Georges Blind, le "fusillé souriant"

Légende :

Portrait de Georges Blind en uniforme de sapeur-pompier

Genre : Image

Type : Portrait

Source : © Collection Patrice Pruniaux Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : Avant 1944

Lieu : France - Bourgogne - Franche-Comté (Franche-Comté) - Territoire de Belfort - Belfort

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Contexte historique

Georges Blind naît à Belfort le 17 novembre 1904. Entré au corps des sapeurs-pompiers de Belfort le 10 janvier 1929, il est nommé 1ère classe le 6 mars 1932, caporal le 15 décembre 1938, puis caporal infirmier le 14 avril 1940. A ce titre, il occupe principalement son service à « la sanitaire », le VSAB (véhicule de secours aux asphyxiés et blessés) de l'époque.

Georges Blind est aussi un sportif accompli. C'est donc logiquement qu'il intègre l'équipe de gymnastique du corps. Pour se faire une idée des qualités professionnelles du caporal Blind, prenons connaissance d'une lettre que lui adresse le maire de Belfort en date du 8 décembre 1941 : « Il vient de m'être signalé que, le 3 décembre dernier, appelé pour porter secours à une personne asphyxiée par le gaz d'éclairage, vous avez réussi après une heure et demie d'efforts à ranimer la victime, portant ainsi au total de 21 le nombre des succès enregistrés à votre actif. La Municipalité tient à vous exprimer toute sa satisfaction devant ce résultat et je me fais avec plaisir son interprète pour vous exprimer, à l'occasion de ce 21e sauvetage, nos très vives félicitations. »

Mais ces qualités et la confiance de ses supérieurs s'expriment également au travers de la note de service concernant l'instruction que fait paraître le chef de corps, le 15 décembre 1941. « Le Caporal infirmier Blind prendra en charge en tant que moniteur principal, les séances d'instructions théoriques et pratiques sur :
- Les secours aux asphyxiés, électrocutés et noyés ;
- Le fonctionnement et l'utilisation des appareils de réanimation ;
- Le fonctionnement et l'utilisation des appareils d'exploration en atmosphère dangereuse.
En cas d'intervention, le caporal infirmier Blind se fera accompagner par un ou deux aides suivant un ordre établi à l'avance parmi les sapeurs qu'il aura reconnus aptes. »

En fait, le chef de corps donne carte blanche à son subordonné. Le caporal Blind est promis à une belle carrière si les circonstances n'en décidaient autrement. Depuis le 18 juin 1940, les troupes allemandes occupent Belfort. Quelques mois plus tard, les premiers signes d'une opposition à l'occupant apparaissent, embryon de la Résistance. En août 1940, Georges Blind fait partie du groupe de Belfortains qui met à l'abri la statue d'Edith Cavell. Pour qui connaît l'histoire de cette infirmière britannique, fusillée par les Allemands pour avoir permis l'évasion de centaines de soldats alliés de la Belgique alors sous occupation allemande pendant la Première Guerre mondiale, ce geste est un symbole fort.

Puis, Georges Blind devient membre du « groupe Ferrand ». Les témoignages d'après-guerre font mention qu'avec l'ambulance, les sapeurs-pompiers effectuent nombre de transports de responsables de la Résistance, personnes recherchées, armes, renseignements, journaux clandestins. Nul doute que Georges Blind participe activement. En dehors de son métier, il aide bénévolement le Secours Populaire dans ses oeuvres de bienfaisance.

Le 14 octobre 1944, Georges Blind est à son domicile, rue de la Marseillaise, et se prépare à partir pour prendre son service de nuit au poste central lorsque la Feldgendarmerie vient l'arrêter. A 20 h 00, il pénètre dans la cellule 34 de la caserne Friedrich. C'est entre les 15 et 23 octobre qu'il devient le héros de la photographie, simulacre d'exécution, qui fait le tour du monde dès 1945. Il ne sait pas, il ne saura jamais qu'il vient d'entrer dans l'Histoire... Cette photographie est présente dans de nombreux ouvrages car devenue un symbole de la Résistance au nazisme en France et à l'étranger. Sans doute pour le sourire et peut-être parce que personne ne connaissait le lieu où elle fut prise, et encore moins le nom du résistant... Aujourd'hui, le « Fusillé souriant » n'est plus un inconnu grâce à James Wood et Christophe Grudler (C. Grudler, Le fusillé souriant – Histoire d'une photo, Ed. A Sutton). 

Georges Blind quitte la caserne Friedrich le 24 octobre 1944 à 17 h pour être déporté au camp de concentration de Dachau, où il arrive le 29 octobre, après être passé par le camp de sûreté (Sicherungslager) de Schirmeck-La Broque. Le 24 novembre 1944, 1 014 déportés du camp de Dachau sont sélectionnés et partent au camp d’Auschwitz. Parmi eux, 863 Français dont Georges Blind. Ce convoi est aujourd’hui connu sous le nom de « convoi des Vosgiens». Ils arrivent à Auschwitz le 26 novembre au soir. Douche, tatouage du matricule sur l'avant-bras gauche. Ils sont ensuite enfermés dans une baraque. Dans l'après-midi suivant, une autre sélection est faite par les SS. Georges Blind ainsi que 79 autres « Vosgiens » partent pour Blechammer où ils parviennent au camp « Judenlager » la nuit du 29 au 30 novembre. A sa rentrée de déportation, Monsieur André Hatier affirme que Georges Blind, qu'il connaissait à Belfort, entre immédiatement à l'infirmerie et qu'il est le seul à le faire cette nuit-là. Il ajoute qu'il apprend le décès de Georges quelques jours plus tard.

Aujourd’hui, nous avons ce que l'on appelle une intime conviction (le terme est important puisque nous n'avons pas retrouvé de témoins de la scène) sur deux points :
- Georges Blind présente à son arrivée au camp les symptômes d'une maladie contagieuse,
- Georges Blind et ses neuf autres camarades sont assassinés par injection dès leur arrivée à la baraque sanitaire, probablement dans la nuit du 30 novembre au 1er décembre 1944.

Nommé sergent FFI à titre posthume, Georges Blind a été décoré de la médaille Militaire, de la Croix de guerre 1939-1945, de la Médaille de la Résistance et de la médaille d'argent avec rosette des sapeurs-pompiers.


Auteur : Patrice Pruniaux
Sourcehttp://pompiersbelfort.canalblog.com/