Plaque à la mémoire de Jean Robert et Vincent Faïta, Nîmes (Gard)

Légende :

Une plaque de marbre à l'entrée du Palais de justice (ancienne Maison d'arrêt), rappelle la honteuse parodie de justice dont ont été victimes Jean ROBERT et Vincent FAÏTA le 22 avril 1943 "par ordre d'un gouvernement français au service de l'occupant nazi".

Genre : Image

Type : Plaque commémorative

Source : © Mémoire et Résistance dans le Gard Droits réservés

Détails techniques :

Photographie numérique en couleur

Date document : 2016

Lieu : France - Occitanie (Languedoc-Roussillon) - Gard - Nîmes

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Contexte historique

Le 22 avril 1943, Jean Robert, 25 ans, et Vinicio (Vincent) Faïta, 24 ans, condamnés à mort par la section spéciale de la cour d'Appel de Nîmes le 29 mars précédent, sont guillotinés dans la cour de la maison d'arrêt : l'un et l'autre affrontent la mort prononcée par un tribunal "français" dans une prison française avec un courage exemplaire, non sans avoir, avant de monter à l'échafaud chanté La Marseillaise et crié l'un "Vive la France" et l'autre "Vive le parti communiste".

Les motifs retenus par la section spéciale qui va siéger à huis clos, sont les suivants :
pour Jean Robert, attentats terroristes sur les voies ferrées Montpellier-Nîmes et Nîmes-Alès (10 février 1943, 11 février 1943), propagation des mots d'ordre de la IIIe Internationale communiste, transport illégal d'explosifs et armes à feu et ce en vue d'une activité communiste, destruction du pont tournant du dépôt de machines de la gare des Arènes et activité antinationale ;
pour Vincent Faïta, avoir blessé un inspecteur de la sûreté, avoir porté illégalement une arme à feu en vue d'une activité communiste, fait usage d'un sceau de la mairie de Lyon 1er arrondissement, exercé une activité interdite en vue de propager les mots d'ordre de la IIIe Internationale (extrait des minutes du greffe de la cour d'appel de Nîmes 5 avril 1943, folio 12).
La défense est assurée conjointement par un avocat de grand renom du barreau de Nîmes, Maître Charles Bedos assisté d'un jeune avocat stagiaire, Me Maurice Delran. Les deux avocats vont défendre de concert tous les inculpés. Ces deux martyrs de la Résistance gardoise sont inséparables, pas seulement en raison de leur sort commun, mais aussi de leur parcours commun et de leur amitié commune. D'ailleurs la ville de Nîmes leur a rendu hommage en associant leurs deux noms pour la dénomination d'une des grandes artères de la ville.

Jean Robert est né à Marseille le 4 juillet 1917 dans un milieu populaire. Il devient ouvrier bobineur électricien dans la marine. Dès son adolescence, en 1934, il adhère à la Jeunesse communiste, puis il est membre fondateur de la cellule du quartier Saint-Just-Malpassé. C'est là qu'il rencontre Vincent Faïta, né le 6 mai 1918 à la Spezzia, dont le père, d'origine italienne, a dû fuir le régime fasciste de Mussolini ; ouvrier métallurgiste, il est un des premiers militants de la cellule des ADN (Acieries du Nord).
Militants syndicalistes, politiques, ils sont victimes très tôt l'un et l'autre de la répression : ils sont "lockoutés" suite à la grève du 30 novembre 1938 (consécutive à la signature des accords de Munich). Lorsque le PC est interdit, après la signature du pacte germano-soviétique, J.Robert et V.Faïta mettent sur pied l'organisation clandestine du Parti dans leur quartier.

Recherché par la police, Jean Robert, qui s'est marié avec une gardoise, Marguerite Charmasson, décide en février 1940 de partir à Nîmes où le couple se réfugie chez Marie Gerbaud, la soeur de Marguerite. Sous une fausse identité, il travaille d'abord chez un garagiste de la rue Cité-Foulc, puis chez un électricien de la rue Monjardin. S'il mène, le jour, la vie d'un travailleur, le reste du temps il participe aux combats des premiers résistants : il est, avant la lettre, un "FTP légal". Tous ceux qui l'ont approché relatent sa vivacité d'esprit, sa faculté d'enthousiasme, ses convictions affirmées, son esprit méthodique, ses nerfs d'acier.
Maître Delran, son avocat note "C'était un garçon très sincère, un véritable militant, un apôtre de son idéal qui aurait fait n'importe quoi pour que celui-ci triomphe".

Avec le concours entier de sa belle-famille, il noue des liens avec des clandestins communistes, des responsables de l'Organisation spéciale (OS), puis courant 1942 avec des membres du Front national : ainsi, à Uzès, comme on l'a vu, ou surtout à St-Geniès-de-Malgoirès : tous ces petits groupes ont des relations entre eux. Grâce à la ténacité de Paul Courtieu et par l'intermédiaire de Jean Robert. Ils forment la "section H" qui au début de mai 1942 devient le premier groupe Francs-Tireurs et Partisans français (FTPF)  de la zone Sud : J. Robert sert de trait d'union entre les patriotes de St-Géniès et les responsables régionaux des FTPF (Pierre Doize "Lucien", Jean Casazza "Francis", Jean Seine  "Kléber").
Tous les 15 jours en moyenne, malgré le danger d'être reconnu, il se rend à Marseille pour ramener de 20 à 40 kilos d'imprimés. On a vu par ailleurs les différentes activités auxquelles Jean Robert s'est livré, son arrestation à Nîmes le 2 janvier 1942, son évasion, puis la reprise de l'action clandestine. L'énoncé de ses actes au procès n'est évidemment que partiel.

De son côté Vincent Faïta, fils d'émigrés politiques, s'est très tôt converti à l'action politique et syndicale : c'est au Foyer des jeunesses communistes des Aciéries du Nord qu'il rencontre Jean Robert ; comme lui, il participe activement aux grèves de 1936, 1937 et surtout à celle du 30 novembre 1938 qui lui vaut une longue période de chômage.
Il tente en 1939, au moment de la déclaration de guerre, de s'engager dans l'armée mais il est rejeté. Vincent va naturellement prendre place dans l'organisation clandestine du  Parti communiste (PC) et en connaître tous les aléas. Le 27 janvier 1942, le jour même où Jean Robert s'évade du Fort Saint-Nicolas, Vincent est arrêté sur dénonciation, condamné à un an de prison et transféré au camp de Mauzac en Dordogne, d'où il s'évade le 31 janvier 1943. Il rejoint alors J. Robert à Montpellier d'abord mais cette libération est très courte puisque il est arrêté le 6 mars 1943, en même temps que son ami, jugé avec lui et condamné à mort comme lui. 


Claude Emerique in CD-ROM La Résistance dans le Gard, AERI, 2009