Plaque en hommage à Jean de Rudder et au journal Résistance

Légende :

Plaque apposée au 47 rue Chaintron - place Jules Ferry - à Montrouge (92). Elle porte l'inscription : "En honneur des patriotes de Montrouge. Ici fut imprimé pendant l'occupation le journal clandestin Résistance à l'initiative de Jean de Rudder, avec l'aide d'Emile Staquet, de Marcel Vidal, tous trois déportés, et de Mariette Fichelet morte en déportation".

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Producteur : Claude Richard

Source : © Collection Claude Richard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Lieu : France - Ile-de-France - Hauts-de-Seine - Montrouge

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Analyse média

Le 11 juin 1988, une plaque a été apposée sur l'immeuble sis 47 place Jules Ferry à Montrouge où fut imprimé en 1942 le premier journal Résistance par Rudder et son équipe. Ses collaborateurs Emile Staquet et Marcel Vidal y furent arrêtés et déportés, ainsi que Mariette Frichelet qui, elle, mourut en déportation.


Contexte historique

Au printemps 1942, à la suite de l'arrestation de Raymond Burgard et de la disparition du journal Valmy, Marcel Renet conçoit le projet de réaliser un nouveau journal clandestin destiné en premier lieu à répondre aux journaux collaborationnistes. Marcel Renet et Maurice Lacroix choisissent le titre Résistance en accord avec les survivants du groupe du Musée de l'Homme qui avaient ainsi baptisé leur propre journal lui-même disparu. En créant le journal Résistance, Marcel Renet voulait créer un organe susceptible d'exprimer l'opinion résistante dans son ensemble.

Renet demande à un ami, Jean de Rudder, imprimeur à Montrouge, de prendre en charge l'impression du journal. Celui-ci accepte immédiatement.

Le premier numéro paraît en octobre 1942. Maurice Lacroix y signe un article sous le pseudonyme de Jean Decour ; tout le reste du journal étant rédigé par Marcel Renet qui signe l'éditorial sous le nom de Jacques Destrée et la chronique militaire sous celui de Marc-Antoine. Dans son premier éditorial, Renet précise ses buts : "Exprimer et soutenir cette opinion, préparer les tâches d'aujourd'hui et de demain, transmettre les mots d'ordre nécessaires et participer ainsi, d'abord à la lutte pour la victoire, et ensuite à la création d'une véritable démocratie, telles sont nos ambitions et aussi nos raisons d'exister." Le succès de ce premier numéro tiré à 5.000 exemplaires fut important grâce à l'intérêt des articles et à la présentation générale du journal.

Le deuxième numéro paraît le 14 novembre 1942. Son éditorial appelle les Français à la Résistance, en soulignant que la Résistance est une forme du combat libérateur. Au printemps 1943, le journal s'attache aux conséquences des bombardements et appelle les Alliés à plus de discernement. Le 7 mai 1943, Marcel Déat, consacre dans L'Oeuvre un éditorial dissertant sur les opinions émises par le journal Résistance : "J'ai sous les yeux un numéro du journal Résistance, naturellement clandestin et plutôt irrégulier dans sa publication. (…) Deux colonnes de commentaires ne sont vraiment pas de trop pour excuser les légères erreurs de tir des bombardiers de la délivrance…".

Le 17 octobre 1943, dans un rapport adressé à Londres, Claude Bouchinet-Serreulles, évoque l'importance du journal : "Le groupement Résistance, né de la conjonction de Valmy avec un autre groupement, publie assez régulièrement un journal de quatre pages, rédigé en grande partie par le chef du mouvement. Il écrit en particulier l'éditorial et l'article de politique internationale de première page. Les membres de Résistance annoncent un tirage de 90.000 exemplaires. D'après les recoupements dont nous disposons, ce chiffre ne paraît pas excessif. Résistance est assez connu à Paris, notamment dans les milieux universitaires."

Les collaborateurs du journal sont de plus en plus nombreux pour sa rédaction et surtout pour sa diffusion. Parmi les rédacteurs assidus, il faut citer André Lafargue, qui signe "Robert Desnieux", Mme Levreux ("Claude Lasnier"), Jean de Rudder ("Verstraete"), Emile Janvier, Mme Renet ("Catherine Villadieu"), Henri Steiner ("Ch. Duval")… Quelques rédacteurs passagers participèrent au journal, parmi lesquels nous pouvons citer Pierre Brossolette (numéro du 3 mars 1943), Gaston Tessier, le substitut Maurice Rolland…. Certains mouvements utilisaient également les colonnes de Résistance pour y exprimer leur point de vue : Les Volontaires de la Liberté, le Mouvement des prisonniers de guerre et déportés, Honneur de la Police… Une revue de presse reproduisait des extraits d'articles d'autres journaux clandestins : La Voix du Nord, Combat, Franc-Tireur, Libération

Les principaux dépôts du journal étaient la pharmacie Canone, boulevard Sébastopol, où travaillait Roger Lardenois ; le magasin Jouan, 4 rue de Rocroi ; la loge de Jeanne Sauthier, concierge au 17 rue Barbet-de-Jouy ; l'atelier du sculpteur Martin, avenue de Châtillon ; la pâtisserie de Mme Scaffa, 40 rue Taine ; le " Triptyque ", magasin d'antiquités de l'avenue Bosquet ; le domicile du Dr Claude Lafargue à Montrouge ; " L'Oisellerie du bon marché ", 127 rue de Sèvres et la maison Steiner, 44 rue d'Amsterdam. Il y eut bien d'autres dépôts dans la capitale et sa banlieue.

De 1942 à la fin 1943, Jean de Rudder imprima le journal sur les presses de son atelier de Montrouge. Les plombs étant le plus souvent réalisés chez Drevet à Corbeil, chez Heinrich (34 rue Dussoubs à Paris) ou chez Heulard, passage de Ménilmontant. Le numéro du 5 novembre 1943 fut tiré chez Beaufils à Connéré (Sarthe). A partir de la fin 1943, Garophalakis ("Jacques"), imprimeur à Alfortville, prend la succession de De Rudder pour l'impression du journal.  Le numéro du 20 juin 1944 fut imprimé par de Schryver dans le XXe arrondissement et les derniers numéros (14 juillet et 7 août 1944) furent réalisés grâce à l'aide de Régnier du groupe de la rue de Lille. Le journal eut 27 numéros d'un tirage moyen de 5.000 exemplaires. Quatre suppléments régionaux furent créés : "Lorraine" fondé à Nancy par Marcel Leroy, "La Flamme" dans l'Orne ; la "Porte Normande" dans l'Eure et le "Sud Ouest républicain".


Jean de Rudder est né le 10 septembre 1902 au Puy. Domicilié à Montrouge, il y exerce la profession d'imprimeur. De 1935 à 1939, il est membre du conseil municipal de cette ville. Brigadier-chef d'artillerie pendant la campagne de 1939-1940, il est démobilisé en juillet 1940. De retour à Montrouge, il commence à titre personnel à imprimer et diffuser des tracts et brochures clandestines. A la fin de l'année 1942, il créé le journal Résistance avec Jacques Destrée (Marcel Renet) et Maurice Lacroix. Il en assure l'impression jusqu'à la fin de l'année 1943. Il y rédige également quelques articles sous le pseudonyme de "Verstraete". Responsable du journal puis chef paramilitaire de février à juin 1944, il constitue des groupes d'action dans le Nord de la France. En 1943, Il fonde le mouvement Honneur de la Police avec Edmond Dubent, puis prend la direction de ce mouvement après l'arrestation de celui-ci. Après l'arrestation de Destrée en 1943, il prend la direction du mouvement Résistance. En 1944, il assure la centralisation générale du service de renseignement de Résistance. Arrêté par la Gestapo sur dénonciation le 21 juin 1944, Jean de Rudder est interné à Fresnes et Compiègne avant d'être déporté à Buchenwald puis Dachau. Il est libéré de ce camp le 30 avril 1945 puis rapatrié le 2 juin. Rentré en France, il se retire près de Loudun (Vienne) et y exerce la profession d'agriculteur. Pour son action en faveur du développement de l'agriculture dans la région, il est décoré de la croix du Mérite agricole. Jean de Rudder est décédé le 22 janvier 1986 à Saumur.


Fabrice Bourrée, "Le journal du mouvement Résistance" et "Jean de Rudder" in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004.

Sources et bibliographie :
Bureau Résistance, dossier individuel de Jean de Rudder et dossier d'homologation du mouvement Résistance.
François Bruneau, Essai d'historique du mouvement né autour du journal clandestin "Résistance", Paris, Sedes, 1952.
Jacques Blanc, Le montrougien De Rudder et maintes montrougiennes aux destins exemplaires, Malakoff, Editions Michel Berthelot, 2002.