« Un émouvant souvenir cimetière d’Eysses (février 1944) »

Légende :

Témoignage de Marguerite Belloni, retranscrit dans le bulletin Unis comme à Eysses, n°111, mai 1973, page 2.

Genre : Image

Type : Article

Source : © Association nationale pour la mémoire des résistants et patriotes emprisonnés à Eysses Droits réservés

Détails techniques :

Dimensions de la page : 25 x 20 cm. Dimensions de l’article : 20 x 12 cm.

Date document : Mai 1973

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Aquitaine) - Lot-et-Garonne - Villeneuve-sur-Lot

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Analyse média

Dans ce témoignage envoyé à l’amicale d’Eysses au début des années 1970, Marguerite Belloni évoque ce jour de février 1944 où elle fut la première à fleurir les sépultures provisoires des 12 fusillés d’Eysses et de Louis Aulagne. L’article est illustré par une photographie des tombes de 4 des douze fusillés prise par Marguerite Belloni courant mars 1944.


Auteur : Fabrice Bourrée

Contexte historique

Marguerite Varlot est née le 21 octobre 1899 à Amiens. Le 28 mars 1918, la population amiénoise évacue la ville face à l’offensive allemande. Marguerite et sa famille partent pour Rouen puis Agen. Le 10 janvier 1920, elle épouse Jean Arthur Belloni et ensemble ils s’installent à Villeneuve-sur-Lot. En 1936, Marguerite est secrétaire du Secours Populaire de Villeneuve. Engagé dans la Résistance, son mari est arrêté le 15 juin 1941 et, après différentes prisons (Agen, Toulouse, Tarbes), il est incarcéré à Eysses, (Villeneuve sur Lot) non loin de chez lui. Marguerite et sa fille Jeannine aident, à leur manière les emprisonnés d’Eysses en sortant clandestinement de la centrale leurs courriers.

Marguerite se trouvait au cimetière Sainte-Catherine, sur la tombe de ses parents, le jour où les corps des douze fusillés de la centrale ont été inhumés. Ne sachant pas les noms des fusillés, elle ignorait si son mari en faisait partie. Un brigadier de police lui assura que non mais elle ne parvint pas à voir les cercueils. Le lendemain matin, avant d’aller à son travail, elle est revenue au cimetière et, accompagnée de Mme Pujols, la concierge, elle s’est rendue sur les tombes des fusillés. Elle obtient alors la certitude que son mari ne figure pas parmi les fusillés. En revanche, il y a là la tombe de Jean Vigne dont la maman couchait chez elle quand elle venait voir son fils. Les cercueils étaient simplement alignés dans une grande fosse commune et quelques pelles de terre avaient été jetées dessus. En accord avec la concierge, elle prit sur la tombe d’à côté, qui n’était qu’un monticule de terre à l’époque, le bouquet de fleurs qui était dans une boîte et les éparpilla sur le bout des cercueils. C’était sa manière de leur dire un dernier adieu.

A la Libération, Marguerite est surveillante au camp de Carrère où sont internés des collaborateurs et miliciens. Lorsque son mari revient de déportation, ils décident de s’installer à Amiens, ville natale de Marguerite. Entre 1945 et 1947, ils s’investissent tous deux dans les activités de l’Amicale d’ Eysses. Suite au décès de Jean en 1947, elle est obligée de rentrer comme bonne dans une menuiserie, rue du Vivier. En 1948, elle trouve une place d’ouvrière à l’entreprise Louria à Amiens puis effectue de la couture à domicile pour la société EMC. Du 6 décembre 1948 au 6 septembre 1949, Marguerite travaille comme ouvrière à la menuiserie Saint-Omer à Amiens.

Marguerite s’installe quelques temps après avec sa fille et son gendre (un ancien d’Eysses également) à Versailles. En octobre 1950, elle travaille pour la Chemiserie Bour à Versailles, en qualité d’ouvrière. Plus tard, Mme Bour la garda comme bonne et comme dame de compagnie. Marguerite y est restée jusqu’à sa retraite en 1965. Elle avait alors 66 ans. En juillet 1978, elle est de retour à Villeneuve-sur-Lot et s’installe au Foyer de l’Automne, maison de retraite de Villeneuve. Jusqu’à la fin de sa vie, Marguerite est restée fidèle à la mémoire d’Eysses assistant à de nombreux congrès et cérémonies. Marguerite Belloni est décédée le 17 décembre 2000 à Villeneuve dans sa 101ème année.


Auteur : Fabrice Bourrée
Sources : Archives privées AGFBL.