Raymond Leibovici

Légende :

Raymond Leibovici, responsable du service de santé FFI d'Ile-de-France

Genre : Image

Type : Portrait

Source : © Musée de la Résistance nationale, Champigny-sur-Marne Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France - Ile-de-France

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Contexte historique

Raymond Leibovici naît le 26 février 1901 à Paris (rue Faidherbe, XIIe arrondissement) dans une famille d'immigrés roumains, d'origine russe, naturalisés. Son père a fait ses études de médecine à Paris et exerce rue du Faubourg du Temple. Raymond Leibovici reçoit une éducation laïque et il est inscrit à l'âge de dix ans comme pupille de la 12e section du PS (SFIO). Il fait des études brillantes - il passe son PCN en même temps que son Bac - et entre à la faculté de Médecine. Arrêté lors de la manifestation ouvrière interdite du 1er mai 1919 et condamné à trois mois de prison, il est amnistié, ce qui lui permet de poursuivre ses études. En 1922, il est reçu premier à l'internat et dix ans plus tard il devient chirurgien des hôpitaux de Paris. En revanche, reçu premier à l'écrit de l'agrégation, épreuve anonyme, il est évincé à l'oral, victime du climat antisémite régnant dans le milieu médical. Entre temps, en mai 1931, il crée la clinique Rémy de Gourmont avec sa femme Geneviève, sa belle-soeur Isabelle Zimmer et ses amis Hector Descomps et Fritz Busser. De 1928 à 1939, il est l'assistant du professeur Antonin Gosset en ville et à l'hôpital de La Salpetrière. Dans la même période, outre sa thèse, primée par la faculté et la Société de Chirurgie, il publie une centaine de travaux scientifiques et il est désigné comme rapporteur du congrès français de chirurgie de 1934.

Mobilisé en 1939, il prend part à la bataille des Flandres. Enfermé dans la poche de Dunkerque à l'hôpital de Zuydcoote, avec son ambulance chirurgicale, Raymond Leibovici est autorisé par le médecin-chef à s'embarquer, le 4 juin 1940, sur le dernier bateau en partance pour l'Angleterre. Cet épisode lui vaudra blâme et révocation de son grade par l'amiral Darlan en octobre 1941 -sanctions annulées le 10 avril 1945. Revenu aussitôt en France, il est démobilisé à Toulouse et regagne son domicile parisien (111, Quai d'Orsay, VIIe arrondissement) en septembre 1940. Par l'intermédiaire d'Isabelle Zimmer, via Aline Rohal, Juliette Ténine et Jeannette Oppmann, il fait alors la connaissance de Jean Jérôme dont il devient l'un des principaux adjoints. En octobre-novembre 1940, il amène ce dernier chez Hector et Paulette Descomps qui acceptent de "planquer" le dirigeant communiste - la double entrée, la pièce en sous-sol (la crypte), les 250 m² et le va-et-vient des consultants du 1 rue Le Nôtre se prêtant remarquablement à cette fonction. Immédiatement inquiété en application du statut des Juifs du 3 octobre 1940, Raymond Leibovici entre dans la clandestinité en mars 1941. Ce même mois, Paulette Descomps devient agent de liaison de l'Organisation spéciale (OS) et Hector Descomps participe au lancement du Médecin Français dont Jean-Claude Bauer coordonne la rédaction et assure le tirage et dont Raymond Leibovici organise la diffusion.

Un an plus tard, Raymond Leibovici contribue aux pourparlers centraux qui président au lancement du Front national en établissant pour Jean Jérôme le contact avec Françoise Leclerc, sa patiente, et, par elle, avec le révérend père 'Philippe de la Trinité', supérieur des Carmes au couvent d'Avon (Seine-et-Marne). A l'été 1941, Raymond Leibovici charge Lucien Bonnafé de représenter le PCF au sein de l'équipe du 1 rue Le Nôtre (Gaston Cordier, André Laporte, Fritz Busser), devenue comité du Front national des médecins. Hector Descomps accepte, quant à lui, de sonder des sommités médicales non communistes, notamment le professeur Pasteur-Vallery-Radot et son groupe, bientôt affilié à l'OCM. La chute de Jean-Claude Bauer, le 2 mars 1942, contraint Raymond Leibovici à assurer lui-même la publication du Médecin Français. A ce moment, pourtant, pressé par Jean Jérôme, il s'affaire surtout à monter le service sanitaire de l'OS-FTP : ambulances clandestines, cachettes pour les blessés, salles d'opération camouflées...

Raymond Leibovici commence par organiser les régions P1 et P2 (Région parisienne), confiées en juillet 1942 aux médecins Henri Chrétien et Aimé Albert. L'interne Yves Cachin assure les contacts avec l'Assistance publique (l'interne Jean Roujeau) et les milieux syndicalistes hospitaliers (l'infirmier Jean-Louis Loche). Agent de liaison d'Henri Chrétien, Fanny Bré monte un véritable réseau d'infirmières. De nombreux étudiants en médecine travaillent pour ce service sanitaire, tel l'externe Jean Rozynoer, contact d'Henri Chrétien pour le groupe FTP de Maurice Le Berre, responsable de l'éphémère (juin-août 1942) maquis de Moret-sur-Loing en Seine-et-Marne (maquis du Calvaire). La plupart d'entre eux participent à la diffusion du Médecin Français.
Dans le même temps, Raymond Leibovici seconde Jean Jérôme, déchargé depuis février 1942 de la gestion de l'appareil technique central du PCF, afin de représenter, à plein temps désormais, la direction de ce parti pour tout contact externe. Raymond Leibovici présente ainsi Marcel Prenant à Jean Jérôme désireux de rencontrer François Faure, intérim du colonel Rémy à la CND -ce contact a lieu le 27 mars 1942- et de mettre sur pied un état-major des FTP. Au-delà, jusqu'à la chute de Jean Jérôme, Raymond Leibovici effectue une douzaine de missions en zone Sud, tant pour le compte du Comité militaire national (CMN) et/ou de l'état-major des FTP que pour celui du comité directeur du Front national (FN). Au printemps 1942, il trouve ainsi à Nice le contact avec Léon Sliwinski, adjoint de Marian Romeyko à la direction du réseau F2 qui accepte de transmettre à Londres, via Jacques Trolley de Prévaux, ses demandes de parachutages d'armes pour les FTP. C'est pour lui annoncer le retour du colonel Rémy à Paris le 14 octobre 1942, qu'Hector Descomps se précipite à Lyon. Au départ, Raymond Leibovici a pour point de chute légal en zone Sud sa villa 'Les orangers' à Saint-Tropez où il a de nombreuses relations militantes (le plasticien Mako Cebonovitch, le compositeur Louis Durey...).
Mais, c'est bientôt à cette adresse aussi qu'en aval de la loi du 2 juin 1941, le Commissariat général aux questions juives adresse courriers et convocations encadrant la radiation du chirurgien par le Conseil de l'Ordre des médecins de la Seine, le 22 avril 1944 et la demande de maintien formulée en appel, le 22 juin 1942, par le Conseil national de l'Ordre. Dès lors, Raymond Leibovici utilise des 'planques' comme 'La Bastide Blanche' à Sainte-Maxime, que Georges Lemestre, tenancier du 'Sphynx', met indistinctement à la disposition de ses amis des FTP et de personnalités comme Louis Jacquinot et Max Lindon. C'est là que Raymond Leibovici abrite André Jacquot, désigné par le CMN des FTP pour piloter les groupes armés de la zone Sud, avant d'installer l'instructeur à Lyon. C'est probablement lors de cette mission que Raymond Leibovici rencontre le général Paul Bloch-Dassault - soit peu après Fernand Grenier et par le même canal (Georges Vidal-Naquet) - qui accepte de rencontrer Jean Jérôme. Celui-ci vient d'être arrêté (14 avril 1943), quand le général arrive à Paris et c'est Raymond Leibovici qui supplée, instruit par la réunion historique -elle est animée par Jean Moulin et le général Delestraint - de l'état-major de l'Armée Secrète du 12 avril 1943 où il a assisté Georges Beaufils (par la suite, Marcel Prenant, chef de l'Etat-major national des FTP assume ce rôle).

Dans cette même période, Raymond Leibovici épaule aussi Pierre Villon au secrétariat du comité directeur du FN, assurant notamment la liaison avec le banquier démocrate-chrétien Max André. Toutefois, c'est encore les FTP qu'il représente, le 14 juillet 1943, au 1 rue Le Nôtre, à la fondation du Comité d'action contre la déportation (CAD) où il est bientôt rejoint par Henri Rol-Tanguy. Organisateur, avec Charles Laurent, du service de faux papiers du CAD, il est un familier des bureaux du Progrès de Lyon où il rencontre Georges Altman et Yves Farge. Le 1er janvier 1944, en compagnie de ce dernier et d'Henri Rol-Tanguy, il déménage par voiture à bras le dépôt principal que le CAD a installé à Vanves chez Pierre Chenel, planque menacée de perquisition.

Raymond Leibovici n'en continue pas moins de diriger le service sanitaire des FTP et d'animer les groupements de médecins peu ou prou FN de la zone Nord. C'est à ce double titre, le 29 septembre 1943, qu'il rencontre Pasteur-Vallery-Radot, Thérèse Bertrand-Fontaine et Paul Milliez -mandatés par l'OCM-, Clovis Vincent et Robert Merle d'Aubigné -'indépendants'-, pour fonder avec eux le Comité médical de la résistance (CMR). Dès la deuxième séance toutefois, le 8 octobre 1943, Raymond Leibovici s'en tient aux mandats des FTP, Hector Descomps ayant accepté de porter ceux du FN. Cette coordination centrale accélère la structuration du FN des médecins : Raymond Leibovici et Hector Descomps exceptés, les membres du comité de Front national de 1941-1942 se retirent en décembre 1943 devant un comité directeur de dix membres présidé par le professeur Robert Debré : Paul Funk-Brentano, les professeurs Marc Tiffeneau et Champy, Jenny Weiss-Roudinesco, Michel Gaye, Ambroise Péloquin et Pierre Rouquès. Sous le pseudonyme de 'Lecoeur', Raymond Leibovici s'en tient à assurer le secrétariat général du mouvement tout en siégeant désormais au CMN des FTP où il traite aussi bien des questions sanitaires, des services de renseignement, de la fabrication d'explosifs, de la récupération de matériel de guerre, d'attaques d'usines de guerre et d'aviation ou d'opérations périlleuses, comme le sauvetage, le 6 avril 1944, de Pierre Villon accidenté.

A ce moment, Raymond Leibovici a aussi en charge l'organisation du service sanitaire des FFI d'Ile-de-France, d'abord en collaboration avec le professeur Robert Debré et Robert Merle d'Aubigné, puis seul et, à partir de la fin mai 1944, avec Hector Descomps comme adjoint. A ce titre, il siège, début juin 1944, à l'état-major régional FFI dirigé par Henri Rol-Tanguy. Il est secondé à l'état-major départemental FFI de la Seine par Pierre Rouquès qui confie alors le FN des médecins parisiens à Pierre Weiller.
Le service sanitaire des FFI d'Ile-de-France se montre particulièrement efficace pendant les journées insurrectionnelles -plus de 3.000 blessés (FFI et civils) sont pris en charge. A l'état-major régional des FFI, Raymond Leibovici s'occupe, en outre, des liaisons avec le COMAC, le général Dassault ou Robert Monod, se charge de l'impression et de la diffusion des affiches, entre derrière Henri Rol-Tanguy à la préfecture de police le 19 août 1944... Nommé lieutenant-colonel le 12 août 1944, par la suite, il reçoit de nombreuses décorations (médaille de la Résistance, croix de guerre, Légion d'honneur...).

A la première séance que le comité directeur du FN des médecins élargi à vingt et un membres tient dans Paris libéré, Raymond Leibovici est reconduit comme secrétaire général du mouvement. Dans le même temps, le CMR le désigne comme représentant national des médecins FFI à la direction générale du service de santé au ministère de la Guerre. A ce poste, Raymond Leibovici traite les dossiers de l'homologation des grades et de l'intégration des médecins FFI dans l'armée mais refuse de siéger dans les commissions d'épuration de ses collègues. Dans le même temps, nommé inspecteur des formations chirurgicales aux armées jusqu'à sa démobilisation, il se démultiplie (poches de l'Atlantique, Méditerranée, formations du Rhin ..). Il organise, en outre, le service de santé de la colonne Fabien et, à la demande de Charles Tillon, ramène, le 6 juin 1945, Marcel Prenant porté disparu qu'il localise, terrassé par le typhus, après trois jours de recherches aux alentours des camps de déportation de Neuengamme et de Bergen-Belsen. Cette activité débordante explique peut-être pourquoi il n'apparaît pas dans l'organigramme des instances provisoires de l'Union des médecins français qui, en mai 1945, réalise la fusion de tous les groupements de médecins résistants.

Démobilisé le 1er août 1945 à Vincennes, Raymond Leibovici est nommé chirurgien à l'Hôpital Laënnec puis à l'Hôpital Saint-Antoine où il termine sa carrière en 1968, non sans avoir obtenu de l'Assistance publique, en décembre 1966, qu'une salle de son service porte le nom du docteur René Bloch, résistant mort à Auschwitz le 10 août 1942. Marié en seconde noces avec Isabelle Zimmer, père d'une fille, Raymond Leibovici meurt le 20 décembre 1982 à Villefranche-sur-Mer.


Daniel Virieux in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004