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Instructions du CCMR aux mouvements de résistance sur la préparation de la Libération, 1944

Légende :

Instructions du Comité central des mouvements de Résistance (CCMR) à tous les chefs de Région et chefs de Services des mouvements des zones Nord et Sud concernant l'insurrection générale et la préparation de la Libération, sans date (sans doute début 1944)

 

Genre : Image

Type : Instructions

Source : © Archives municipales de Tours - Fonds Jean Meunier - 5Z5/1N142 et 143 Droits réservés

Détails techniques :

Document de 17 pages (voir recto-verso et album).

Date document : Sans date

Lieu : France - Centre - Val-de-Loire (Centre) - Indre-et-Loire - Tours

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Analyse média

Ce document fait partie des archives de la Résistance détenues par la Sipo-SD et récupérées en août 1944 à Tours par Jean Meunier lors du "cambriolage" de locaux de l'occupant avant la Libération.

Le Comité Central des Mouvements de Résistance est un organisme créé en juillet 1943 par les huit mouvements représentés au Conseil national de la Résistance, à l'origine par méfiance envers l'inclusion des partis politiques dans le CNR et pour garder la direction effective de l'action résistante. L'évolution du CNR fait qu'il se rapproche de lui progressivement. Début 1944, le CCMR cesse de se réunir. C'est de cette dernière période qu'on peut dater ce document, puisqu'il est fait allusion aux FFI, et qu'une mention manuscrite fait allusion au Comité départemental de Libération d'Indre-et-Loire, créé en janvier 1944 ("à  examiner avec les amis du CDL").

Le document commence par rappeler le mot d'ordre, placé en exergue, du général de Gaulle : " La libération nationale est inséparable de l'insurrection nationale".

Il propose ensuite, dans sa première partie, d'élucider les concepts utilisés. Aussi le "Jour J" est-il défini comme une "crise définitive qui doit amener à la libération totale du territoire et au châtiment des hommes de Vichy et de ses acolytes collaborationnistes". Quant à l'insurrection, qui est donc liée à la libération-même, elle est à chercher dans le laps de temps séparant le départ des Allemands et l'arrivée des alliés. Elle repose sur cinq étapes essentielles : la paralysie de l'armée d'occupation et du gouvernement de Vichy ; le remplacement rapide des hauts fonctionnaires, de sorte que les alliés soient assurés de la solidité du nouvel appareil administratif national ; la répression par des moyens légaux ; la mise sur pied du Gouvernement Provisoire sur une assise populaire et démocratique et sa reconnaissance au plan international ; la prise de mesures révolutionnaires immédiates de la part du CFLN et du GPRF, en vue de "redonner la parole au peuple français", conformément à la promesse du général de Gaulle.

La deuxième partie, consacrée à la préparation du Jour J et au commandement de l'insurrection, rappelle les difficultés de liaisons avec Alger de même que le but ultime poursuivi : la consécration officielle de la Résistance. L'action insurrectionnelle comporte un triple volet militaire, technique et politique.
L'action militaire, reposant sur l'Armée Secrète (AS, qui, en zone Sud, est rattachée aux Mouvements Unis de la Résistance, ou MUR) et les FFI, consiste à mener la "bataille des arrières", en accord avec l'état-major interallié, devant permettre la rupture des communications ferroviaires et l'obstruction des communications routières. L'action technique consiste, elle, en la mise en œuvre du noyautage des administrations de sorte que l'appareil de Vichy soit totalement paralysé, les fonctionnaires vichystes révoqués et les CDL et CRR installés à la préfecture. Priorité doit être donnée au noyautage de la SNCF, des PTT et des services d'électricité. Il est rappelé que le travail du NAP doit être mené le plus loin possible, avant l'éventuelle participation de forces extérieures.
L'action politique doit, quant à elle, entraîner massivement la population dans l'insurrection nationale, condition sine qua non de l'indépendance de la France. Ce puissant soulèvement populaire doit s'accompagner de l'intensification de l'Action immédiate (AI) et s'appuyer sur un mouvement de grève générale, procédé utilisé en Italie du Nord et ayant démontré toute son efficacité dans la chute de Mussolini.

Quant à la question des armes, qui font si cruellement défaut à la Résistance, les parachutages alliés massifs doivent en partie y remédier, quelques jours avant le Jour J. Dans l'entre-temps, les résistants sont invités à se procurer des armes par tous les moyens possibles.

La quatrième partie du document est consacrée au plan de l'insurrection générale, définie comme un art ne devant rien à l'improvisation, mais tout à la préparation par les cadres de la Résistance. Le plan combine une action à trois niveaux : région, département et grandes villes. Il s'appuie sur le plan de défense du département, appelé "Plan Maintien de l'ordre" (MO), qui répertorie notamment tous les lieux de dépôt d'armes et de vivres.

D'autres mesures, menées concomitamment à l'insurrection, sont évoquées, telles la libération des prisonniers politiques (qui gonfleront alors les effectifs des combattants), l'occupation des sièges des organisations vichystes et vichyssoises (LVF, milice, PPF...), le coup d'arrêt aux publications de la presse aux ordres, et même, le recours à de faux ordres relayés par radio et affichage. Le texte précise que l'imagination a toute sa place dans les stratégies à employer.

La cinquième partie du document se penche sur le déclenchement de l'insurrection, qui doit tenir compte des mesures de sécurité prises par les Allemands en deux temps : la période de préalerte, interdisant la circulation de ville en ville, et la période d'alerte, interdisant la circulation au sein des villes. Seules certaines professions sont exemptées de ces interdictions de circulation : c'est le cas du personnel médical et paramédical, des policiers, des membres de la Défense Passive et des personnels des services publics. La proposition est alors lancée d'établir de fausses cartes mentionnant une activité professionnelle permettant de circuler malgré le déclenchement des alertes. De même, la désobéissance est-elle prônée.
Il est attendu de chaque CDL qu'il transmette à la BBC de Londres les "phrases conventionnelles" qui sonneront le début de l'insurrection. Par ailleurs est évoquée la question d'un signe de reconnaissance, comme le port d'un brassard blanc avec la croix de Lorraine et l'inscription "Comité de Libération-région X".

La sixième partie, intitulée "Exécutions et jugements sommaires", prône l'intensification des exécutions sommaires. Cependant, est clairement posée la question de savoir si un jugement est indispensable ou non. La mise sur pied de tribunaux de la Libération habilités à agir selon une procédure expéditive est envisagée. Les chefs régionaux de la Résistance sont appelés à se prononcer sur ce sujet, jugé essentiel.

Enfin, la dernière partie du document est consacrée à un long questionnaire sur les dispositions, les moyens, les attentes en matière de préparation de la Libération à l'échelle régionale. Il est conçu comme un appel à la réflexion destiné aux responsables départementaux et régionaux de la Résistance. Il est demandé aux chefs de régions d'envoyer leur synthèse sous un mois.


Paulina Brault