Roger Algoud

Légende :

Lors d’une conférence le 17 août 2004, Roger Algoud présente sa tenue de déporté et explique ce que signifiaient le triangle rouge, la lettre F et le numéro.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : Cliché André Breyton

Source : © AERD Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleurs.

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Die

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Analyse média

Le Diois Roger Algoud, alors élève à Grenoble, entre en Résistance à 16 ans. Arrêté avec des documents compromettants à la fin d’une liaison, il connaît sept prisons françaises avant d’être déporté à Buchenwald.

Après 1939, et avec quelques variantes d’un camp à l’autre, les catégories de prisonniers furent identifiées par un système de marquage combinant un triangle coloré, des lettres, cousus sur les uniformes rayés. Ces signes permettaient aux gardes SS de connaître le motif de l’incarcération du déporté.

Triangle rouge : les « politiques ».
Etoile jaune : les Juifs (étoile de David pour les juifs).
Triangle rouge sur étoile jaune : les déportés juifs résistants.
Triangle bleu : les apatrides. Les déportés républicains espagnols portaient le triangle bleu puisque Franco les avait déchus de la nationalité espagnole.
Triangle marron : les tziganes.
Triangle violet : les témoins de Jéhovah.
Triangle rose : les homosexuels.
Triangle vert : les « droit commun ». Condamnés de droit commun qui purgent leur peine dans un camp de concentration et non dans une prison. Cette catégorie de prisonnier fournira aux SS, les Kapos les plus brutaux.
Triangle noir : les asociaux. On y trouve notamment des vagabonds, braconniers, voleurs à la tire, ivrognes, souteneurs, chômeurs...

A l’intérieur du triangle était marquée l’initiale du pays d’origine. Ici « F » pour Français. En dessous, était cousu une bande de tissu portant leur numéro matricule. Ce numéro devenait leur unique identité.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Né en 1923 à Die, Roger Algoud va à l’école dans cette ville jusqu’à l’âge de 10/12 ans. Puis il entre à l’école technique Vaucanson de Grenoble, option dessin industriel. Les informations sur l’Allemagne nazie, puis l’arrivée dans Grenoble d’un flot de réfugiés espagnols servent de déclencheur à l’engagement politique de Roger. À 16 ans, il s’inscrit aux jeunesses communistes.

La guerre perdue, les jeunes communistes de la cellule Paul Billat se mettent à déployer une activité débordante, contestant notamment la collaboration et appelant à la désobéissance. Ils contrecarrent les réunions et spectacles des Jeunesses pétainistes, en jetant sur scène des boules puantes ou de la poudre à éternuer. Le noyau communiste du secteur s’approche de ces jeunes si actifs. Particulièrement de Roger car c’était un intellectuel et le métier de son père lui donnait droit à des déplacements gratuits en train.
En 1940, pour le compte du mouvement, Roger, initié aux procédures de prudence dans les liaisons, fait trois voyages « d’affaire » sur Lyon. En décembre 1940, cependant, il échappe de peu à l’arrestation par la police.
À la mi-janvier 1941, Roger Algoud se rend de nouveau à Lyon. L’aller-retour se déroule sans problème. Mais, alors qu’il allait à vélo dans les rues enneigées livrer sa « marchandise », deux hommes jaillissent et l’empoignent. À la vue du contenu du sac de Roger, ils se réjouissent : c’était une bonne prise ! Durant deux jours et deux nuits, dans une salle de l’hôtel de police, privé de nourriture et de sommeil, Roger est interrogé et frappé. Dans l’attente de son procès, il est tout d’abord interné à la prison Saint-Joseph de Grenoble où les conditions de vie sont très dures. « Entassés les uns sur les autres dans une pièce unique, pour nous placer mus nous marchions dessus. personne ne respectait l’autre : si nous ne faisions pas attention, nous nous faisions piquer la nourriture, c’était sale et j’étais jeune alors qu’il y avait des durs et des voyous ». Accusé d’atteinte au moral de la population et de propagande active menée auprès de l’armée, il passe devant un tribunal civil. Avec les preuves récupérées par la police, Roger se sait condamné d’avance. À l’énumération des faits, le tribunal civil est dessaisi au profit de la section spéciale de la cour martiale militaire de la 8ème région, une cour de fantoches où siègent des officiers français en grand uniforme.
Roger n’avait pas encore 18 ans quand en juin 1941, il est transféré à Lyon. D’abord à la prison Saint-Paul où l’espace carcéral était quadrillé par des cloisonnements de grillages, puis à Montluc où il reste jusqu’à l’annonce du verdict. La sentence tombe : cinq années de privation de liberté !
Quelques jours après, sous bonne escorte, Roger et d’autres détenus sont embarqués dans un train en partance pour la petite prison de Lodève dans l’Hérault : peu de détenus répartis à 2 ou 3 par cellule, quelques gaullistes et des communistes ; plus de liberté de mouvement à l’intérieur de locaux sains et ensoleillés ; une majorité de gardiens tolérants (cependant, quelques-uns n’hésitent pas à lancer des coups de pied) et une nourriture acceptable. Les mois passent ; les prisonniers sont astreints au nettoyage des locaux, au raccommodage de sacs de jute ou à la fabrication de tresses en raphia. Un camarade de cellule l’initie au jeu d’échecs : « une chose magnifique qui me permit de supporter plus facilement tout ce temps perdu. » Ils consacrent des journées entières à s’affronter. La tranquillité des lieux permet à Roger de produire quelques écrits propagandistes qu’il peut faire passer à l’extérieur avec la complicité de gardiens engagés dans la Résistance. Seule une invasion de poux provoque une séance agitée de désinfection. De temps en temps, ses parents viennent lui rendre visite et lui apportent de la bonne nourriture, mais le trajet depuis Die est long et difficile avec descente du train à Montpellier puis remontée vers Lodève dans des véhicules pas toujours très faciles à trouver.
A la fin de l’année 1942, soit 23 mois après son arrestation, suite au débarquement allié en Afrique du Nord, les autorités estiment qu’il fallait replier à l’intérieur du pays les détenus enfermés près du littoral. Après un premier séjour de courte durée à Mausac en Dordogne où le brouillard régnait en maître, c’est à Bergerac, toujours en Dordogne, que le déplacement semble toucher à sa fin. Dans cette bâtisse, sont regroupés des communistes français mais aussi espagnols. Là aussi, les gardiens en majorité font partie de la Résistance. En contact avec une filière extérieure et par l’intermédiaire de surveillants, une tentative d’évasion est montée pour libérer Roger. « Des faux papiers sont établis, je gardais les mêmes initiales RA puisque mon nouveau nom était René Alban. Je devais m’enfuir à l’occasion d’une sortie chez le médecin de la ville. » Mais l’opération est manquée.
Roger est transféré à Saint-Sulpice dans le Tarn-et-Garonne, un camp immense de baraquements en bois, qui bénéficie d’une surveillance particulière. Par mesure de précaution, Roger se fait enregistrer sous sa fausse identité.
Quand le 6 juin 1944 se produit le débarquement de Normandie, Roger était détenu depuis 41 mois. Il ne savait pas encore que son parcours pénitentiaire n’était rien à côté de ce qui l’attendait. Craignant que ses proies soient libérées par les troupes alliées, l’occupant décide que tous les détenus politiques doivent être évacués en Allemagne. Parti de Toulouse le 30 juillet, soit vingt jours avant la libération de la ville, un train spécialement affrété commence la purge des prisons françaises. Roger Algoud est déporté à Buchenwald, il sera transféré au kommando de Plomnitz-Leau, creusant un souterrain-usine dans la mine de sel.

Il sera libéré le 14 avril 1945. Il est décédé le 26 novembre 2004 à Die.


Auteur : Robert Serre
Sources : Roger Algoud, La descente aux enfers, tapuscrit, 2004.