Place Ernest Gailly, à Romans

Légende :

où les Allemands ont opéré la rafle du 20 septembre 1943

Genre : Image

Type : Carte postale

Producteur : Cim

Source : © Collection Robert Serre Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en noir et blanc.

Date document : Vers 1950

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Romans-sur-Isère

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Analyse média

Le 20 septembre 1943, les Allemands, arrivés en camions, cernent cette place où s’étaient massés des Romanais, parfois seulement curieux de savoir ce qu’allait donner l’appel à la grève le jour anniversaire de la victoire symbolique de Valmy. Nombreux et armés, les Allemands saisissent une vingtaine de personnes qu’ils emprisonnent à Valence, puis à Montluc (Lyon). Dix jours après, ils reviendront, mais ne frapperont plus au hasard. 26 Romanais seront déportés.

Témoignage de Pierrette Fave* sur la rafle :
« Filou [son mari] a distribué des tracts toute la nuit. Nous nous rendons dans le haut de la ville, les Allemands ripostent et nous devons reculer et, en courant, nous rentrons dans le couloir du 8 rue Tortorel où j’habite, mais les Allemands ont fait vite et Filou et Maurice seront pris. Je les accompagne jusqu’à la rue Mathieu de la Drôme. Erreur de ma part, je m’oppose aux Allemands qui me renverront dans la vitrine de la pharmacie. Je ne faisais pas partie du voyage. Pourquoi ? J’avais 19 ans. »


(*) Pierrette Fave, née VASSY (« Micheline ») : née en 1924 à Saint-Donat. Agent de liaison, acheminait le courrier à Romans, Valence, Vaison, Lyon, Paris, Saint-Étienne. Arrêtée deux fois en gare à Lyon, relâchée, puis à Paris, relâchée.


Auteurs : Robert Serre et Jean Sauvageon

Contexte historique

Du 17 au 19 septembre 1943, pour protester contre l’occupant, des tracts sont distribués à Romans, à Saint-Vallier, de main à main dans les usines et clandestinement dans les boîtes aux lettres ou jetés sur la chaussée. À Bourg-lès-Valence, des tracts similaires sont trouvés dans les rues de la ville. À Portes-lès-Valence, une grande quantité de tracts, de 5 modèles différents, ont été répandus aux abords du dépôt de la SNCF. Partout, ces textes demandent aux ouvriers, aux cheminots de faire grève et de manifester le 20 septembre 1943, anniversaire de la bataille de Valmy. Les enquêtes lancées aussitôt ne donnent aucun résultat. Malgré le désaccord de quelques responsables locaux de la Résistance qui pensent que cette grève va alerter la Gestapo et l’armée allemande et amener sans doute à Romans une garnison, alors que la région ravitaille les camps du Vercors où la mobilisation clandestine se prépare, la majorité appuie la grève « pour protester contre le gouvernement et contre l’occupant ».

Le 20 septembre, la grève a lieu, c’est un succès. Le préfet signale que 3 000 ouvriers du cuir ont cessé le travail. La grève est en effet presque totale dans les deux villes de Romans et Bourg-de-Péage et, comme cela était à prévoir, il y avait beaucoup de monde dans les rues, pas des manifestants, mais des flâneurs, des curieux. Les Allemands, qui pensaient se trouver en présence d’une manifestation, arrivent en camions. Une dizaine de véhicules débouchent de la côte des Cordeliers et se rangent sur le côté de la place. Les portes des camions s’ouvrent sur l’arrière, des Allemands en sautent, mitraillette au poing, ils courent dans tous les sens en poussant des cris et se saisissent de quelques personnes qu’ils poussent dans les camions. Tout le monde a compris : c’est la fuite et la recherche d’un couloir, d’un refuge, les coups de feu crépitent. Une vingtaine de Romanais sont ainsi raflés et emmenés à Valence. Pierre André, de Romans, raconte son arrestation : « Je suis alors chargé sur un camion avec une vingtaine de manifestants qui avaient été raflés. Nous sommes conduits à la caserne Charreton à Valence. D’autres arriveront ensuite, nous serons en tout 27. Nous pouvons recevoir des visites. Ma mère vient me voir. Bien que je ne sois que très légèrement vêtu, elle ne m’apporte pas de vêtements car tout le monde pense qu’on va nous relâcher, surtout les jeunes et je n’ai que dix-sept ans et demi.
Pierre André avait encore des illusions. Ces hommes sont dirigés sur Lyon, au fort Montluc. Quelques jours après, une grande partie d’entre eux est libérée.

Dix jours après la première rafle, le 30 septembre 1943, les Allemands, accompagnés par des miliciens et des collabos français, ne veulent plus frapper au hasard : ils arrêtent des ouvriers des usines Fénestrier, Mossant, Sirius et les transfèrent à Montluc. Aux usines Fénestrier (Chaussures Unic), 2 officiers SS et des Feldgendarmes procèdent à l’arrestation de 13 ouvriers. Parmi eux se trouvaient les Résistants ayant participé à la distribution des tracts, mais d’autres n’appartenaient même pas à la Résistance. Lucien Champion et plusieurs de ses camarades de travail sont « enfermés dans un bureau gardé par 2 Feldgendarmes, un officier SS va pendant plus d’une heure nous interroger, essayant par les menaces d’obtenir les noms des distributeurs des tracts qu’il traite de terroristes. Nous même sommes taxés d’être de mauvais Français puisque ayant fait grève. Malgré toutes ces menaces aucun de nous ne parlera […]. Ne pouvant rien obtenir de nous, le SS va parlementer avec la direction dans un autre bureau. Au bout d’un certain temps, la direction vint nous dire de ne garder sur nous que nos papiers d’identité. L’argent et le reste étant mis dans des sacs en papier portant notre nom pour être remis à nos familles. Ce sera chose faite.
 Il est quatorze heures et nous n’avons rien mangé lorsque les Allemands nous font monter dans un camion. Devant l’usine, une foule nombreuse et houleuse assiste à notre embarquement, le bruit de notre arrestation s’étant répandu rapidement dans la ville. Les feldgendarmes braquent leurs fusils vers la foule et nous partons. On nous mène à la caserne Charreton à Valence. Après une rapide identification, on nous enferme dans la salle de police. Les camarades des usines Sirius et Mossant nous y rejoindront dans la soirée.
Ce n’est que le lendemain que nous aurons la joie de manger et de voir un des nôtres libéré. Les jours suivants, nos parents sont autorisés à nous rendre visite. Deux autres camarades sont libérés »
.

Des 54 emprisonnés les 20 et 30 septembre, 26 sont transportés à Compiègne. D’abord déportés à Neue Bremm, ils seront rapidement transférés à Oranienburg-Sachsenhausen et Buchenwald. Dix reviendront.  
Les 26 déportés sont : Étienne Allemand, 35 ans, Pierre André, 17 ans, André Archimbaud, 36 ans, Roger Baud, 30 ans, Marius Belle, 46 ans, Auguste Bertrand, 53 ans, Georges Bossanne, 51 ans, René Charlon, 27 ans, Maurice Chastan, 19 ans, Lucien Champion, 27 ans, Marius Chatelan, 52 ans, Henri Dye, 42 ans, Arthur Hapikian, 52 ans, Auguste Jabelin, 43 ans, Marius Jamet, 39 ans, Gaston Lapassat (alias Collinet), 40 ans, Sylvain Léger, 27 ans, Fernand Maneyrol, 29 ou 39 ans, Marcel Mazat, 45 ans, Claudius Marion, 30 ans, Henri Meunier, 43 ans, Martial Perlosson, 19 ans, Louis Revier, 59 ans, Félicien Roville, 51 ans, Henri Sallat, 41 ans, Agop Tatéossian, 41 ans.


Auteurs : Robert Serre
Sources : AN, F/1CIII/1152, rapport préfet du 03/11/1943. SHGN, rapport Cie Drôme R4, n° 73/4 du 24/09/1943, n° 86/4 du 23/10/1943. ADD, 97 J 19, 9 J 9, 9 J 3, 9 J 5. Témoignage écrit de Lucien Champion. Témoignage de Pierre André. Mémoires Vincent-Beaume 1949. UL-CGT Romans, Histoire de la Bourse du travail de Romans par ceux qui l’ont faite, 1982, témoignage de Vial. Gerland, La Résistance en Drôme Centrale. La guerre de 1939-1945 à Romans. Deval Jeanne, Les années noires. Drôme Nord, terre d’asile et de révolte. Martin Patrick, La Résistance dans la Drôme, 1940-1944, thèse op. cit. Charles Spitz, Cellule 114, Le soutien par le livre, 1988. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006. Fondation pour la mémoire de la déportation, le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, éditions Tirésias, 2004. tome I, 1 446 pages, tome II, 1 406 pages, tome III, 1 406 pages, tome IV, 1 282 pages.