Léo Hamon

Légende :

Léo Hamon, son épouse et leur fils

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © DMPA Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Lieu : France

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Contexte historique

Léo Hamon est un exemple intéressant de résistant parisien, actif successivement dans les deux zones. Juif d'origine étrangère, il milite dans divers mouvements pour finir par jouer un rôle essentiel lors de la Libération de Paris.
Léo Goldenberg naît le 12 janvier 1908 à Paris XIIIe dans un milieu d'intellectuels émigrés. Il est fils d'un médecin juif polonais, et d'une mère russe, docteur en philosophie, historienne et économiste, amie de Rosa Luxembourg. Membres du parti social-démocrate polonais ses parents ont été condamnés à Varsovie pour leur action politique après la révolution de 1905. Ses parents rejoignent la Russie soviétique en 1921. Ils partent tous trois pour Berlin, respectant le désir de leur fils d'achever ses études à Paris et de revenir en France.
Élève à l'École alsacienne, licencié en Lettres et en Droit à la faculté de Paris, il épouse Suzanne Mongreville, institutrice, licenciée en Lettres le 6 août 1927. La même année, il obtient la nationalité française, en vertu des décrets du 10 juillet 1927.
Après son service militaire qu'il accomplit comme sous-lieutenant dans l'infanterie, Léo Goldenberg exerce comme avocat à partir de 1930, entrant au cabinet de Maurice Hersant, grand avocat au Conseil d'État. En 1932, il est docteur en Droit, pour une thèse sur le Conseil d'État, "Juge de fait" et secrétaire de la prestigieuse conférence de stage. Spécialisé en droit administratif, il exerce la fonction de conseil juridique de nombreuses municipalités communistes, notamment Ivry dirigée par Georges Marrane.
Il collabore aussi à L'Information municipale, revue du PC, ainsi qu'à La Tribune des Fonctionnaires. Politisé très jeune, Léo Goldenberg s'est détaché dès l'époque de son baccalauréat des opinions marxistes orthodoxes familiales. Il cherche à poser sur le socialisme, un regard indépendant. Il est un temps attiré par les néo-socialistes, mais adhère au PCF dans la fièvre du Front populaire. Simple militant, il est membre, d'autre part, du Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Le pacte germano-soviétique entraîne sa rupture avec le PCF.
Léon Goldenberg est mobilisé comme lieutenant, fin septembre 1939. Son unité est repliée en Haute-Garonne. Envoyé début juin en mission à La Rochelle, via Bordeaux, il entre en contact avec Pierre Viénot, René Cassin et Guy Menant qui l'informent des projets de capitulation du gouvernement.

Après la signature de l'armistice, qu'il déplore, il rencontre Robert Lacoste et Léon Jouhaux. L'attitude des corps constitués, comme la municipalité de Toulouse, le déçoit. Il reste sous les drapeaux jusqu'en janvier 1941, étant décidé à ne pas rentrer à Paris et n'ayant pas de projet professionnel en perspective. À partir de la fin 1940, il multiplie les rencontres avec des hommes qui comme lui paraissent être plus motivés par des considérations patriotiques que politiques, tel le syndicaliste Forgues ou l'ancien parlementaire Philippe Serre. Il a par ailleurs des contacts avec Daniel Mayer.
L'entrée en Résistance active se fait à la fin 1940, après deux rencontres capitales, celles de ses collègues Capitant à Royat, puis Teitgen à Montpellier. Ce dernier le charge de diffuser dans la région toulousaine Libertés. Après la fusion avec Les Petites Ailes de Frenay, il milite à Combat et diffuse le journal du mouvement. Il reçoit alors son courrier au nom de jeune fille de son épouse (Mongreville) qui l'a rejoint et qui participe à toutes ses activités résistantes. Il adopte le pseudonyme de Grandet dans la Résistance.
Après sa démobilisation en janvier 1941, Léo Goldenberg, traverse clandestinement la ligne de démarcation pour revenir pour une première fois à Paris, chargé d'une mission d'études pour les milieux juifs américains sur la situation des Juifs dans la capitale. Il en profite pour rencontrer Jean Cassou, Pierre Brossolette, Amédée Dunois et Agnès Humbert arrêtée le lendemain de leur rencontre.
Il retourne ensuite en zone libre au printemps 1941, avec Edgar Faure. Il semble avoir alors été déjà repéré par les autorités vichystes : une note de police de juillet 1941 indique qu'il a été vainement recherché dans le département de la Seine et une autre que sa résidence de Seine-et-Oise a reçu une visite de la Kommandantur. À Toulouse, L. Goldenberg s'occupe du journal Le Combat du Languedoc, avec Étienne Borne, et anime un cercle d'études sur le renouvellement de la vie politique française après la Libération. Il privilégie les contacts avec les milieux socialistes clandestins et démocrates-chrétiens, nouant alors des liens privilégiés avec Charles d'Aragon. Il refuse la proposition de Georges Marrane d'entrer au Front national, mais, à sa demande, le met en contact avec les gaullistes lyonnais avec lesquels il est en relation, Altman, Fumet et Monnier.
De l'été 1942 au printemps 1943, L. Goldenberg est nommé par Degliame responsable du secteur de l'Action ouvrière (AO) de la région R4 (comprenant sept départements). Il est chargé de la propagande contre la Relève, de constituer des noyaux résistants dans les usines, de l'organisation du sabotage, de la distribution de faux papiers et d'organiser des manifestations de protestation lors des grandes journées symboliques, comme le 11 novembre et le premier mai.
Membre de Combat, mouvement perçu comme plus à droite que Libération et dont il a l'impression d'être un des éléments situé les plus "à gauche", il déplore les "querelles de boutiques". Au printemps 1943, après avoir organisé les actions commémorant le 1er mai, Léo Goldenberg, est renvoyé à Paris, sur décision de Degliame. Il était trop "avantageusement connu" dans la région de Toulouse, écrit-il à ce propos à Henri Noguères. À Montauban, où il réside depuis début 1942, il a reçu une visite de la police.
À Paris, il reprend contact avec Pierre Kaan, ami d'adolescence. Ce dernier lui présente Yves Farge qui fonde alors le Comité d'action contre la Déportation (en fait les déportés du travail), rattaché directement au Conseil national de la Résistance (CNR). Désigné responsable des jeunes de cet organisme, il est chargé de faciliter le passage à l'état de réfractaires, puis de maquisards, des jeunes susceptibles d'être soumis au STO. C'est à cette époque qu'il adopte le pseudonyme de "Léo Hamon".
Il participe personnellement à une opération qui permet la destruction du fichier des jeunes de la classe 1942 au ministère du Travail, place Fontenoy (Paris). Le fait est cité à la radio de Londres.
Le responsable de Ceux de la Résistance (CDLR) de la région parisienne, Bourdeau de Fontenay ("Graveron"), étant nommé commissaire de la République, Léo Hamon prend la direction du mouvement, assisté de Pierre Stibbe et de Georges Papillon ("Loiseau", fusillé par les Allemands en août 1944).
Désigné pour siéger au Comité parisien de Libération au nom de CDLR, il combat alors les prétentions communistes pour la composition des municipalités de la Libération et des comités locaux. Il s'oppose à ce qu'il considère comme un noyautage communiste, même s'il ne croit pas à la volonté du PC et de ses satellites de prendre le pouvoir. Il se dit fermement résolu à "agir pour que les communistes aient, dans la France libérée, leur place, toute leur place, mais rien que leur place" (Vivre ses choix, p. 158).

En août 1944, lorsque se pose la question de l'insurrection, Léo Hamon, avec Marie-Hélène Lefaucheux, Roger Deniau et Jean Mons, s'efforce non sans succès de faire retarder la décision au sein du CPL, jugeant l'armement insuffisant et l'opération aventureuse. Le 19, avec les autres responsables du CPL et du CNR, il approuve l'ordre d'insurrection, puis, responsable du Noyautage des administrations publiques (NAP) pour le CPL, se rend à la préfecture de police en grève en pleins combats. Il est amené à négocier la trêve avec les Allemands, par l'intermédiaire du consul de Suède Nordling, mais occupe préalablement l'Hôtel de Ville et arrête le préfet avec Henri Ribière et Albert Bayet.
Son compte-rendu au CPL et au CNR des négociations est très agité, contesté par les communistes, par Villon et Tollet, qui devaient par la suite le brocarder comme "le prêtre de la trêve". Il fait l'objet de vives attaques des communistes dans les mois suivants, culminant en décembre par sa mise en cause par Gillot au congrès des Comités locaux de libération de la Seine qui affirme que Hamon ne peut présider la commission d'épuration de l'Hôtel de Ville, "méritant lui-même d'être épuré".
Après la libération de la capitale, Hamon, vice-président du CPL, est désigné à l'Assemblée consultative provisoire de Paris. Il conduit aux élections municipales d'avril 1945 l'une des listes de la Résistance : il est élu conseiller municipal de Paris et conseiller général de la Seine. Il le reste jusqu'en 1947, exerçant la fonction de rapporteur général du budget. Il est autorisé, par décret du 24 novembre 1945, à changer son patronyme de Goldenberg en Hamon, pseudonyme de clandestinité et nom sous lequel il a été élu.
Après une année sans mandat national, de fin 1945 à fin 1946, Léo Hamon devient une personnalité de premier plan de la IVe et de la Ve République. Après avoir souhaité la constitution d'un grand parti "travailliste", réunissant démocrates chrétiens et socialistes, il participe à l'Union gaulliste puis rejoint le MRP. Ce parti le fait élire conseiller de la République, puis sénateur de la Seine (1946-1958).
Il est exclu du MRP lors de la querelle sur la Communauté européenne de défense. Puis, il approuve le retour au pouvoir du général de Gaulle en 1958 et rejoint le Centre de la réforme républicaine qui se transforme en Union démocratique du travail (UDT). Élu député UNR-UDT de la 4e circonscription de l'Essonne en 1968-1973, il est désigné comme secrétaire d'État dans le gouvernement de Jacques Chaban-Delmas. Devient, après 1974, le président fondateur d'un mouvement gaulliste de gauche : Initiative républicaine socialiste.
Il meurt en octobre 1993.



Gilles Morin, " Léo Hamon " in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.