Journal Défense de la France, n°35, 5 juillet 1943

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°35, July 5, 1943.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé dans le format 24 x 33 cm. Le papier, acheté au marché noir, demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.

Lieu : France - Ile-de-France

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Analyse média

 

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Cette édition est imprimée, comme les deux derniers numéros, dans un format légèrement plus grand que les publications précédentes et, afin de pallier le manque de place nécessaire à l’abondance des sujets, les caractères d’imprimerie sont de plus en plus petits.
Ces changements typographiques sont la conséquence directe de la professionnalisation du matériel. A cette époque, le journal dispose de deux presses professionnelles acquises successivement en avril et en juin par le mouvement. La première, une Teisch, abritée, jusqu’en juillet, dans un garage situé rue de Sèvres (Paris) et la seconde, une Phénix, « Francette », dissimulée dans la maison de campagne des parents Houdy, à Taverny.

Ce nouvel équipement spécialisé permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression augmentant ainsi le nombre de tirages qui n’a cessé de s’intensifier depuis le début de l’année.

Ce journal se découpe en six principaux articles auxquels s’ajoutent quelques brèves :

- Cette édition s’ouvre par un article intitulé « Dans l’église de France », rédigé par Mgr Chevrot, curé de Saint-François-Xavier, connu pour son activité dans la Résistance.

- Le deuxième article consacre « De Gaulle et l’indépendance française ». Après avoir présenté, dans l’édition précédente, la biographie de son oncle, Geneviève de Gaulle, « Gallia », définit ici l’originalité de son projet en insistant sur « le caractère STRICTEMENT NATIONAL de son action ».

- Le journal publie ensuite une « Chronique de la Résistance » dans laquelle il fait l’éloge de son action et incite les ouvriers à résister au STO.

- Dans la continuité de sa chronique, Défense de la France sensibilise les Français à l’action d’un jeune aviateur arrêté, exécuté et, devenu « Martyr de France ».

- Après une brève recommandant à ses lecteurs la diffusion de son journal, Défense de la France condamne « Au pilori » Monsieur Eyrolles, directeur de l’Ecole des travaux publics de Cachan et maire de cette même ville, pour ses actes de trahison. Comme il l'a déjà fait dans son numéro 31, Défense de la France dénonce les individus qui entravent son action.
- Une « Revue de la presse libre » fait l’objet d’un sixème article.

 

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A cette époque, le tirage s’élève en moyenne à 150 000 exemplaires. Ce numéro serait tiré à 200 000 exemplaires. Au cours de l'année 1943, Défense de la France finalise ses installations professionnelles engagées en 1942 grâce au concours déterminant des hommes de métier – Jacques Grou-Radenez et Alain Radiguer avant tout – qui permettent au mouvement d’acquérir ces machines, du matériel divers mais aussi et surtout le savoir-faire.

Très vite, ces nouvelles acquisitions renforcent l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs professionnels. L’accroissement des effectifs de Défense de la France, notamment depuis l’intégration d’une partie des éléments des Volontaires de la Liberté que dirige le très charismatique Jacques Lusseyran, permet une extension de la diffusion qui impose une augmentation des tirages et accélère par conséquent la professionnalisation des imprimeries du mouvement.

L’évolution du conflit depuis la fin du mois de novembre 1942 influe favorablement sur le développement de la Résistance. La presse clandestine adapte son discours et fortifie son engagement. C’est le cas pour Défense de la France qui change progressivement le contenu de son journal.

Tout en restant fidèle à ses principes énoncés dès 1941, le mouvement abandonne peu à peu son répertoire, centré jusqu’ici sur une simple protestation morale, au profit d’un message plus radical visant à mobiliser activement les Français afin qu’ils « ruinent définitivement l’ennemi ». Ainsi, sur les 27 numéros publiés par Défense de la France du 1er novembre 1942 à août 1944, ce thème revient à 8 reprises et bénéficie parfois d’articles particuliers. 

De même, l’instauration du STO le 16 février 1943 permet au mouvement de fournir des mots d’ordre clairs appelant les jeunes Français à la désertion. Par ailleurs, la contre-propagande comme les informations militaires, jusqu’alors privilégiées, passent au second plan. 

En outre, « la nocivité du nazisme et du régime pétainiste étant désormais admise par l’opinion, le journal juge inutile de s’étendre sur ces thèmes. » La ligne du journal connaît donc un revirement total et « se consacre à définir les modalités du combat. » 

Enfin, après une brève parenthèse giraudiste, le discours du journal affiche, sous l’influence de Jean-Daniel Jurgensen, une loyauté sans faille à l’égard du général de Gaulle qu’il considère, finalement, comme l’unique chef de la France combattante. 


Sources
: Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940-1949, éditions du Seuil, 1995.


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Like the previous two issues, this paper was printed in a slightly larger format and to compensate for a shortage of space for the abundance of subjects, the font size became smaller and smaller. These typographical changes were a direct consequence of the professionalization of materials. At this point in time, the newspaper had acquired two professional printing presses in April and June. The first, a Teisch, was initially sheltered in a garage on Rue de Sèvres in Paris until July, and the second, a Phénix, « Francette », was kept in the country house of Houdy's relatives in Taverny. This new professional equipment allowed the movement to greatly increase its printing speed and augment the number of copies it could diffuse, which would increase continuously since the beginning of the year.


This issue is composed of six principal articles as well as a few news briefs:


- This issue opened with an article titled, « In the Church of France », written by Monseigneur Chevrot, of the St. François-Xavier parish, known for his activities in the Resistance.

- The second article is devoted to « De Gaulle and the French Independence ». After having presented a biography of her uncle in the previous issue, Geneviève de Gaulle, « Gallia », drew upon the originality of her project, insisting upon the « STRICTLY NATIONAL character of her actions ».

- The paper followed with a « Chronicle of the Resistance » praising its actions and calling workers to resist the STO.

- In a continuation of its chronicle, Défense de la France told of the actions of the young aviator who was arrested and executed, becoming a « Martyr for France ».


-After a news brief recommending that its readers help with the diffusion of the newspaper, Défense de la France set Monsieur Eyrolls in the pillory. Eyrolls, the director of the School of Public Works and Mayor of Cachan, was condemned for his acts of treason. As they did in issue 31, Défense de la France denounces those individuals who impede their action.


- A « Review of Free Press » was the object of the sixth article.



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At this time, the printing had risen to an average of 150,000 copies per issue, though this issue would attain 200,000 copies. Throughout 1943, Défense de la France was in the process of finalizing its professional installations begun in 1942 thanks to the determined help of professionals – above all, Jacques Grou-Radenez and Alain Radiguer – who enabled the movement to acquire professional machines and the various necessary materials, as well as training them in how to print their paper.

The acquisition of these materials quickly made the assistance of the professional printers unnecessary, also greatly reinforcing the independence of the movement.


An increase in membership to Défense de la France, most notably following the integration of a part of the Volontaires de la Liberté (Liberty Volunteers), led by the charismatic Jacques Lusseyran, allowed the movement to extend its diffusion and print more copies, confirming the success of the professionalization.

The evolution of the conflict since November 1942 favorably influenced the development of the Resistance. The underground newspapers adapted their discourse and fortified their operations. Such was the case for Défense de la France as well, who progressively changed the content of their newspaper. While staying true to the principles they announced in 1941, the movement abandoned its repertoire little by little, which had thus far been centered on a simple moral protest, and moving in favor of a more radical message looking to mobilize the French to « definitively ruin the enemy ».

Thus, of the 27 issues published between November 1, 1942 and August 1944, the theme returned to 8 central themes, sometimes benefiting particular articles.

At the same time, the Service du Travail Obligatoire (STO) was established on February 16, 1943, which forced young French men to be deported to Germany to work and aid the war effort, as Germany's labor force was weakened by the need of more troops.
The establishment of the STO gave Défense de la France the opportunity to provide clear orders calling the young French to desert.

In addition, the counter-propaganda such as military information, which had previously been favored, now took a backseat. Similarly, « the noxiousness of Nazism and the Pétain regime were proven by opinion, as the paper found it less useful to dwell on these themes. » The discourse of the newspaper thus underwent a complete turnaround, « dedicating itself to defining the terms of the combat ».


Source: Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995.

Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

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L’année 1943 marque un tournant décisif dans l’évolution du conflit mondial.

Amorcé depuis le printemps 1942, ce changement résulte, notamment de la mise en place d’une stratégie commune par les forces alliées qui permet de stopper, sur la plupart des fronts, l’avancée des forces de l’Axe.

Des rives de la Volga aux plages de Sicile, l’armée allemande vacille. Depuis le 2 février, Stalingrad est enfin reprise par l’armée Rouge qui déferle à la poursuite de la Wehrmacht et reprend les terres perdues en 1942. Rommel cède du terrain en Afrique où les Alliés ont débarqué le 8 novembre 1942.

Ces derniers événements changent progressivement mais radicalement la face du conflit sur le plan international comme sur le plan national et signent l’inéluctabilité de la défaite allemande. Désormais, l’ensemble des forces alliées peuvent s’inscrire dans la perspective d’une victoire possible.

En France, le mythe d’un Pétain résistant est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant dont la présence s’étend depuis le 11 novembre 1942 sur l’ensemble du territoire.

L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du travail obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration et marquent un tournant dans l’évolution des mentalités dont profite une Résistance qui n'a cessé, au cours de l’année 1942, de tisser sa toile, de veiller, d'entreprendre. L’évolution du conflit l’amène à s’inscrire dans cette mouvance générale en s’adaptant aux événements présents et à venir et lui impose une véritable mutation.

Elle s’organise grâce notamment à l’action entreprise par Jean Moulin qui, depuis plusieurs mois, parcourt la France occupée en vue de regrouper les dirigeants des principales organisations de résistance et, ensemble, de poursuivre le processus d’unification de leurs forces.

1943 est donc une année décisive où les espoirs changent de camp, où, malgré les souffrances et les sacrifices de plus en plus durs, on se prend à espérer, à oser croire peut-être de nouveau en un avenir, à se laisser porter par souffle de la victoire.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.


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The beginning of 1943 marked a pivotal moment in the global conflict. Beginning in the Spring, this change resulted notably from the institution of a common strategy by the Allied Forces, permitting them to stop the advancement of Axis forces on a majority of fronts.

From the banks of the Volga to the beaches of Sicily, the German army began to buckle. On February 2, Stalingrad was retaken by the Red Army, who swept out in pursuit of the Germans, retaking lands lost in 1942. Rommel lost terrain in North Africa, where the Allies landed on the eighth of November.

These recent developments progressively and radically changed the face of the conflict on both the national and international stages, signaling the inevitable defeat of Germany. The Allied Forces could begin to assembling their forces with victory now seeming possible.

In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.

The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and persecution, encouraged the French to reject the collaboration, which thus inspired a change in the mentalities of the population. The primary beneficiary of this change in mentality was the Resistance, who, throughout the first six months of 1942, ceaselessly spun its web of connections, preparing, watching, and waiting.


The evolution of the conflict led the Resistance to adapt to the general movement and become more involved in the present events. It was organized most notably by the actions of Jean Moulin who, for several months, had traversed France to regroup the leaders of the various resistance movements and bring them together in a process of unification through the Conseil national de la Résistance (National Council of the Resistance), created in February.

1943 was therefore a decisive year in which the balance tipped in favor of the Allies and in which, despite the suffering and the sacrifices that became more and more difficult, one could bring themselves to hope, one could dare to believe in a new future, to let themselves be carried away by the spirit of victory.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi