Michel Lancesseur

Légende :

Michel Lancesseur, très probablement fusillé à Signes, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © DAVCC Caen Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Michel Fernand Henri Lancesseur naquit le 15 janvier 1920 à Rouen, au sein d’une fratrie de six enfants, dont une fille. Son grand-père paternel Ferdinand Lancesseur était industriel à Rouen, rue-Beauvoisine et son grand-père maternel Jules Leroux, manufacturier à Rouen, rue-du-Renard. En 1914, le père de Michel, André Eugène-Louis Lancesseur, architecte, avait manifesté son patriotisme en s’engageant. Il renouvela son geste, en 1939, alors qu’il était père de famille nombreuse. Dans ce climat familial et le contexte de l’année 1939, il n’est pas étonnant que Michel Lancesseur ait choisi une carrière militaire. Ce fut également le cas de son frère aîné, Jacques, formé à l’École d’aviation de Salon, qui disparut lors d’une mission en août 1944.

Admis à Saint-Cyr, engagé volontaire pour la période de scolarité augmentée de six ans, incorporé à partir du 1er octobre 1939, mais arrivé à l’école le 22 septembre, Michel Lancesseur fit partie de la promotion « amitié franco-britannique » (762 admissibles) qui partit au front après quelques mois d’école. Nommé sous-lieutenant le 20 mars 1940, affecté au 7e Régiment d’infanterie coloniale (RIC), il fut cité en juin 1940 comme « jeune officier plein d’allant et de bravoure [qui] a été blessé en entraînant sa section à l’attaque des positions ennemies » au sud d’Amiens. Hospitalisé pour son bras droit fracturé, il passa, dès que possible, la ligne de démarcation en août 1940 et rejoignit sa famille à Périgueux où il subit diverses opérations chirurgicales. Il fut placé en congé d’armistice le 21 novembre 1940.

Mais il ne désarma pas. Le 24 avril 1941, il fut admis à la deuxième série de cours militaires de l’école de Saint-Cyr, repliée à Aix-en-Provence. Le 16 septembre 1941, il fut affecté au 7e Régiment de tirailleurs sénégalais (RTS) et s’embarqua un mois plus tard pour l’AOF. Affecté au RTS du Niger le 1er février 1942, il administra un vaste territoire près de Zinder, dans le sud du pays. Il fut promu lieutenant le 20 mars de la même année.

Après le débarquement allié, Michel Lancesseur rejoignit l’Afrique du Nord. Il s’entraîna à la base du Club des Pins, à Staouéli (à une vingtaine de kilomètres d’Alger) avec les autres membres de la mission interalliée, qui devait intervenir en France, sous la direction du capitaine Chanay, Michel : Henri Rosencher et le capitaine britannique d’origine écossaise Alastair Hay, Edgar. Parachutés en Provence à la fin mars ou au début avril 1944, Chanay et Lancesseur sillonnèrent la région, avec l’aide du sous-lieutenant Granier, alias Nicole, de l’Organisation de Résistance de l’armée (ORA), détaché auprès de la mission. Michel Lancesseur effectua avec ce dernier une tournée d’instruction de sabotages et maniement d’explosifs en nord-Vaucluse. Au cours de leurs pérégrinations, ils rencontrèrent, avec Henry Chanay, la famille Raybaud à la-Tour-d’Aigues, près de Pertuis, en Vaucluse. En juin, les membres de la mission interalliée échappèrent de justesse à une descente des Allemands au PC qu’ils avaient établi dans une villa isolée de Vinon-sur-Verdon, dans le Var, au sud de Manosque. En juin toujours, Henri Rosencher, le major Alastair Hay et Michel Lancesseur se retrouvèrent à Barcelonnette, passée aux mains de la Résistance. Alastair Hay fut tué dans les combats et ses camarades se replièrent. Henri Rosencher gagna le Vercors et Michel Lancesseur la région de Marseille.

Le SIPO-SD (la Gestapo) de Marseille, bien renseigné par Maurice Seignon de Possel-Deydier, un agent venu d’Alger qui avait décidé de monnayer ses informations et de vendre ses anciens camarades au prix fort auprès de l’occupant, multiplia en juillet 1944 les saisies et arrestations. Michel Lancesseur et Henry Chanay furent pris dans cette toile répressive. Lors des interrogatoires qui, en 1945, précédèrent son procès, Ernst Dunker-Delage, homme-clé de la Gestapo à Marseille, conta par le menu l’arrestation de Michel Lancesseur. Il fut interpellé, avec Henry Chanay, Michel, le 15 juillet 1944, au sommet de la Canebière, près de l’église des Réformés, à proximité du café des Danaïdes. Ils devaient y rencontrer Robert Rossi, Levallois, chef régional des FFI. Dunker et ses hommes, informés du rendez-vous, surveillèrent le café et, en l’absence de Levallois, se rabattirent sur deux individus qui leur semblaient suspects.

Michel Lancesseur apparaît, sous le numéro 16, comme Lesueur, alias Lancesseur, alias Victor, dans le « rapport Antoine », où Ernst Dunker-Delage établit le bilan des arrestations qui conduisirent aux exécutions de Signes. Il y est noté que la mission première de Michel Lancesseur, après son parachutage en France (daté ici du 31 mars), était de « former et diriger un groupe de maquis » avant de devenir « officier de liaison du chef de la mission interalliée ». En dépit des affirmations de Dunker qui affirma connaître son vrai nom de la bouche de Chanay, le registre des saisies du SD de Marseille lui attribuait encore, à la date du 10 août 1944 (page 128 au n° 935), le patronyme de Levasseur (Michel). Il était alors désigné comme Widerstandler (Résistant) et en possession d’une somme de 12 590 francs.  

Mais lui-même n’avoua rien et ne se résigna pas. Il tenta de s’évader de sa cellule de la rue-Paradis en creusant un trou dans le plafond de celle-ci, à l’aide d’une bouteille cassée. L’évasion échoua de justesse, du fait de la dénonciation d’un co-détenu.

Comme pour les résistants dont on sait qu’ils furent fusillés à Signes le 18 juillet, il est mentionné dans le « rapport Antoine » : « Il fut… le 18… ». Pourtant, Michel Lancesseur ne fut pas identifié parmi les dépouilles qui furent transférées le 17 septembre 1944 au cimetière Saint-Pierre. Le bruit courut qu’il avait pu perdre la raison à la suite des tortures subies et qu’il aurait été déporté. Des attestations datées de 1950 estimèrent que son décès était survenu à une date postérieure à août 1940. Beaucoup d’éléments (les rapports « Catilina » et « Antoine », le registre du SD) laisseraient toutefois supposer qu’il a bien fait partie des victimes exécutées à Signes.


Auteur : Robert Mencherini

Sources : acte de naissance et de décès ; DAVCC Caen, 21P 472 281, dossier de mort pour la France, Michel Lancesseur ; DAVCC, Caen, 27 P 45, livre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 ; archives nationales 72 AJ 104, AIII, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, interrogatoire de Dunker, Delage, par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; archives du colonel Jean Pétré ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1 et 42 ; presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Antoine Pelletier, Autrement qu’ainsi, Paris, Éd. Quintette, 1991 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977, 3 volumes, 820 p. ; Henri Rosencher, Le sel, la cendre et la flamme, Paris, Kiron-Éditions du Félin, coll. Résistance-Liberté-Mémoire, 2000, pp. 245, 253 (photographie in cahier photo) ; Sapin (Jacques Lécuyer) et quelques autres, Méfiez-vous du toréador, Toulon, AGPM, 1987, pp. 294 et 336 (témoignages du sous-lieutenant Granier, alias Nicole, et du sous-lieutenant Cheylus) ; Arthur Layton Funk, Les Alliés et la Résistance. Un combat côte à côte pour libérer le Sud-Est de la France, Aix, Édisud, 2001, trad. Christine Alicot (ed. originale, Hidden Ally, Greenwood Press, 1992), p. 24 et sq. ; Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var, essai d’histoire politique, thèse de doctorat d’État, dir. Émile Temime, Université de Provence, Aix-en-Provence, 1989 ; Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-ligne ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014 ; Robert Mencherini, Résistance et Occupation, 1940-1944, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Paris, Syllepse, 2011, pp. 541-543.