Journal Défense de la France, n° 44, 15 mars 1944

Légende :

Newspaper "Défense de la France", n°44, March 15, 1944.

Genre : Image

Type : Presse clandestine/ Clandestine Press

Source : © Archives nationales, fonds Défense de la France (don association Défense de la France) Droits réservés

Détails techniques :

Numéro imprimé sur un feuillet au recto et au verso. Format 32 x 50 cm. Le papier utilisé demeure de qualité inégale et bien souvent médiocre.

Lieu : France - Ile-de-France

Ajouter au bloc-notes

Analyse média

""

Ce numéro est édité deux fois : le 15 février et le 15 mars. Il est imprimé à 280.000 exemplaires (400 000 selon Défense de la France et M. Granet) sur des presses professionnelles.

Comme l’édition précédente, ce journal se compose de nombreux articles :

- Le journal s’ouvre sur un « Communiqué » concernant la constitution du Mouvement de Libération nationale créé le 15 janvier et réuni le 8 février. A la fin de l’année 1943, l’ensemble des démarches de coopération entreprises, tout au long de l’année par un grand nombre de mouvements aboutit à la création d’une fédération, le MLN, regroupant les MUR, Résistance et Défense de la France. Dans ce communiqué, Défense de la France appelle « tous les patriotes français à soutenir son effort pour libérer la France, assurer son indépendance nationale et instaurer une République nouvelle ».

- En 1944, Défense de la France franchit une étape et adhère définitivement à la stratégie de l’action immédiate. Cette évolution est progressive : d’abord rejetée, sa position évolue en 1942. En 1943, il accepte les attentats sur un plan théorique, mais n’incite pas ses lecteurs à en commettre. Dans cet article intitulé « Le devoir de tuer », Philippe Viannay « saute le pas. » (1) « Le devoir est clair, il faut tuer. Tuer l’Allemand pour purifier notre territoire... » annonce-t-il à ses lecteurs. 

- Le troisième article non signé est, selon M. Granet, de J-D. Jurgensen. Il s’intitule « Changement de régime ». L’auteur s’efforce de donner des éléments de réponse aux « questions qui se posent à la conscience française » au sujet des institutions et le régime à venir.

- Dans son article « A nos Alliés », Défense de la France lance un appel solennel « au Times et aux journaux anglais, aux journaux américains [...] » afin qu’ils appuient leur demande urgente d’armes qui fait, alors, dramatiquement défaut à la Résistance.

- Après un bref avis à la population appelant les Français à lire la presse des organes du MLN, le journal propose un article sur « La vie politique de la France ». L’auteur anonyme analyse quatre points : l’aide à la Résistance, l’épuration et l’organisation de l’Empire.

- Un bref article intitulé « La voix des aveux » dénonce l’opportunisme de Drieu-la-Rochelle.

- Dans un septième article, Défense de la France s’adresse « A [ses] Militants » et leur annonce la constitution, par le Conseil national de la résistance (CNR), de Comités de Libération « groupant les représentants locaux des divers groupements ». « [...] Ils doivent être le signe de l’unité totale du peuple de France contre l’ennemi et contre les traîtres vers la Victoire et la Révolution ».

Défense de la France présente ensuite sa rubrique « A travers la presse résistante ». Les sujets traités par la presse clandestine sont « La France d’avant garde » et « Une élite véritable ».

- Le journal s’achève par un article intitulé « Le surhomme ! » dans lequel est retranscrit un extrait, signé H. de Montherlant, tiré de « L’équinoxe de septembre 1939 ». Défense de la France « critique ironiquement Montherlant, qui fut fort déférent pour les autorités officielles pendant l’Occupation ». (2)

 

------


A cette époque, le mouvement est doté de deux machines : la Teisch et la Crafftmann. La première, acquise au mois d’avril 1943, est installée depuis juillet dans les établissements Labordière à Aubervilliers. La seconde, une Crafftmann, offerte au mois d’octobre par leur ami Alain Radriguer, est abritée dans un lavoir désaffecté que tient madame Cumin, âgée de 84 ans.
L’organisation, désormais professionnelle, de Défense de la France renforce l’indépendance du mouvement en rendant inutile le recours aux imprimeurs de métier. 
Ce nouvel équipement permet, d’une part, d’améliorer la présentation du journal (les compositions sont désormais irréprochables) et, d’autre part, d’accroître la vitesse d’impression et donc d’augmenter le nombre de tirages. 

En outre, depuis l’automne 1942, Défense de la France décentralise ses imprimeries, notamment en zone sud, suite à un accord conclu entre Philippe Viannay et Claude Bourdet au mois d’octobre. Ce dernier « cherchait à me joindre pour faire participer Défense de la France à l’opération de regroupement qu’il tentait en zone nord, faisant suite à celle qui avait déjà été réalisée en zone sud avec les Mouvements unis de la Résistance (MUR) » se souvient Philippe Viannay. (3) 
Défense de la France s’engage à imprimer et diffuser Combat en zone Nord et à équiper ses imprimeries de Lyon d’une Crafftmann automatique et du matériel nécessaire, grâce à la générosité d’Alain Radiguer. En retour, l’équipe de Bourdet, sous la houlette de Velin, prend en charge le tirage et la diffusion de Défense de la France pour la zone Sud.

Les deux rédactions « restent absolument indépendantes tout en réalisant, en commun un pool d’informations et de photos. »

Ainsi, la dissémination des ateliers – composition, clicherie et imprimerie – la spécialisation des permanents, une efficace stratégie de diffusion et une organisation rigoureusement cloisonnée répondent aux exigences voulues par Philippe Viannay et assurent à Défense de la France une protection irréprochable. 



Sources : (1) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France, 1940-1949, éditions du Seuil, 1995. (2) Marie Granet, Le journal Défense de la France, Presse universitaires de France, 1961. (3) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance, Journalisme, Glénans, éditions Ramsay, 1988.



""

This issue was published twice – on February 15 and March 15 – at approximately 280,000 copies (400,000 according to Défense de la France and Mrs. Granet) on professional printers.

Like its predecessor, this newspaper consists of numerous articles:

- This issue opens with a « Communication » concerning the constitution of the Mouvement de Libération nationale (MLN), created on January 15 and reunited on February 8. In fact, the creation of the MLN was the result of a year-long unification process in 1943 in which the major actors were MUR, Résistance and Défense de la France. In this « communication », Défense de la France called « all French patriots to support their effort to liberate France, assuring her national independence and installing a new republic ».

- In 1944, Défense de la France took a step forward, adhering to a new strategy of immediate action. This evolution was progressive – first rejected, its position evolved in 1942. In 1943, it accepted the attacks on a theoretical basis, but did not call its readers to attack back. In this article, titled « The Duty of Killing », Philippe Viannay « took that step » (1).

« Our duty is clear, we must kill. Kill the German to purify our land... » he announced to his readers.

- The third article is unsigned, though credited to J-D Jurgensen by Mr. Granet. The article, titled « A Change of Regime », attempts to respond to « questions in the French conscience » about the institutions and the regime of the future.

- In, « To Our Allies », DF sent a solemn call to « the Times and the American and English newspapers » to ask for more weapons, which the Resistance greatly lacked.

- After a brief advisory piece calling the French to read the press from the MLN, the newspaper proposed an article on « The Political life in France ». The anonymous author analyzed three points: the aide of the Resistance, the purging, and the organization of the Empire.

- A brief article, « The Voice of Confession » denounced the opportunism of Drieu-la-Rochelle.

- In the seventh article, Défense de la France addressed their « Militants » and announced the constitution, created by the Conseil national de la Résistance (National Counsel of the Resistance) of the Liberation Committee, « bringing together local representatives from diverse groups ». « [...] This must be the sign of a complete unity of the French people against the enemy and the betrayals to Victory and Revolution ».

- Défense de la France followed with « Through the Press of the Resistance... » The subjects of this review were: « France of the vanguards » and « A True Elite ».

- The final article of this issue was « The Superman! » in which an extract signed H. de Montherlant is retranscribed, printed « The equinox of September 1939 ». Défense de la France « criticized Montherlant who was too respectful of the authorities during the Occupation » (2).



---------


In November 1943, the movement had two machines at its disposal. The first was the Teisch machine that it had acquired in April, which had been installed in the warehouse of a Labordière factory in Aubervilliers. The second, a Crafftmann, was given to the movement in October by their friend, Alain Radriguer, and was sheltered in an abandoned wash house owned by Madame Currin, an 84 year-old woman.

The now professional organization of Défense de la France reinforced the independence of the movement, making the professional printers unnecessary.

The new equipment allowed them to improve the presentation of the journal and to increase the speed of printing, thereby enabling greater numbers of copies. At 450,000 copies, Défense de la France set the record for the most copies printed by an underground newspaper under the Occupation.

In addition, at this time, Défense de la France decentralized its printers in the Southern Zone following the conclusion of an agreement between Philippe Viannay and Claude Bourdet. The latter « sought to contact me so that Défense de la France might participate in the unification operation in the Northern Zone, following the efforts already in place in the Southern Zone with the Mouvements unis de la Résistance (United Movements of the Resistance) » recalled Philippe Viannay. (3)

Défense de la France engaged in the printing and diffusion of Combat in the Northern Zone and in equipping the printing workshops in Lyon with a Crafftmann automatic press and the necessary materials, thanks to the help of Alain Radriguerf. In return, Bourdet's team, under the leadership of Velin, took over the printing and diffusion of Défense de la France in the Southern Zone.
The two editions « would stay completely independent while realizing a pool of common information and photos ». Thus the dispersal of the workshops – composition, template-making, and printing – allowed for a permanent specialization, an efficient strategy of diffusion, and a rigorous system of organization to respond to the demands of production from Philippe Viannay and to guarantee the movement's protection.

Source: (1) Philippe Viannay, Du bon usage de la France, Résistance; Journalisme, Glénans, Ramsay publications, 1988. (2) Olivier Wieviorka, Une certaine idée de la Résistance, Défense de la France 1940- 1949, Seuil publications, 1995. (3) Ibid.


Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi

Contexte historique

""

 

1944 est bien pour l'Europe occupée l'année des plus grands espoirs. Grâce à l'action des différentes armées alliées ainsi qu'à l'aide qui leur est apportée par les mouvements et les maquis de la Résistance, l'Allemagne nazie recule sur tous les fronts et son effondrement semble proche.

Le repli allemand, amorcé au lendemain de Stalingrad, s’amplifie et ne s’arrêtera qu’à Berlin en mai 1945. Les fronts italien et africain, déterminants en 1943, deviennent secondaires dans le concept stratégique anglo-américain, concentré prioritairement sur la préparation de l’opération décisive destinée à frapper le Reich au cœur : le débarquement sur le continent par l’ouest.

Par ailleurs, les Alliés poursuivent sans relâche leurs bombardements sur le territoire allemand qui subit des raids massifs destinés à démoraliser la population et à neutraliser ses postes militaires stratégiques.

En France, le mythe du maréchal Pétain est définitivement brisé. La population française, fatiguée, usée par les difficultés du rationnement, les restrictions quotidiennes et l’ensemble des exactions commises par les Allemands, cultive une haine de plus en plus marquée à l’égard de l’occupant qui, dans un dernier sursaut de barbarie, se livre à de nombreux massacres.
L’impopularité de Pierre Laval, chef du gouvernement depuis le 18 avril 1942, l’augmentation de la répression qui se traduit par des rafles et l’institution du Service du travail obligatoire (STO) favorisent le rejet de la collaboration dont profite la résistance. Ainsi, avec l’aide des populations civiles, elle accueille les nombreux réfractaires du STO et constitue des "maquis" dans des zones peu habitées.
L'afflux de ces jeunes maquisards permet à la Résistance de développer des actions sur une grande échelle et de constituer des forces militaires couvrant tout le territoire.

Depuis 1940, la Résistance a parcouru un long chemin : de quelques groupes d'hommes à l'origine, elle parvient à la mise en place d'importantes organisations qui résultent d’un long processus d’unification élaboré tout au long de l’année 1943. Ce sont principalement les MUR, le CNR et, depuis le 15 janvier, le MLN.
En cette année 1944, malgré un cruel manque d’armes, l’ensemble de la Résistance se prépare à combattre aux côtés des Alliés.

Concomitamment, à Alger, le Comité français de Libération nationale – présidé par le général de Gaulle, désormais reconnu comme chef de la Résistance – devient le Gouvernement provisoire de la République française et s'élargit à de vastes fractions de la société.


Sources : Serge Ravanel, L’esprit de Résistance, éditions du Seuil, 1995.



""

For Occupied Europe, 1944 was a year of hope. Thanks to the actions of various Allied armies with the support of the movements and maquis (militias) of the Resistance, Nazi Germany began to buckle on all of its fronts, as its collapse loomed close. The German fold, sparked by their defeat in Stalingrad, was amplified and did not stop until Berlin in May 1945. After the Allied successes on the African and Italian fronts, the Anglo-American forces concentrated their efforts on preparations for a decisive action designed to strike the Reich at its heart: a landing on the West of continental Europe.
At the same time, the Allies pursued a relentless bombing campaign on the German territory which was subjected to massive air-raids designed to demoralize the population and to neutralize their strategic military operations.

In France, the myth of Marshall Pétain was effectively crushed. The French, worn-out and tired of the hardships of rationing and the daily restrictions inflicted by a German occupation, cultivated a hatred toward the occupiers that had grown stronger and stronger since November 11.


The unpopularity of Pierre Laval, who became the head of the government on April 18, and the increase in German repression through raids and the Service du Travail obligatoire (STO) – a program forcing young French laborers to relocate to Germany to support the industries of war – encouraged the French to reject the collaboration, from which the Resistance benefitted.

Thus, with the help of the civilian population, the Resistance housed numerous deserters of the STO and formed « Maquis » in relatively uninhabited areas. These Maquis were bands of armed men who became active in the Resistance fighting against the presence of the Reich.

This influx of these young maquisards allowed the Resistance to develop its actions on a ladder of command, constituting troops all across the territory. Since 1940, the Resistance had come a long way – from a few isolated groups of men, it grew into a movement whose process of unification would span the entire year of 1943. The most important of these unifying movements were the MUR, the CNR, and soon the MLN. In 1944, despite a massive shortage of arms, the Resistance prepared itself for battle at the side of the Allies.
Simultaneously, in Algiers, the Comité français de Libération nationale (French Committee of National Liberation) – presided over by General de Gaulle, henceforth known as the head of the Resistance – formed a provisional government of the French Republic and reached out to the divergent factions of French society.


Source: Serge Ravanel, L'esprit de la Résistance, Seuil publications, 1995.

Traduction : Matthias R. Maier


Auteur : Emmanuelle Benassi

Author: Emmanuelle Benassi