando, la résistance du camp et la résistance polonaise extérieure au camp, elle même en contact avec les représentants polonais à Londres. Devant l'avancée des troupes soviétiques, les autorités allemandes tentent d'effacer les traces de leurs crimes. Fin juillet, l'administration du camp commence à brûler les documents et fichiers du camp.  Fin novembre 1944, Himmler ordonne d'arrêter les opérations de gazage et de démanteler les installations de mise à mort. Les installations commencent à être démontées . Un kommando spécial de détenus, hommes et femmes, doivent rouvrir les fosses communes et brûler les cadavres.  Le 27 janvier  1945, les nazis quittent le camp après avoir fait sauter les crématoires II et III et incendier le  « Kanada », l'entrepôt où étaient stockés les biens volés aux déportés avant d'être envoyés à des familles allemandes. Ils entraînent avec eux 58 000 déportés dans les meurtrières « marches de la mort », dans le froid, sans nourriture vers les camps de concentration d'Allemagne où beaucoup meurt avant la Libération. On estime  que  1,5%  des hommes et femmes qui entrèrent dans le complexe d'Auschwitz connut la Libération. 


Sylvie Orsoni

Souces

Cognet Christophe, Eclats : prises de vue clandestines des camps nazis, Editions du Seuil, Paris, 2019.

Cognet Chritophe, A pas aveugles, documentaire, 1H49, 2021.

Auschwitz,camp hitlérien d'extermination, éditions Interpress, Varsovie, 1986

Etude de cas : le complexe d'Auschwitz-Birkenau (1940-1945), Mémorial de la Shoah.www. Enseigner-histoire-shoah.org 

Piper Frantciszek, « Auschwitz- Birkenau : lieu de mémoire et musée », Revue d'histoire de la Shoah, 2004/2(n° 181), p 145-155.

Poliakov Léon (présenté par), Auschwitz,éditions René Julliard, collection Archives, Paris 1964