Journal Défense de la France, n°8, 13 janvier 1942

Légende :

Newspaper  "Défense de la France", n°8, January 13, 1942.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Format 23 x 29 cm. Six pages : trois feuillets imprimés au recto et au verso. Il s'agit ici d'une photocopie annotée.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

Cette 8e publication de Défense de la France est datée du 13 janvier 1942. Elle est imprimée sur la Rotaprint acquise par le mouvement dès 1941. Pendant ces premiers mois de l’année 1942, le tirage s’élève à environ 10 000 exemplaires ce qui situe Défense de la France dans une honnête moyenne.
Deux dessins, situés au bas de la page 6 viennent illuster ce numéro : le premier représente des grognards de Napoléon, le deuxième montre des soldats allemands marchant dans un paysage de neige. 

Ce numéro se découpe en 5 articles :

- Comme dans la plupart des numéros, Philippe Viannay, « Indomitus », ouvre le journal en appelant les Français à « s’unir pour combattre ». Il incite clairement la population à s’organiser pour reprendre concrètement la lutte.

- Le deuxième article intitulé « Pourquoi Hitler garde nos prisonniers »est un extrait du livre d’Hermann Rausching (confident d’Hitler), Hitler m‘a dit. En s’appuyant sur un passage de cet ouvrage, Défense de la France entend, une fois de plus, sensibiliser les Français à la folie d’Hitler. Sa thèse de l’anéantissement et de l’extermination est clairement exposée.

- Le professeur Dain, « Francin », est l’auteur du troisième article. Dans ses « Vérités premières », il réagit contre « le masochisme moral » des Français et les accuse de « se vautrer dans la défaite. » (1)

- Dans son quatrième article, Défense de la France présente « Les derniers actes du Maréchal ». A cette époque le journal, et notamment son chef, Philippe Viannay, n’est pas encore hostile à Pétain. Il utilise les paroles et les actes du Maréchal pour justifier la confiance qu’il conserve en lui. Contrairement à la plupart de ses camarades, le chef de Défense de la France est persuadé que le vainqueur de Verdun « ne fait que continuer ce qu’il a toujours fait : résister, sauvegarder les intérêts français ».

- Entre deux articles, la rédaction introduit un message visant à alerter les Français sur le recours systématique des Allemands à la torture.

- Ce numéro s’achève avec un cinquième article dans lequel l’auteur, anonyme, donne « Quelques nouvelles » du front russe en insistant sur les atrocités commises par les Allemands sur les prisonniers russes mais également sur l’enlisement de l’armée allemande confrontée à la rigueur de l’hiver.

 

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A cette époque, l’impression du journal se fait de nuit dans les caves de la Sorbonne (Paris). L’entreprise est encore très artisanale, la petite équipe, aux effectifs encore réduits, gère en totale autonomie cette entreprise dont le chef, Philippe Viannay, souhaite conserver une totale indépendance. « A trois et bientôt quatre puis cinq, ils s’occupent de tout : transporter du papier, aller chercher de l’encre, installer la machine, imprimer, faire sécher les pages, mettre les journaux en paquet et les donner à ceux qui allaient les diffuser. » (2)
Ces premiers mois, l’impression, longue et difficile, est faite par Philippe Viannay. Il est alors le seul à connaître le fonctionnement de la machine et délègue difficilement.

« Les 21 premiers numéros sont écrits par 9 rédacteurs seulement. […] Les dirigeants s’attribuent leurs articles au gré de leurs affinités et les auteurs, une fois les textes acceptés, signent leur copie d’un pseudonyme : « Indomitus » pour Viannay, « Robert Tenaille » pour Salmon. Les deux hommes rédigent à eux seuls la majorité des contributions, même si quelques personnalités extérieures, René Tézenas du Montcel, « Maître Jacques », ou Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier », apportent parfois leurs concours. En somme, une poignée d’hommes assume à elle seule la rédaction du journal. » (3)

Dans les 22 premiers numéros, publiés entre le mois d’août 1941 et novembre 1942, Défense de la France engage un combat fondé sur une protestation morale. Son discours, centré sur l’information et la contre-propagande traite, de manière inégale, les sujets suivants : la collaboration, le défaitisme, les provinces perdues et la germanisation des populations locales, l’anglophobie, le pillage économique allemand, les rigueurs de l’occupation, l’hitlérisme et le barbarisme nazi, les camps de concentration, les revers de la Wehrmacht et les difficultés économiques du Reich.


Sources : (1)  Olivier Wieviorka Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (2) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L’instinct de Résistance de l’Occupation à l’école des Glénans, éditions Pascal, 2004. (3) Olivier Wieviorka Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.

This eighth publication of Défense de la France is dated January 13, 1942. During the first months of 1942, the newspaper reached approximately 10,000 copies, printed on the Rotaprint acquired by the movement in the Spring of 1941. Two drawings, found on the bottom of page 6, enhance this issue: one depicting old soldiers of Napoléon, and the other showing a group of German soldiers marching across snowy terrain.

This issue is made up of 5 articles:

- Like a majority of the issues, Philippe Viannay, « Indomitus », opens with a call to the French people to « unify for the battle ». He encourages the population to organize itself to take up the struggle anew.

- The second article, titled « Why Hitler keeps our prisoners » is an excerpt from Hermann Rausching's (one of Hitler's confidants) book, Hitler told Me. In focusing on this passage, Défense de la France once again hoped to inform the public about the folly of Hitler. His plan of annihilation and extermination was clearly exposed

- Professor Dain, « Francin », authored the third article. In his « First Truths », he reacts to the « moral masochism » of the French people, accusing them of « wallowing in defeat ». (1)

- In the fourth article, Défense de la France presents « The Last Acts of the Marshall ». At this time, the newspaper, and most notably its leader, Philippe Viannay, were not yet hostile to Marshall Pétain. It used Pétain's speeches and actions to justify the confidence that the paper maintained in him. As opposed to the majority of his companions, Viannay was convinced that the victor of Verdun « only continues to do what he has always done: to resist and protect French interests ».

- Between two articles, the writers introduced a message aimed at alerting the French of the systematic recourse by the Germans to torture. - This issue finishes with a fifth article in which the author, anonymous, give « Some News » of the Russian front, insisting upon the atrocities committed by the Germans against their Russian prisoners as well as the collapse of the German army when confronting the hardship of winter.

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At this time, the printing of the newspaper was done at night in the basement of the Sorbonne in Paris. The operation was still very artisanal, and the small team, workforce already diminished, managed to remain autonomous. The leader, Philippe Viannay, wanted to conserve this total independence. « At three, soon four, then five, they did everything: transportation of papers, finding ink, setting up the machine, printing, drying the pages, packaging the papers, and giving them to those who would diffuse them ». (2)

During these first months, the printing, which was long and difficult, was done by Philippe Viannay. He was the only one who knew how to operate the machine, and had a hard time delegating responsibilities. « The first 21 issues were written by a team of only 9 authors. [...] The directors attributed their articles to their close friends, and once the texts were accepted, signed the copies under a pseudonym: « Indomitus » for Viannay, « Robert Tenaille » for Salmon.
The two men wrote the majority of the contributions themselves, though occasionally contributions were sent in from other personalities, such as René Tézenas-du-Montcel, « Maître Jacques », or Alphonse Dain « Francin, Klein, Pelletier ». Overall, only a handful of people assumed all of the writing for the newspaper ». (3)

In the first 22 issues, published between August 1941 and November 1942, Défense de la France engaged in combat on the basis of moral protest. Its message, centered on information and counter-propaganda, addressed, unequally, the following subjects: collaboration, defeatism, lost territories and the germanization of local populations, anglophobia, the economic exploitation by Germany, the difficulties of the occupation, Hitlerism and Nazi barbarism, concentration camps, the defeat of the Wehrmacht and the economic difficulties of the Reich.

Source: (1) Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Ibid.

Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique



L’évolution du conflit continue de jouer en faveur des Allemands et des forces de l’Axe. Malgré l’entrée en guerre des Etats-Unis depuis l’attaque japonaise sur Pearl Harbor, le 7 décembre 1941, l’ennemi gagne du terrain. Les succès de Rommel en Afrique comme l’offensive allemande déclenchée en Russie au printemps 1941 n’incitent guère à l’optimisme. De leur côté, les Japonais poursuivent leurs offensives dans le Pacifique.

« Les années 1941-1942 sont des années très longues, très lourdes ». L’espoir d’une victoire rapide en 1940 est déjà loin et, au fur et à mesure que les mois passent, la guerre tisse sa toile. Elle s’étend et s’enracine partout. » 

En France, la répression allemande à l’encontre des résistants, des Juifs et des civils est de plus ens plus violente, notamment depuis le décret
Nacht und Nebel promulgué les 7 et 12 décembre 1941. Pourtant, peu à peu, le maréchal Pétain perd en crédibilité auprès d’une population française fatiguée, usée par les difficultés du rationnement et les restrictions quotidiennes que lui inflige une occupation allemande de plus en plus pesante. La rigueur d’un hiver qui s’éternise ne fait qu’accentuer cette morosité.

Dans ce contexte de plus en plus difficile, la Résistance intérieure et extérieure s’organise progressivement. Parachuté le 1er janvier sur le sol français, Jean Moulin, représentant personnel du général de Gaulle, a pour mission de fédérer tous les éléments de la Résistance autour de la France Libre.


Sources : Clarisse Feletin, 
Hélène Viannay, l’instinct de Résistance de l’Occupation à l'école des Glénans, éditions Pascal, 2004.

The evolution of the conflict continued to play in favor of the Germans and the forces of the Axis. Despite the United States having entered the war following the Japanese attack on Pearl Harbor on December 7, 1941, the enemy was gaining ground. The success of Rommel in Africa as the German offensive into Russia began in the Spring of 1941 hardly inspired optimism. For their part, the Japanese also continued to pursue their offensives in the Pacific.

« The years of 1941 to 1942 were very long, very difficult ». The hope of a rapid victory in 1940 had already long dissipated. As the months dragged on, the war wove a web of ever greater complexity, ensnaring more and more of the continent in its fatal trap. In France, the German repression of resistants, of Jews, and of civilians became more and more violent, notably since the Nacht und Nebel decree promulgated the 7th and 12th of December, 1941.

Little by little, Marshall Pétain lost credibility amongst a worn-out French population, tired of the hardships of rationing, the daily restrictions that were inflicted by a German occupation growing heavier and heavier, as the rigor of a winter that dragged on for months only accentuated this gloom.

However, in this context that was becoming more and more difficult, the Resistance, both inside France and overseas, continued to organize. Parachuting onto French soil the first of January, Jean Moulin, the personal representative of General de Gaulle, was charged with the federation of all of the Resistance relating to the Free French Forces.

Source: Clarisse Feletin, Hélène Viannay, L'instinct de résistance, de l'Occupation à l'école des Glénans, Pascal publications, 2004.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi