Pierre Hervé

Légende :

Pierre Hervé, représentant par intérim du mouvement Libération-Sud au Conseil National de la Résistance

 

Pierre Hervé, the temporary representative of the Libération-Sud movement at the National Council of the Resistance

Genre : Image

Type : Photographie

Producteur : Assemblée nationale

Source : © Archives de l'Assemblée nationale Droits réservés

Date document : sans date

Lieu : France

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Contexte historique

Pierre Hervé naît le 23 août 1913 à la ferme de Kergolvas, dans le Finistère ; son milieu est celui de la petite paysannerie bretonne. Jeune lycéen, à Lannion, à la fin des années 1920, son appétit de lectures le conduit vers Marx, Engels et Lénine. Cette découverte marque sa vie : elle détermine son goût pour la philosophie, en même temps que son engagement communiste. Pierre Hervé s'inscrit pour la première fois aux Jeunesses Communistes en 1932, alors qu'il est encore élève en khâgne au lycée de Rennes. L'année suivante, il rejoint le lycée Lakanal de Sceaux, en vue d'accroître ses chances de réussite au concours de l'Ecole Normale Supérieure. Son activité militante n'est pas pour autant délaissée ; il convainc ainsi son condisciple Jean-Toussaint Desanti de rejoindre les rangs des Jeunesses communistes. En 1934, Louis Aragon, qui travaille alors comme rédacteur à L'Humanité, lui propose de collaborer à la revue Commune, organe de l'Association des écrivains et des artistes révolutionnaires. Son inscription à la Sorbonne, en septembre, coïncide avec son entrée à l'Union fédérale des étudiants, organisation très proche du Parti communiste. Pierre Hervé est désigné par les Jeunesses communistes pour siéger à leur Comité central en 1936 ; il y côtoie, entre autres, Jean-Pierre Vernant, Victor Leduc et Gilles Martinet. Il est par la suite nommé secrétaire national de l'Union des étudiants communistes, poste qu'il occupe jusqu'à son départ pour le service militaire, en 1938.

Diplômé d'études supérieures de philosophie, Pierre Hervé s'apprête à passer le concours de l'agrégation lorsque la guerre éclate. Soldat de deuxième classe au 46e Régiment d'Infanterie, il n'est guère enthousiaste à l'annonce du pacte germano-soviétique ; militant discipliné, il se refuse pourtant à rompre avec son parti. Blessé à la face par un éclat d'obus sur la rive de l'Aisne, le 21 mai 1940, puis fait prisonnier alors qu'il attendait des soins à l'hôpital de Brest, il s'évade le 25 juillet, au cours du voyage vers l'Allemagne. Caché pour quelques semaines dans l'Yonne, il est surveillant d'externat à l'école Colbert d'octobre 1940 à janvier 1941. A la fin du mois de janvier, le rectorat le nomme professeur de philosophie au lycée Marcellin-Berthelot à Saint-Maur-des-Fossés. Son adhésion à la cause de la Résistance est immédiate : Jacques Salomon lui confie l'organisation de " l'Université Libre " dans la région parisienne, et lui propose de collaborer à la feuille clandestine du même nom.
Arrêté à son domicile parisien par les Renseignements généraux le 11 juin 1941, Pierre Hervé est écroué à la prison de la Santé. Son épouse, Annie Noël, insdissociable de son parcours résistant et qui sera arrêtée le 6 juin 1944 et déportée à Ravensbruck et Saschsenhausen, prépare alors son évasion. Avec vingt autres détenus, il parvient à s'échapper le 8 juillet 1941. Pierre Hervé rejoint clandestinement la zone Sud, et s'y cache pendant quelques mois.

Grillé en zone occupée, sans contact avec le parti communiste, Pierre Hervé et son épouse passent la ligne de démarcation et séjournent à Clermont-Ferrand, Pau, Toulouse, Limoges. A l'été 1942, sur les conseils d'un ami, il se rend à Lyon pour prendre contact avec la Résistance, et plus particulièrement avec Lucie Aubrac, qu'il a bien connue aux Jeunesses communistes. Le mouvement Libération en fait son chef pour la région de Lyon en juillet 1942 ; après avoir dirigé les opérations dans la région de Toulouse de novembre 1942 à avril 1943, il revient à Lyon pour exercer les fonctions de secrétaire général des Mouvements Unis de Résistance (ultérieurement Mouvement de Libération Nationale (MLN). Annie Hervé, quant à elle, seconde Georges Bidault au Bureau d'Information  et de Propagande (BIP). Pierre Hervé est l'un des principaux animateurs de la presse résistante. Dès 1942, il collabore au journal Libération, dirigé par Emmanuel d'Astier de la Vigerie ; il devient directeur-adjoint de cette publication lorsqu'elle paraît au grand jour, à partir de l'été 1944. C'est en tant que représentant du MLN que Pierre Hervé est désigné pour siéger à l'Assemblée consultative provisoire. Il est nommé membre de plusieurs commissions parlementaires ; jeunesse et sports, information et propagande, et justice et épuration ; il siège d'ailleurs dans ces deux dernières commissions aux côtés de son épouse.
En 1945, Pierre Hervé est élu député du Finistère, mandat qu'il abandonnera en 1948 pour se consacrer au journalisme

A partir de 1950, il interrompt définitivement sa collaboration à L'Humanité. En mars 1949, Pierre Hervé lance avec Yves Farge la nouvelle formule de l'hebdomadaire Action. Cette publication, que Jeannine Verdès-Leroux définit comme un "refuge pour les intellectuels communistes réfractaires au jdanovisme", se donne pour but de " prouver qu'au Parti communiste, on peut discuter ". Cependant, placée sous la dépendance financière du Parti, Action ne peut trouver sa voie, et sa parution doit être interrompue en 1952. A la suite de l'échec d'Action, Pierre Hervé se consacre à l'enseignement, et professe la philosophie au lycée Voltaire (1955-1956), au collège de Louhans (1956-1957), au lycée de Châlons-sur-Marne (1957-1960), au lycée de Rambouillet (1960-1963), puis au lycée François Villon à Paris (1963-1973). Le divorce avec le Parti communiste se poursuit ; il est consommé avec la parution d'un livre, La Révolution et les Fétiches, dans lequel Pierre Hervé manifeste son désir de voir le Parti s'affranchir " d'une scolastique fétichiste, pour revenir à son esprit authentique et s'ouvrir à l'immense aspiration des Hommes ". Pierre Hervé est exclu du Parti communiste le 16 février 1956, le jour même de l'ouverture du XXe Congrès du Parti communiste d'Union soviétique. Pierre Hervé se consacre alors à la rédaction d'ouvrages destinés à clarifier son rapport avec le communisme : Lettre à Sartre et à quelques autres par la même occasion (1956) ; Dieu et César sont-ils communistes ? (1957) ; Ce que je crois (1958). Avec Auguste Lecoeur, il participe aussi au journal La Nation socialiste et crée une revue mensuelle, La Nouvelle Réforme, qui ne dure que le temps de trois numéros. Pierre Hervé se rapproche progressivement de la SFIO ; candidat (sans succès) aux élections législatives qui se tiennent le 13 janvier 1957 dans la première circonscription de Paris, à la tête d'une liste du " communisme démocratique et national ", il la rejoint en octobre 1958, se félicitant des " perspectives d'avenir offertes par le Parti socialiste ", de " la résolution sur l'Algérie votée par le récent Congrès " et du " rôle joué par les ministres socialistes au sein de l'actuel gouvernement ".

De plus en plus séduit par l'action du général de Gaulle, Pierre Hervé quitte la SFIO en 1963 ; il collabore, de 1967 à 1969, à Notre République, organe des gaullistes de gauche. Après avoir pris sa retraite de l'Education nationale, en 1973, Pierre Hervé se retire dans le village de Châtel-Censoir, dans l'Yonne, où il décède le 8 mars 1993.

 

 

Pierre Hervé was born August 23rd 1913 on Kergolvas farm in Finistère into the middle class of the small Breton peasantry. As a young high school student in Lannion in the late 1920s, his appetite for reading led him to Marx, Engels and Lenin. This discovery influenced his life: it founded his appreciation of philosophy and his commitment to communism. Pierre Hervé enrolled for the first time in the Jeunesses Communistes (Young Communists) in 1932, even though he was in his second year of humanity studies at high school in Rennes. The proceeding year, he joined the lycée Lakanal de Sceaux, with the hope of increasing his chances of acceptance to l’Ecole Normale Superior. Yet he did not abandon his activist activities; he convinced his fellow student Jean-Toussaint Destani to join the ranks of the Young Communists. In 1934, Louis Argon, who worked at the time as an editor for L’Humanité, asked him to collaborate on the Commune review, a product of l’Association des écrivains et des artistes révolutionnaires (Association of Revolutionary Authors and Artists). His enrollment in the Sorbonne in September coincided with his entry into l’Union fédérale des étudiants (Federal Student Union), which was very close to the Communist Party. Pierre Hervé was appointed by the Young communists to be a member of their Comité central (Central Committee) in 1936; there he rubbed shoulders with, among others, Jean-Pierre Vernant, Victor Leduc and Gilles Martinet. He was soon nominated National Secretary of l’Union des étudiants communists, a post he held until his departure for the military in 1938.

With his superior philosophy diploma in hand, Pierre Hervé was preparing to take the civil service exam (le concours de l’agrégation) when the war escalated. A soldier of the second class in the 46th Infantry Regiment, he was not a war enthusiast when the Nazi-Soviet Pact was announced but as a disciplined activist, he refused to break with his party. Wounded in the by a shrapnel explosion on the Aisne River on May 21st 1940, then taken prisoner while awaiting treatment in a hospital in Brest, he escaped July 25th on route to Germany. Hidden for a few weeks in Yonne; he was the day supervisor at l’école Colbert from October 1940 to January 1941. At the end of the month in January, the Board of Education nominated him professor of philosophy at lycée Marcellin-Berthelot in Saint-Maur-des-Fossés. He immediately proved his loyalty to the Resistance; Jacques Salomon entrusted him with the organization of “l’Université Libre” (Free University) in the region of Paris, and he proposed an underground newspaper of the same name.

Stopped at his Parisian house by the General Intelligence on June 11th 1941, Pierre Hervé was committed to the prison de la Santé. His wife, Annie Nöel, whom played an essential role in his resistant life, who would be arrested June 6th 1944 and deported to Ravensbruck and Sashsenhausen, prepared his escape. With 20 other prisoners, he managed to escape July 8th 1941. Pierre Hervé then joined the underground movement in the South Zone and hid there for some months.

Burned in the occupied zone, without contact with the Communist Party, Pierre Hervé and his wife passed the line of demarcation to stay in Clermont-Ferrand, Pau, Toulouse, Limoges. In the summer of 1942, at the advice of a friend, he went to Lyon to make contact with the Resistance and in particular, with Lucie Aubrac, who was very knowledgeable about Young Communists. The movement Libération (Liberation Movement) actually had a regional director in Lyon in July 1942; after having managed the regional operations for Toulouse from November 1942 to April 1943, he returned to Lyon to exercise his role as General Secretary of Mouvements Unis de Résistance (later called Mouvement de Libération Nationale, MLN). As for her, Annie Hervé was Georges Bidault’s assistant at the Bureau d’Information et de Propagande (Office of Information and Propaganda, BIP). Pierre Hervé was one of the principle organizers of the resistant press. From 1942, he collaborated on the Libération newspaper, managed by Emmanuel d’Astier de la Vigerie; he became co-director of the publication when it became a large publication beginning in the summer of 1944. It was as representative of the MLN that Pierre Hervé was appointed to become a member of l’Assemblée consutative provisoire (Provisional Consulting Assembly). He was nominated to a number of commissions including youth and sports, information and propaganda and justice and purification; incidentally he was a on the seat of the last two commissions with his wife.   

In 1945, Pierre Hervé was elected deputy of Finistère, a position he left in 1948 to devote himself to journalism.

From 1950, he concluded his collaboration on L’Humanité. In March 1949, Pierre Hervé and Yves Farge launched a new weekly paper called Action. This publication, defined by Jeannine Verdès-Leroux as “a refuge for intellectual nonconformist communists to Jdanovists,” supported the goal of “proving that the Communist Party could begin a discussion.” Nevertheless, dependent on the financial backing of the Party, Action couldn’t find its voice and its publication had to be halted in 1952. Following its failure, Pierre Hervé dedicated himself to teaching and was a philosophy teacher at lycée Voltaire (1955-1956), at the collège de Louhans (1956-1957), at the lycée de Châlons-sur-Marne (1957-1960), at the lycée de Rambouillet (1960-1963), and then at the lycée François Villon à Paris (1963-1973). He continued to operate independently of the Communist Party and he was preoccupied with the publication of a book, La Revolution et les Fétiches, in which Pierre Hervé expressed his desire to see the Party rid itself “of their scholarly fixation in order to return to their original spirit and open itself to the immense aspirations of men.” He was excluded from the Communist Party on February 16th 1956, the same day the 20th congress of the Soviet Union Communist Party opened. Pierre Hervé then devoted himself to writing in order to clarify his relationship with communism which resulted in Lettre à Sartre et à quelques autres par la même occasion (1956) ; Dieu et César sont-ils communistes ? (1957) ; Ce que je crois (1958). Along with Auguste Lecoeur, he also participated in the newspaper La Nation socialiste and established a monthly review, La Nouvelle Réforme, that wasn’t published more than three times. Pierre Hervé gradually moves closer to the SFIO; he is an unsuccessful candidate in the legislative elections that were held January 13th 1957 in the first district of Paris, at the top of the list of “democratic and national communists.” He joined the SFIO in October 1958, welcoming the “future prospects offered by the Socialist Party,” of the “resolution of Algeria voted on by the recent Congress,” and of the “role played by the socialist ministers at the center of the current government.”

Progressively seduced by the actions of General de Gaulle, Pierre Hervé left the SFIO in 1963; between 1967 and 1969 he collaborated in the Republic, for the Gaullist system of the left. After having begun his retirement from l’Education nationale, in 1973, Pierre Hervé settled in the village of Châtel-Censoir, in the Yonne region, where he died on March 8th 1993.  


D'après le site Internet de l'Assemblée Nationale et le Dictionnaire historique de la Résistance, sous la direction de François Marcot, Robert Laffont, 2006.

 

Traduction : Gabrielle Ciceri