La reddition : témoignage d’Edgard Franchot

Légende :

Extrait vidéo du documentaire « Eysses, une prison dans la Résistance » (Amicale d'Eysses / IFOREP).

Genre : Film

Type : Documentaire filmé

Producteur : Amicale d’Eysses / IFOREP

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Durée totale : 52 minutes.  Durée de l'extrait : 00 :00 :29s. Emplacement de l'extrait : 0 :40 :32s

Date document : 1987

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Le film retraçant l'histoire d'Eysses est décidé lors du 40ème congrès en 1985 pour donner un contenu plus historique que celui du livre édité précédemment. Le film tourné à Villeneuve-sur-Lot et à Eysses en février 1986, sort en janvier 1987, sous le titre « Eysses, une prison dans la Résistance ». Il retrace en cinquante deux minutes les victoires remportées dans la prison, le grand dessein : l'évasion du 19 février et son échec, ce qu'était l'esprit d'Eysses, fait de tolérance, de civisme, d'abnégation, tout en le replaçant bien dans le contexte.

Dans cet extrait, Edgard Franchot, accompagné de Fernand Chabert, explique comment se déroula la reddition. Son témoignage est recueilli par Anna Dupuis-Defendini au rez-de-chaussée du quartier cellulaire.

Retranscription :
« Après douze heures de combats, il a fallu envisager une reddition. Un des membres de l’état-major a pris contact par téléphone avec le préfet. Le préfet a été d’accord pour négocier, et pendant les négociations nous avons appris que l’armée allemande se mettait en position autour de la centrale avec de l’artillerie et menaçait de nous bombarder avec cette artillerie. Il a fallu par conséquent passer à la reddition. Et Schivo nous a assuré qu’il n’y aurait pas de représailles, il nous a donné sa parole qu’il n’y aurait pas de représailles. »

Prête à entamer des pourparlers, la direction du Collectif décide d’appeler la sous-préfecture. C’est alors qu’elle apprend que les troupes allemandes prennent position avec leur artillerie sur les collines dominant la centrale. Le responsable des GMR lance alors un ultimatum aux détenus, leur demandant de rendre les armes. Dans le cas contraire, les Allemands bombarderont les parties de la prison détenues par les insurgés. Le directeur Schivo est amené auprès des responsables du collectif. Après l’avoir accusé d’être un traître à la Patrie, ils l’informent de leur volonté de ne pas prolonger le combat à condition qu’aucunes représailles ne soit exercé contre eux. Schivo appelle alors le capitaine des GMR au téléphone et lui demande de faire cesser le feu. C’est ainsi que s’achève la bataille. Avant de tomber aux mains de l’adversaire, les armes sont rendues inutilisables. Henri Neveu enfoui quelques grenades dans le jardin de l’infirmerie. Ce stock sera malheureusement découvert au cours de la fouille par les policiers et c’est ce qui servira de prétexte pour rompre les engagements pris par Schivo. Une heure après l’échange de conversations téléphoniques, les hommes ont regagné leurs préaux.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Amicale des anciens d'Eysses, Eysses contre Vichy 1940-..., Tiresias, 1992.

Contexte historique

Le 19 février 1944, Eysses est le théâtre d’une ambitieuse tentative d’évasion collective (de mille deux cents détenus politiques). Ce jour-là, alors qu’un inspecteur général effectuait une visite dans la centrale, les détenus saisissent l’occasion pour le prendre en otage, ainsi que le directeur milicien de l’établissement, Joseph Schivo, et quelques membres du personnel, au moment où ceux-ci pénétraient dans le chauffoir du préau 1. Le plan, préparé depuis plusieurs semaines par l’état-major clandestin des détenus, consistait à s’emparer des gardiens et à se rendre maitre de la centrale en silence. Entre 14h, heure de la capture de l’inspecteur et du directeur au préau 1, et 17h, les détenus progressent, en silence, jusqu’au bâtiment administratif, capturant et ligotant les surveillants au fur et à mesure de leur avancée. Cependant, l’alerte est donnée vers 17 heures par une corvée de droits communs de retour dans la détention. Alerté par des coups de feu, la garde extérieure met alors en batterie des armes automatiques aux fenêtres des bâtiments d’entrée donnant sur la cour d’honneur et commence à ouvrir le feu sur les locaux de détention. Les groupes de choc, formés en particulier d’Espagnols bénéficiant de l’expérience du combat à la faveur de la guerre civile, après avoir sommé en vain les GMR des tourelles de les laisser sortir, tentent, à plusieurs reprises, de franchir les murs de l’enceinte extérieure en attaquant le mirador nord-est à la grenade. Certains détenus atteignent les toits, tirent à coups de mitraillette sur les gardes, pendant que d’autres, protégés par des matelas, tentent de monter à l’échelle jusqu’au mirador de la porte Est. Toutes ces tentatives sont repoussées. Du coté des détenus il y a un mort - Louis Aulagne - deux blessés graves et trois blessés légers. On compte un tué et un blessé parmi le personnel pénitentiaire et seize blessés parmi les forces de l’ordre. Vers 21 heures, les troupes d’occupation venues d’Agen encerclent la centrale, munies de pièces d’artillerie. Vers minuit, l’état-major des détenus, installé dans le poste de garde du bâtiment administratif, tente de parlementer plusieurs fois par téléphone avec la préfecture, demandant au préfet de les laisser sortir, en arguant de la qualité des otages qu’ils détiennent. C'est Auzias qui dirige ces négociations avec la préfecture afin d’obtenir une reddition acceptable. On libère alors le directeur Schivo qui confirme le traitement correct dont il a été l’objet et relaie la demande des détenus auprès des autorités. Il est ici intéressant de signaler que tous les témoins insistent sur l’attitude particulièrement veule du milicien qui, craignant pour sa vie, tentera de se justifier par toutes sortes d’attitudes mensongères, tout en faisant état de sa qualité d’officier français. Vers trois heures, le commandant des troupes allemandes lance un ultimatum donnant aux révoltés un quart d’heure pour se rendre sans condition, faute de quoi la centrale sera bombardée. Les détenus demandent alors, par l’intermédiaire du directeur, un délai d’une heure pour regagner leurs dortoirs et déposer les armes (temps également nécessaire pour faire disparaître un certain nombre de papiers compromettants), celui-ci ayant donné sa promesse d’officier qu’il n’y aurait pas de représailles. Ce délai est refusé. Conscient que la poursuite des combats se solderait par un échec, les détenus libèrent les otages, abandonnent leurs armes (onze mitraillettes et huit grenades) et regagnent leurs dortoirs : il est environ quatre heures du matin.


D'après l'ouvrage de Corinne Jaladieu, La prison politique sous Vichy. L'exemple des centrales d'Eysses et de Rennes, L'Harmattan, 2007.