Maurice Duclos dit "Saint-Jacques"

Légende :

Maurice Duclos est envoyé par la France libre en métropole pour créer le réseau de renseignement Saint-Jacques.

Genre : Image

Type : Portrait

Source : © Musée de l’Ordre de la Libération Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc

Lieu : France

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Contexte historique

Parmi les grandes figures de ceux qui refusèrent et résistèrent de 1940 jusqu'à 1944, Maurice Duclos occupe assurément une place de choix. Doué d'une force physique exceptionnelle, le "géant" -comme l'appelaient certains de ses camarades en raison de sa grande taille- Maurice Duclos est né en 1906 à Neuilly-sur-Seine. Il a d'abord travaillé avec son père, après des études dans un collège catholique. De 1926 à 1928, il s'engage dans l'armée et il est versé dans l'artillerie coloniale. Il reste à Madagascar pendant ces deux années.
Lorsqu'il est mobilisé en août 1939, Maurice Duclos est lieutenant de réserve. Il rejoint le 10e RAC (Régiment d'artillerie coloniale). Son régiment part en Norvège ; Duclos se bat avec courage à Narvik alors qu'il a été détaché à la 13e Demi-Brigade de Légion étrangère. Il est alors cité à l'ordre de la division. A la mi-juin 1940, il est en Bretagne avec le corps expéditionnaire français et il parvient à éviter à ses hommes l'encerclement par les Allemands.

Le 21 juin, avec plusieurs camarades, il rejoint l'Angleterre grâce à la complicité de marins pêcheurs. Les Forces françaises libres le comptent parmi elles quasiment dès l'origine, puisque le 1er juillet 1940, il travaille déjà au Deuxième Bureau de l'Etat-major personnel du général de Gaulle. Il obéit alors aux ordres du colonel Dewavrin ("Passy"). Il sert au Service de Renseignements, le socle du futur BCRA. C'est à cette époque qu'il devient "Saint-Jacques".
L'historien Henri Noguères a retracé plusieurs actions de Saint-Jacques, dont la première sur la côte normande, à la fin de juillet 1940. Enfin, le Premier ministre Winston Churchill souhaitait savoir quels étaient les mouvements et les préparatifs de la Wehrmacht sur les côtes normandes, à l'heure où l'invasion de l'Angleterre était devenue l'objectif prioritaire de Hitler. Pour ce faire, le colonel Passy monte une opération avec un major anglais, du nom de Cody. Parmi les volontaires en partance pour la Normandie, figurent Maurice Duclos et Beresnikoff, retenus par Passy. Duclos avait une propriété près de Ouistreham. Par conséquent, sa connaissance des côtes normandes est parfaite et constitue un atout très précieux pour Londres.
La mission Saint-Jacques est préparée pendant plusieurs jours. Duclos se hâte de recevoir tous les rudiments du codage et de l'utilisation de l'encre invisible. Avec l'accord de Passy, Maurice Duclos se met en tête de mettre au point l'un des premiers grand réseau de la Résistance en France. Il lui donne le nom de Saint-Jacques qui est aussi son pseudo. On peut aisément comprendre ce choix, puisque de culture chrétienne, il vouait une admiration sans borne à l'apôtre Saint-Jacques.
En France, Saint-Jacques espère bien faire profiter à Passy de ses relations à Paris et dans une partie du nord de la France ; cela lui permet d'élargir le recrutement du réseau encore en projet. Au début d'août 1940, Saint-Jacques est envoyé avec Corvisart en Normandie ; en raison de mauvaises conditions météorologiques et après avoir été repérés par les gardes côtiers, ils font couler leur canot ; les pigeons voyageurs prévus pour envoyer des nouvelles à Londres sont tués.
Duclos poursuit sa mission et se procure de précieuses informations sur les moyens et la logistique des Allemands. A la fin d'août, il a rempli sa mission et il peut structurer fermement les assises de son réseau. A la mi-août 1940, le siège de l'organisation clandestine de Saint-Jacques est située place Vendôme à Paris, au siège de la "société Duclos", une société familiale de courtiers assermentés au tribunal de commerce de la Seine. Son cousin André Visseaux et Lucien Feltesse, des employés de l'entreprise, rentrent dans le tout jeune réseau. Le recrutement d'hommes et de femmes est assez rapide, fondé sur l'amitié et la confiance de familiers ou de très proches. Duclos, dont le subordonné est Charles Deguy, est directement à la tête de trois sous-réseaux : le sien, ceux de Raymond Feltesse et de Jean Vérines.

Pendant l'occupation, parmi toutes les missions confiées par Londres, Duclos fut à plusieurs reprises en difficulté, comme dans la nuit du 14 au 15 février 1941, par exemple. Un bombardier anglais doit en effet le parachuter en Dordogne avec plusieurs camarades pour une mission, dont le but est d'élargir la zone du renseignement au-delà du triangle formé par la région Caen – Paris – Dunkerque. Par ailleurs, il est chargé d'obtenir des renseignements sur les réunions de la commission franco-allemande d'armistice à Wiesbaden. Avec le radio, John Mulleman, Saint-Jacques est alors parachuté blind. Il se blesse aux jambes et ne retrouve pas le radio qui a atterri avant lui. Mulleman parvient à rejoindre la zone occupée. De son côté, récupéré par un agriculteur, Maurice Duclos obtient un non-lieu, après avoir été interrogé à l'hôpital par des hommes des services spéciaux de l'armée d'armistice. Il rejoint ensuite la zone occupée et franchit la ligne de démarcation.
Toutefois, pendant sa convalescence, son radio aurait dénoncé les membres du réseau : en août et en septembre 1941, certains d'entre eux sont arrêtés. Plusieurs membres de sa famille font partie des interpellés. Les hommes sont fusillés au Mont-Valérien et les femmes sont déportées. Le réseau Saint-Jacques est démantelé ainsi que les sous-réseaux, dont celui du colonel de gendarmerie Vérines.
Pendant ces deux mois d'été, recherché par les Allemands, Saint-Jacques est caché dans la région d'Issoudun, puis de Nevers –c'est-à-dire très près de la ligne de démarcation. Il apprend les nouvelles des arrestations ; il est effondré, mais retourne en Angleterre pour poursuivre de nouvelles missions. Le 29 janvier 1942, il arrive en France à bord d'un Lysander, mais la mission est interrompue à cause de mauvaises conditions climatiques. Le 1er mars 1942, Saint-Jacques est revenu à Londres. Ses activités clandestines reprennent de plus bel puisqu'il est en contact avec l'OCM, et il devient le chef de la section "Actions, Etudes et coordination", au sein du BCRA.

Maurice Duclos continue ses missions en France. Pendant des mois, il parcourt la France et tisse des liens précieux, notamment avec le colonel Rémy qu'il aide à créer et à consolider le réseau de la Confrérie Notre-Dame. Il se spécialise dans les opérations de sabotage, notamment sur les barrages de la Saône ; il neutralise les transformateurs électriques qui alimentent le Creusot. Il est également très actif dans la mise en forme des plans pour le jour J, qui doivent, entre autres, freiner l'avance des blindés allemands en cas de débarquement allié en France (le plan Tortue). Il est aussi l'artisan du plan Vert (chemin de fer).
Jusqu'en 1944, il se rend en France et en Afrique du Nord où il prend des risques considérables. En août 1944, il accompagne les Special Forces, commandées par le général Montgomery, qui débarquent à Port-en-Bessin. Il est monté en grade pendant la guerre et c'est comme lieutenant-colonel qu'il pénètre en Allemagne avec les forces alliées. Entre-temps, le général de Gaulle lui a remis la Croix de la Libération, le même jour que Passy, le 27 mai 1943.
Après la guerre, Maurice Duclos s'installa en Argentine pour le compte de sociétés françaises en charge de reconstruire la France. Il mourut à Buenos Aires le 23 février 1981.


Auteur : Eric Alary in DVD-ROM La Résistance en Ile-de-France, AERI, 2004
Sources et bibliographie :
Archives du Musée de l'Ordre de la Libération, dossier individuel de Maurice Duclos.
Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France juin 1940-juin 1941, Paris, Robert Laffont, 1967.
Patrick de Gmeline, Le Lieutenant-colonel Jean Vérines, gendarme, garde républicain, soldat de l'ombre, Paris, Lavauzelle, 1985.
Colonel Rémy, Mémoires d'un agent secret de la France libre, Monte-Carlo, Raoul Solar, 1947.
Guy Vérines, Mes souvenirs du réseau Saint-Jacques, Paris, Lavauzelle, 1990 [aux pages 50-51, un tableau très utile retrace les missions de Saint-Jacques de 1940 à février 1942].
Claude Cazals, La gendarmerie sous l'Occupation, Paris, Éditions La Musse, 1994.
Éric Alary, L'Histoire de la gendarmerie, Paris, Calmann-Lévy, 2000.
Robert Belot (dir.), Eric Alary, Bénédicte Vergez-Chaignon, Les Résistants. L'histoire de ceux qui refusèrent, Paris, Larousse, 2003.