Robert Rossi

Légende :

Robert Rossi, Perret, puis Levallois, MUR, chef régional des CFL puis des FFI en R2, sans date

Genre : Image

Type : Photographie

Source : © ANACR de Marseille Droits réservés

Détails techniques :

Photographie analogique en noir et blanc. Voir aussi l'album photo lié.

Date document : Sans date

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Var - Signes

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Contexte historique

Robert Jean Rossi, né le 6 mars 1913, à Ixelles-les-Bruxelles (Belgique), passa ses années d’enfance et d’adolescence à Marseille, où sa famille résidait. Il fit toutes ses études secondaires au lycée Thiers où il entra, en 1924, en classe de 6e. Il réussit, en 1933, le concours d’entrée à l’École polytechnique (X33). Cette année vit l’accession d’Hitler au pouvoir en Allemagne et, à Polytechnique, la déclaration officielle du Centre polytechnicien d’études économiques, dit « groupe X-Crise », dont le nom dit le programme. Les années suivantes furent marquées par l’activisme des Ligues et la montée du Rassemblement populaire. Les étudiants des grandes écoles étaient confrontés, à Paris, à un climat de grande agitation politique. Robert Rossi ne pouvait y échapper. Il choisit de participer, comme d’autres de ses condisciples, à des groupes de réflexion de gauche qui se réclamaient du marxisme. Il fréquenta le socialisant Groupe polytechnicien d’études collectivistes, dissident de « X-Crise », et fut membre de celui, assez informel, des « Ricard », qui se réunissait à l’Université ouvrière et donnait, sous cette signature collective, des articles à la presse communiste. Il y côtoya des élèves de l’École des Ponts et Chaussées, comme Raymond Aubrac ou d’autres polytechniciens comme Max Barel ou Maurice Rousselier, également issus de la promotion X33. Il y noua des amitiés qui se prolongèrent après son départ de Paris.

À sa sortie de l’École polytechnique en 1935, Robert Rossi fit le choix de l’aviation et intégra l’École militaire et d’application de l’armée de l’Air, à Versailles. Breveté pilote en 1936, il devint observateur, puis commandant d'avion. Affecté à la 21e Escadre à Nancy, il fut ensuite directeur des études à l'École de l'Air de Bordeaux, en Gironde, puis à celle de Salon, dans les Bouches-du-Rhône. Il se maria avec Ida Constanza Augusta Assael, dont il eut un enfant, né à Marseille, le 14 juillet 1937. Après la défaite, Robert Rossi fut mis en congé d’armistice en décembre 1940.

Il rejoignit la Résistance dans la région toulousaine (dite « région 4 ou R4 ») où certains de ses amis, comme Maurice Rousselier et Jean-Pierre Vernant, engagés dans le mouvement Libération-Sud, développaient son secteur paramilitaire. Robert Rossi, devenu élève de l’École nationale supérieure d’aéronautique de Toulouse, participa, comme adjoint de Rousselier, à la mise en place de l’Armée secrète et à la constitution de dépôts d’armes. Il portait alors, au sein des Mouvements unis de Résistance (MUR, qui incluaient Libération-Sud), le pseudonyme de Perret.

En octobre 1943, Robert Rossi fut arrêté par la police de Vichy, avec d’autres résistants, dont Victor Leduc, alias Grandgirard, et Jeanne Modigliani. Les hommes furent incarcérés à la prison d’Eysses, à Villeneuve-sur-Lot, dans le Lot-et-Garonne. Ils y furent logés dans un bâtiment à part, comme tous les « internés administratifs » (détenus non condamnés, à la différence des prisonniers). Robert Rossi participa à l’auto-organisation clandestine des internés auxquels il donna des cours et dont il assura la responsabilité militaire. Lorsque les autorités françaises voulurent les transférer en zone Nord, les internés refusèrent et, les 9 et 10 décembre 1943, se barricadèrent dans leur dortoir. Soutenus par l’ensemble des prisonniers, qui, par une mobilisation massive, firent reculer les groupes mobiles de réserve (GMR) appelés pour mater la révolte, ils obtinrent gain de cause. L’administration pénitentiaire décida alors de transférer tous les internés administratifs au camp de Carrère, à proximité d’Eysses, puis à la citadelle de Sisteron, dans les Basses-Alpes. Robert Rossi et ses amis firent partie du convoi qui arriva à Sisteron dans la nuit du 23 au 24 décembre 1943.

Robert Rossi ne demeura que peu de temps prisonnier de la citadelle. L’état-major AS de la région de Toulouse organisa son évasion, ainsi que celles de trois autres détenus, dont Victor Leduc, avec l’aide du réseau de policiers Ajax. Il utilisa pour cela de faux télégrammes officiels ordonnant leur libération. Robert Rossi en fut informé par son épouse lors d’une visite. Les quatre « libérés » quittèrent effectivement la citadelle le 10 janvier 1944. 

Robert Rossi reprit ses activités résistantes dans la région de Marseille (dite « région 2 ou R2 »), sous le pseudonyme de Levallois. Il fut nommé, en avril 1944, chef régional des Corps francs de la Libération (CFL), liés au Mouvement de Libération nationale (MLN, ex-MUR), puis chef régional des Forces françaises de l’intérieur (FFI) qui rassemblaient les diverses formations clandestines armées. Il fut, à ce titre, lors de la mobilisation qui accompagna en Provence le débarquement de Normandie, en désaccord avec le capitaine Lécuyer, Sapin, de l’Organisation de Résistance de l’armée (ORA), chef de l’état-major FFI. Celui-ci entendait, à partir de son PC de Barcelonnette, en dépit de l’échec sanglant d’une partie des maquis de juin 1944 et des contre-ordres, organiser et maintenir des maquis dans les parties montagneuses de la région. Robert Rossi démit Sapin de ses responsabilités et s’affirma favorable à la préparation d’une insurrection appuyée sur la grève générale dans les régions urbaines, stratégie préconisée par le courant communiste. La rupture était donc consommée au niveau de l’état-major régional. L’ORA continua son action, de manière indépendante, dans les Alpes, parfois avec des accords locaux avec les autres organisations. Robert Rossi fut soutenu par le MLN et les FTP. Après la période mouvementée de la montée aux maquis de juin, il eut des contacts étroits avec la mission interalliée dirigée par le commandant Henry Chanay, Michel, Grand Michel, et le délégué militaire régional (DMR) envoyés par Alger.

Robert Rossi fut arrêté le 16 juillet 1944 à Marseille, au domicile de son père, 18 traverse-Sainte-Rose, dans le quartier de La-Blancarde (4e arrondissement) par les hommes du SIPO-SD (la Gestapo) menés par Ernst Dunker-Delage. Selon le témoignage de ce dernier lors de ses interrogatoires à la Libération, il aurait été conduit à cette adresse par le jeune agent de liaison de Robert Rossi, arrêté peu de temps auparavant.

Robert Rossi fut détenu au siège de la Gestapo à Marseille, 425 rue-Paradis. Il figure à deux reprises dans le registre de saisies de la police de sécurité allemande (SD), page 129 sous le numéro 939, et page 133 sous le numéro 971, les deux fois à la date du 10 août 1944, comme Widerstand regional Chef (chef régional de la Résistance). Il était en possession de 540 300 francs et d’une machine à écrire Remington. Il est à noter que les dates mentionnées dans ce registre correspondent rarement à celles des arrestations effectives.

Robert Rossi apparaît sous le numéro 23 dans le « rapport Antoine », dans lequel, le 11 août 1944, Ernst Dunker-Delage établit le bilan des arrestations qui conduisirent aux exécutions de Signes. Il est mentionné, à côté de son nom : « Membre de l’exécutif – chef régional FFI- chef régional CFL. On a trouvé chez Rossi des documents importants sur son activité des derniers mois. En ce qui concerne Rossi, il s’agit d’un résistant particulièrement actif et intelligent, il a dirigé depuis des mois la Résistance armée dans notre secteur ». Sa femme occupe le numéro suivant (24) du même rapport. Arrêtée le même jour, elle fut transmise par Dunker à la section juive le 29 juillet.

Robert Rossi fut fusillé à Signes le 18 juillet et enterré, de manière sommaire, avec 28 autres victimes dans la « première fosse ». Sa dépouille, transportée le 17 septembre à la morgue du cimetière Saint-Pierre à Marseille (cercueil 688), fut parmi les 32 premières identifiées. Le médecin légiste constata des fractions irradiées du crâne, avec enfoncement de la base du crâne et au niveau du front. Ces lésions avaient été provoquées par des coups assénés avec violence avec un instrument contondant.

Après les obsèques nationales célébrées pour l’ensemble des martyrs de Signes au cimetière Saint-Pierre, le 21 septembre 1944, Robert Rossi y fut inhumé.

Robert Rossi a été reconnu interné résistant et Mort pour la France. Nommé colonel à titre posthume en mars 1945, il est Compagnon de la Libération, Chevalier de la Légion d’honneur, titulaire de la Médaille de la Résistance française et de la Croix de guerre 1939-1945. Son nom a été donné au boulevard-Paul, dans le 4e arrondissement de Marseille et à l’aéroclub d’Eyguières. Il fut également attribué à la promotion 1981 de l’École de l’Air de Salon-de-Provence.


Auteur : Robert Mencherini

Sources : Acte de décès ; DAVCC Caen, 21P 532 977, dossier de mort pour la France, Robert Rossi ; DAVCC Caen, 27 P 244,« Bouches-du-Rhône, charnier de Signes, Procès-verbaux d’enquête, exhumations » ; DAVCC Caen, 27 P 45, registre de saisies de la police de sécurité (SD), Marseille, commencé le 14 juin 1943 (avec jour d’inscription : Tag der Eintragung) ; archives nationales 72 AJ 104, AIII, le Kommandeur de la SIPO et du SD de Marseille, « Rapport final sur l’identification d’un groupe de Résistance de Marseille par le Kommandeur de Lyon dans l’affaire “industriel”. L’affaire Antoine », Marseille, 11 août 1944 ; archives départementales des Bouches-du-Rhône, 58 W 20, Interrogatoire de Dunker par le principal chef de la BST, à propos du rapport Antoine, 9 juillet 1945 ; archives de la ville de Marseille, extrait des registres de délibérations du conseil municipal, séance du 19 juillet 1945 (dossier 44U) ; Vérité, organe du mouvement de libération nationale, 1944-1945, en particulier les numéros 1 et 42, presse quotidienne régionale, septembre 1944 ; Victor Leduc, Les Tribulations d’un idéologue, Paris, Éd. Syros, 1986, pp. 66-74 ; Laurent Douzou, La désobéissance. Histoire du mouvement Libération-Sud, Paris, Odile Jacob, 1995, pp. 194, 250, 396 ; Marc-Olivier Baruch, Vincent Guigueno, Le choix des X. L’École polytechnique et les polytechniciens, 1939-1945, Paris, Fayard, 2000 ; Pascal Convert, Raymond Aubrac. Résister, reconstruire, transmettre, Paris, Seuil, 2011, p. 30 et sq. ; Amicale des Anciens d’Eysses, Eysses contre Vichy, 1940 …, Paris, Ed. Tirésias Michel Reynaud, 1992, pp. 39-49 ; Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes-de-Haute-Provence, 17 juin 1940-20 août 1944, Digne, Imprimerie Vial, 1983, réed. 1990, p. 183 et sq., p. 322 et sq. ; Adrien Blès, Dictionnaire historique des rues de Marseille, Marseille, Éd. Jeanne Laffitte, rééd. 2001, p. 299 ; Pierre Échinard, Sylvie Orsoni, Marc Dragoni, Le lycée Thiers. 200 ans d’histoire, La Calade, Édisud, 2004, pp. 126-127 ; Madeleine Baudoin, Témoins de la Résistance en R2, intérêt du témoignage en histoire contemporaine, thèse de doctorat d’État, Université de Provence, 1977 ; Madeleine Baudoin, Histoire des groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, de septembre 1943 à la Libération, Paris, PUF, 1962 ; Simone et Jean-Paul Chiny, La Résistance et l’occupation nazie à Marseille, Marseille, comité de l’ANACR, 2014, p. 308 ; Jean-Marie Guillon, notice in Maitron-en-ligne ; Robert Mencherini, Midi rouge, Ombres et lumières. Histoire politique et sociale de Marseille et des Bouches-du-Rhône, 1930 - 1950, tome 3, Résistance et Occupation, 1940-1944, pp. 538, 592-595, 605, tome 4, La Libération et les années tricolores, Paris, Syllepse, 2014, pp. 44, 52, 56, 59.