René Courtin

Légende :

Economiste drômois, travaille pour la Résistance près de De Gaulle et prépare l’après-guerre.

Genre : Image

Type : Portrait

Producteur : Inconnu

Source : © Collection René Courtin, archives familiales Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

Photographie de la couverture de l’ouvrage de René Courtin, De la clandestinité au pouvoir, Journal de la libération de Paris, les éditions de Paris, 1994.


Auteurs : Robert Serre

Contexte historique

Les activités résistantes de René Courtin ne se sont pas déroulées dans la Drôme pour l’essentiel. Cependant, ses liens avec ce département sont réels, il y est né et il y a séjourné, dans sa famille réfugiée dans le Diois, à la fin de 1942.

René Courtin est né en 1900 à Saulce (Drôme). Son père, polytechnicien, inspecteur des Finances, président de Chambre à la Cour des Comptes, appartenait à la grande bourgeoisie parisienne. Avec son épouse, il possède une vieille maison familiale à Saulce-sur-Rhône, où René, enfant, passa ses vacances. Après des études secondaires au lycée Carnot, René obtient sa licence de Droit et son doctorat. Durant ses études, il participe aux activités de la "fédé" des étudiants protestants. Il est nommé chargé de cours à la faculté de Montpellier en 1926. Il prend des responsabilités dans la "post-fédé" qui rassemble les anciens de la "fédé". Il épouse en 1926 Simone Coursange, de Die, qui lui fait découvrir la vallée de la Drôme. Ils ont une maison dans un village proche de Die. En 1930, il est agrégé d'économie politique.

L'arrivée au pouvoir du nazisme en Allemagne, puis ses avancées brutales suscitent sa colère, qu'il manifeste avec André Philip dans des articles publiés dans la presse protestante, des conférences, des réunions publiques : il s'élève contre l'Anschluss (annexion de l'Autriche par l'Allemagne en 1938), contre les accords de Munich (30 septembre 1938), s'indigne de l'abandon des Tchèques par le gouvernement français. Il sera d'ailleurs vice-président du Comité protestant de secours aux Églises tchécoslovaques.

À l'automne 1940, il est réfugié à Royat, dans le Puy-de-Dôme : il se lie avec Pierre-Henri Teitgen, réfugié venu de Nancy où il enseignait à la faculté. Ils y rencontrent René Capitant, Alfred Coste-Fleuret, François de Menthon, lui aussi venu de la faculté de Nancy, et d'autres intellectuels comme le germaniste Edmond Vermeil, l'ethnologue Claude Lévi-Strauss, l'historien Marc Bloch. Ensemble, ils créent le mouvement de Résistance Liberté qui, après fusion, donnera naissance en novembre 1941 à Combat. Ils publient le journal Liberté qui passe rapidement de quelques exemplaires ronéotés à 45 000, imprimés clandestinement à Marseille. Le journal, comme le mouvement, fusionnera avec Vérité, celui de Frenay, pour donner Combat.

L'attitude déterminée de ce groupe d'universitaires se traduit jusque dans leurs cours aux étudiants, qui s'associent nombreux à leur action. Courtin poursuit son travail dans les milieux protestants. En 1941, il devient président du groupe "post-fédé" de Montpellier. Avec l'aide de ce groupe protestant, il publie un journal clandestin polycopié, Présence de l'Église, qui cessera de paraître lorsque naîtront les Cahiers du Témoignage chrétien.
Par le biais du Hollandais W. Visser't Hooft, qui assure le contact entre les Églises des pays occupés, il est informé de la situation aux Pays-Bas, en Norvège, en Allemagne.
Les 16 et 17 septembre 1941, il est un des trois laïcs protestants à participer à la rencontre de Pomeyrol (Saint-Etienne du Grès). Il y présente un exposé sur les relations entre l'Église et l'État, où il déclare que « l'armistice est une véritable souffrance morale car la France s'est reniée », dénonce la "Révolution nationale" de Pétain, condamne l'équivoque de la position de l'Église qu'il invite à désavouer « la déification du chef, le statut Juif, l'arbitraire policier, les camps de concentration ». Courtin participe à la rédaction des huit thèses qui prennent parti pour la défense des droits de tout Homme au nom de l'Évangile et protestent « contre tout statut rejetant les Juifs hors des communautés humaines ».
Les cours de René Courtin, comme ceux du catholique Teitgen, à l'université de Montpellier, reçoivent un public grandissant d'auditeurs avides d'entendre s'élever des voix antinazies et anti-collaborationnistes. Selon Frenay, la police dira plus tard que « leurs cours n'ont pas été autre chose qu'une école de Résistance ».
Au début de 1942, il entre au comité exécutif de la Fédération française des associations chrétiennes d'étudiants. Avec ses amis universitaires, ils animent un groupe d'études réfléchissant aux problèmes économiques et sociaux de l'après-guerre, qui correspond avec Emmanuel Mounier.

En 1942, il devient chef de Combat dans l'Hérault.

Au début de 1942, Jean Moulin vient de Londres pour rencontrer les chefs de mouvements et les presser de s'unir dans la lutte commune. Frenay, chef du mouvement Combat, a quelques difficultés à se plier. Une importante réunion de l'organisme directeur a donc lieu chez un pasteur de Nîmes, ami de René Courtin. Elle rassemble Frenay, Courtin, Teitgen, Coste-Fleuret, François de Menthon, Chevance-Bertin, Claude Bordet, Demachy, Berty Albrecht et Henri Aubry qui est chargé de faire connaître à Jean Moulin l'accord du mouvement.

En juillet, se réunissent près d'Albi les membres du comité directeur de Combat, auxquels s'associent diverses personnalités comme Henri Aubry, Edmond Michelet et René Courtin. Pendant trois jours, ils réfléchissent aux efforts à faire pour arriver à la fusion avec Libération et Franc-Tireur, à la création d'une Armée secrète, au sens de leur combat et de ses suites après la Libération. Il en sortira un manifeste largement diffusé. Mais l'invasion de la zone Sud par les Allemands, le 11 novembre 1942, oblige toutes ses formes de Résistance à une totale clandestinité.

Courtin, menacé, doit gagner l'Aveyron. Il vient ensuite à son domicile de Die, où il retrouve son épouse et ses quatre enfants, ainsi qu'une fille de Marc Bloch, ses deux cousines et d'autres Juifs. En outre, les parents de Claude Lévi-Strauss sont cachés dans la vieille maison de famille.
Après quelques semaines de repos et de vie familiale, il lui faut entrer dans la plus complète clandestinité. Il gagne Lyon où, sous un pseudonyme, il mène une vie de « nomade changeant de chambre chaque mois, de restaurant chaque semaine ».

En décembre 1942, il entre, sous le nom de "Sextus" car il est le sixième membre, au Comité général d'études (CGE, d'abord appelé Comité général d'experts) institué à la demande de Jean Moulin. Il s'agit d'un organisme chargé d'organiser la future France libérée, c'est-à-dire de préparer les mesures immédiates à prendre à la Libération, définir l'orientation générale du régime politique à substituer au pouvoir de Vichy et choisir les futurs cadres administratifs. Les autres membres en sont Paul Bastid, Jacques Charpentier, Michel Debré, Robert Lacoste, Pierre Lefaucheux, François de Menthon, Alexandre Parodi et Pierre-Henri Teitgen. Le Comité doit partir pour Paris dans l'été 1943.
Courtin s'attelle au rapport qu'il est chargé d'élaborer sur "la politique économique d'après-guerre" qui sera publié clandestinement en novembre 1943. De conception très libérale, ce rapport ne se veut pas « un programme commun de la Résistance française », mais il constitue « une base d'études pour les Hommes qui auront demain la lourde responsabilité de la politique économique, sociale, financière, monétaire de la France libérée ». Afin d'assumer le pouvoir dès la Libération, le Comité général d'études nomme des "administrateurs provisoires des ministères", des secrétaires généraux devant passer le relais au général de Gaulle et aux membres du gouvernement provisoire dès leur arrivée en France. Courtin reçoit la charge de l'Économie nationale. Il assure ses fonctions dans un Paris toujours occupé, parcouru par les tanks, balayé par les rafales de mitrailleuses et les coups de canons.

Le 20 août 1944, en plein combat des Parisiens pour leur libération, Courtin s'installe rue de Rivoli. Le surlendemain, il peut se rendre à l'Hôtel Matignon pour un premier Conseil des "ministres provisoires". Le 24, il rejoint la préfecture de police où arrive le général Leclerc. Le lendemain, il est à l'Hôtel de Ville pour accueillir le général de Gaulle. Il le retrouve le 26 pour la descente des Champs-Élysées et la cérémonie à Notre-Dame. Mais ce n'est que le dimanche 27 que les secrétaires généraux sont présentés au général, dont Courtin déplore le manque de « sens de l'humain ». Dans les jours suivants s'engage un difficile débat entre Mendès-France, Pleven et Courtin, tenants de politiques économiques divergentes. Courtin quitte ses fonctions. Diverses responsabilités lui sont proposées, mais il ne veut pas être considéré comme un "profiteur de la Résistance" et préfère reprendre une chaire d'enseignement à la faculté de Droit de Paris. Il accepte cependant la co-direction, avec Christian Funck-Brentano et Hubert Beuve-Méry, du nouveau quotidien Le Monde. Il refuse par contre la proposition que lui fait de Gaulle en novembre de devenir ministre des Finances, laissant la place à René Pleven.

Le 1er février 1945, un article dans Le Monde, non signé, mais il est de Courtin, fait grand bruit : il met en doute la réalité de l'unanimité de l'Assemblée provisoire : « L'unanimité apparente de la Résistance recouvre une simple majorité qui, dans le pays, s'effiloche peut-être en minorité ». Adversaire des nationalisations, il renouvelle ses attaques contre "les propagandistes" qui développent un "programme révolutionnaire". Les réactions violentes provoqueront une première grave crise dans la rédaction du quotidien, déjà accusé par les communistes, mais aussi Albert Camus, de se faire l'organe des trusts et de discréditer la Résistance. Pourtant, l'article, gardé pendant un mois sous le coude par Beuve-Méry, avait été édulcoré.

Courtin se consacrera ensuite à l'organisation de l'Europe unie, tout en collaborant à l'hebdomadaire protestant Réforme.

René Courtin est mort en 1964.


Auteurs : Robert Serre
Sources : Amouroux Henri, La grande histoire des Français sous l'Occupation : Les règlements de compte (septembre 1944- janvier 1945), tome 9, Livre, Paris, Robert Laffont, 1991. Calef Henri, Jean Moulin, une vie, Paris, Plon, 1980. Courtin René, Pour les autres et pour soi, Montpellier, 1969. Courtin René, De la clandestinité au pouvoir, Journal de la libération de Paris, les éditions de Paris, 1994. De Montclos Xavier, Luirard Monique, Delpech François, Bolle Pierre (sous la direction), Eglises et chrétiens dans la IIe Guerre mondiale - la région Rhône-Alpes, Lyon, Presses Universitaires de Lyon, 1978. Encrevé André et Poujol Jacques (actes réunis par), Les Protestants français pendant la Seconde Guerre mondiale, supplément au Bulletin de la Société de l'Histoire du Protestantisme français, n°3, Paris, 1994. Frenay Henri, La nuit finira, Paris, Robert Laffont, Opéra Mundi, 1973. Frenay Henri, Volontaires de la nuit, Robert Laffont, 1975. Granet Marie, Michel Henri, Combat, histoire d'un Mouvement de Résistance, Paris, Presses Universitaires de France, 1957. Ruby Marcel, Résistance et Contre-Résistance à Lyon et en Rhône-Alpes, Lyon, Horvath, 1995.