Usine à Die, premières manifestations d’hostilité

Légende :

L’entreprise Audra à Die est une fabrique de meubles où a eu lieu les premières manifestations d’hostilité au gouvernement de Vichy.

Genre : Image

Type : Carte postale

Producteur : Inconnu

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Carte postale sépia.

Date document : Avant guerre

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Die

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Analyse média

La ville de Die est dans la vallée de la Drôme. Elle est entourée de montagnes. Le sommet qui est en arrière-plan est le Serre Grimaud, au sud-est de la ville. L’usine Audra, située à l’est de l’agglomération, occupe une grande superficie. Au premier plan, ce sont surtout les réserves de bois bruts et de planches, la scierie et les locaux de préparation des éléments. Le grand bâtiment du fond, avec une cheminée, sert au montage des meubles et à leur stockage.


Auteurs : Jean Sauvageon

Contexte historique

Les actions dans les usines ne touchent pas que les centres industriels importants du département. Le contexte local est déterminant. La ville de Die (3 061 habitants en 1936) est au cœur d’une région à forte tradition républicaine. C’est un radical, Léon Archimbaud, qui est maire. Mais en 1936, le candidat communiste, Fernand Richaud, obtient plus de 44 % des voix. Or, il est scieur. Dans la ville, l’industrie du meuble a pris de l’extension avec la proximité des forêts du Vercors et la culture du noyer. Fernand Richaud deviendra un des responsables FTP (Francs-Tireurs et partisans) de la région.

L’usine Audra, fabriquant des meubles, compte alors une centaine d’ouvriers dont un rapport de gendarmerie du 8 juin 1941 stipule que certains sont « notoirement connus pour leurs sentiments extrémistes ». Des propos en faveur de l'Angleterre auraient été tenus le jour de l'attaque de la Syrie par les Anglais, y indique-t-on encore. Un autre rapport, du 1er mai 1942, signale que des ouvriers "communistes notoires" (six en tout) sont en grève dans deux usines de Die.

Par la suite, les actions vont se multiplier dans tout le département contre la propagande gouvernementale, pour l’amélioration du ravitaillement, pour les salaires ou contre les réquisitions pour le travail en Allemagne. Les conditions de lutte, de protestation sont difficiles dans un contexte où la surveillance et la délinquance règnent. Les syndicats traditionnels, notamment la CGT, sont interdits en application de la Charte du Travail. La préparation d’une grève, d’une manifestation ne peut se faire que clandestinement, les mots d’ordre ne circulent que « sous le manteau ». Néanmoins, les rapports indiquent que dans les usines les ouvriers parviennent à manifester leur mécontentement.

Le 22 février 1942, un sondage est rapporté par les gendarmes suite à une propagande en faveur du collaborateur Doriot à Romans « Dans le centre ouvrier de Romans, suivant les indications reçues, 80 % des ouvriers seraient contre : 15 % indifférents, 5 % sympathisants ».

Le 30 juin 1942, des tracts sont distribués, et des affiches placardées à Saint-Vallier, Saint-Uze, Saint-Rambert-d’Albon et Andancette protestant contre l'allocution de Laval incitant au départ volontaire d'ouvriers en Allemagne.

Le 14 juillet 1942, Henri Faure et son groupe de résistants lancent des tracts devant des usines valentinoises qui sont vite ramassés et seront ensuite commentés favorablement.

Le 14 octobre 1942, à Valence et à Bourg-lès-Valence, des tracts invitant les ouvriers à ne pas partir pour l'Allemagne ont été découverts à proximité des usines, le 20, d'autres tracts sont diffusés invitant les ouvriers à se mettre en grève le 21 octobre pour protester contre la réquisition de la main-d'oeuvre. Le 29, pour protester contre la Relève, les ouvriers d'un certain nombre d'usines ont fait de courtes grèves notamment une grève d'une heure d'une quarantaine d'ouvriers à l'usine Bady à Romans.

Le 1er novembre 1942, le préfet rapporte que « les ouvriers spécialistes de l'industrie des métaux sont hostiles et refusent de partir volontairement pour l'Allemagne ; deux groupes : ceux qui s'inclineront devant les désignations et ceux qui y sont totalement réfractaires qui forment une grosse majorité. Sur 42 sollicités, deux seulement sont partis. » Le même jour, Marcel Barbu, industriel à Valence, refuse le départ de ses ouvriers pour la Relève, il est interné à Fort Barraux en Isère.

Le 5 novembre 1942, nouvelles grèves contre la Relève, cette fois à la fonderie Goguet, de Romans (60 ouvriers), au cartonnage Branchard de Bourg-de-Péage (10 ouvriers).

Le 11 novembre 1942, deux grèves signalées : la première à l'usine Frachon à Saint-Vallier (100 ouvriers), la deuxième à l'usine Dumont à Saint-Uze (70 ouvriers). Les patrons n'ont averti la gendarmerie que le lendemain, quatre communistes sont arrêtés. Encore à Saint-Vallier, des affiches ont été posées contre l'envoi d'ouvriers français en Allemagne.

Le 17 février 1943, un rapport est fait sur les ouvriers de la Boulonnerie Calibrée de Valence (dont 80 % de la production part en Allemagne) : 85 % du personnel est anti-collaborationniste, la majeure partie des ouvriers préféreraient une attitude de Résistance.

Le 24 février 1943, en gare de Valence, les ouvriers partant pour la Relève chantent pour la première fois La Marseillaise.

Le 7 avril 1943, une grève d'une journée pour le ravitaillement à Saint-Nazaire-en-Royans affecte 110 ouvriers de l'usine de tissage Léon Laurent et trente ouvriers de l'entreprise Joya-Chabert procédant à la reconstruction du pont de Saint-Nazaire-en-Royans.

Le 14 avril 1943, c’est une grève de protestation de 24 h à l'usine d'appareillage électrique Grammont à Érôme. La fin de la grève n'a pu être obtenue que par la promesse formelle, de la part du service de ravitaillement, d'assurer d'urgence l'envoi de farine dans les communes rurales où sont domiciliés les 150 ouvriers protestataires.

Le 17 septembre 1943, des tracts sont distribués dans les régions de Saint-Vallier et Romans appelant à faire grève pour commémorer la victoire de Valmy le 20. Ce jour-là, le préfet signale que cette grève "a été un succès complet : 3 000 ouvriers du cuir en grève". Mais les Allemands procèdent, dans les jours qui suivent à Romans et Bourg-de-Péage, à l’arrestation de 54 ouvriers, 26 seront déportés.

Le 11 novembre 1943, plusieurs manifestations sont organisées dans le département et des grèves sont signalées à Saint-Uze et Montélimar.

Le 19 janvier 1944, 22 femmes sur 80 ouvriers et ouvrières de la chapellerie Durand à Bourg-de-Péage se sont mises en grève dans le but d'obtenir une augmentation de salaire.

L'occupation allemande devenant de plus en plus sévère en 1944, les grèves sont remplacées par l'inertie. Deux rapports en font mention : Le 15 février, il est signalé "40 ouvriers travaillent sans ardeur à la station d'Autichamp, malgré le désir des Allemands de voir s'activer ces travaux qui ne seront certainement pas achevés avant plusieurs mois". La station ne sera jamais terminée. Le 13 mai, on informe le préfet que les 4 500 ouvriers de la poudrerie de Valence, pourtant sous contrôle allemand, travaillent au ralenti.


Auteurs : Jean Sauvageon
Sources : DVD-Rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, édition AERI-AERD, 2007. Collectif, Die, histoire d’une cité, Patrimoine de la vallée de la Drôme.