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Foch. Bulletin Hebdomadaire du 123e RI

Légende :

Étude du journal d’un régiment des Forces Françaises de l’Ouest : Foch. Bulletin Hebdomadaire du 123e RI.

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Genre : Image

Type : Journal

Source : © Service historique de la Défense Droits réservés

Détails techniques :

Imprimé

Date document : 3 décembre 1944

Lieu : France - Nouvelle-Aquitaine (Poitou-Charentes) - Charente-Maritime

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Contexte historique

Du maquis Foch au 6e RI

Formé par la réunion de plusieurs groupes de Résistance du Nord-Charente nés en octobre 1943 et rattachés à l’Armée Secrète, le maquis Foch prend son nom après le Débarquement. Encadré par des officiers d’active ou de réserve, il a pour mission de retarder la remontée des troupes allemandes sur le front de Normandie. Pour ce faire, il reçoit 5 parachutages entre le 20 juin et le 13 août 1944. Le 22 juin le maquis Foch sabote les voies ferrées au niveau de Roumazières, Confolens et Manot Saint Germain. Du 13 au 17 juillet, les hommes du maquis harcèlent des convois allemands (Alloue, Maisons-Rouges, les Adjots, Verteuil) (1).
Le 27 juillet 1944, le maquis, qui compte alors près de 800 hommes, est attaqué par les Allemands à Ambernac. S’ensuit une longue retraite de quatre jours sur quarante kilomètres, ponctuée de combats faisant 6 morts et une quinzaine de blessés. Reconstitué et reformé, à partir du 15 août le maquis Foch reprend l’offensive en tendant des embuscades journalières sur la RN 17 Bordeaux-Paris.
Le 1er septembre, le maquis participe à la libération de Ruffec puis du 5 ou 10 septembre poursuit son avance sur Sauzé-Vaussais et Chef-Boutonne. Il se rassemble à Aulnay de Saintonge où le maquis se met sous les ordres du colonel Adeline, chef des FFI du Sud-Ouest.
Le 25 septembre 1944, ce maquis aguerri, alors commandé par le lieutenant-colonel FFI Auger, converge vers la poche de la Rochelle. Il devient alors officiellement le « 123e RI » FFI. En fait, il est couramment appelé « bataillon Foch », dénomination plus réaliste compte tenu de ses effectifs assez limités : environ 1 500 hommes en octobre 1944, 900 après décembre. Cela dit, il est une unité majeure du siège de la poche de La Rochelle, résistant efficacement à certaines attaques allemandes, le 15 décembre 1944 à Bouhé et au Gué D’Alleré et surtout le 20 janvier 1945, à Marans.
Le bataillon Foch migre en février vers le front de Royan où il participe aux opérations d’avril 1945. En particulier, les éléments blindés dont il a été doté font partie du premier échelon de l’opération Vénérable, qui aboutit à la reddition de la poche de Royan. Cette unité devient le 1er bataillon du 6e RI régularisé en mars 1945.

La naissance du journal Foch

Le 3 décembre 1944, paraît le premier numéro du journal Foch. Bulletin hebdomadaire du 123e RI (2) qui sera suivi de 22 autres numéros jusqu’au 5 mai 1945 et couvrira ainsi la quasi-totalité de la période durant laquelle le bataillon Foch est engagé devant les poches de la Rochelle puis de Royan. Imprimé localement (3), il est l’un des rares journaux publiés sur le front qui évoque de façon régulière (il parait tous les samedis) la vie d’un régiment FFI engagé sur les poches de l’Atlantique.

Le premier numéro de Foch, qui se présente sous la forme d’un simple recto-verso (4), expose concrètement les raisons de la création du journal. L’article non signé : « Présentation » indique que sa naissance intervient au « tournant véritable de l’histoire du Régiment ». C’est en effet en décembre 1944 que le maquis Foch devient le 123e RI. « L’épopée quasi fabuleuse du maquis du groupe Foch, combattant isolément, par ses propres moyens, avec des liaisons presque inexistantes avec les groupes voisins […] est terminée. […]Le régiment est devenu une unité de l’armée régulière F.F.I., unité endivisionnée, c’est-à-dire encadrée par d’anciens maquis devenus, eux aussi, Régiments F.F.I. et placés dans le cadre de cette division sous le commandement d’un officier supérieur. ». C’est la conséquence de l’application de l’ordonnance du 28 août 1944 par laquelle le GPRF, pour rétablir l’ordre républicain ordonne la dissolution de toutes les unités FFI et offre aux volontaires la possibilité de poursuivre leur engagement dans des unités régulières de la toute nouvelle armée française en contractant des engagements individuels. De nombreux FFI refusèrent cette possibilité craignant de se voir verser dans des unités régulières encadrés par des officiers « planqués » pendant la période des combats clandestins. Ce n’est pas le cas au régiment Foch où de nombreux officiers sont issus de la Résistance.

Deux autres articles de ce numéro inaugural ont pour objectif de signifier ce lien particulier entre résistance et tradition militaire propre au nouveau régiment. Le colonel Auger, commandant du régiment Foch est présenté dans la rubrique « portraits » comme un « résistant de la première heure, un des créateurs du Groupe Foch ». D’autre part, l’article intitulé « Foch » reproduit le discours du général de Gaulle, prononcé à Londres en 1941, où celui-ci s’adressait au général Foch, par-delà la tombe, pour justifier l’action des Français Libres. Il rappelle ainsi le temps de la Résistance où, dans les journaux clandestins comme à la BBC, on détruisait la légende de Pétain « vainqueur de Verdun » en opposant à son défaitisme d’autres figures légendaires, et notamment celle d’une autre gloire militaire de la Grande Guerre : le maréchal Foch. Dès ce premier numéro, on voit donc comment le journal va être un élément essentiel de la diffusion d’une tradition militaire au sein de ce nouveau régiment sur le front de l’Atlantique.

Une autre fonction essentielle de ce type de journal est de maintenir le moral des combattants. Le journal fourmille de « bonnes histoires », d’anecdotes amusantes certaines étant censées s’être déroulées au bataillon Foch. Cependant, malgré cette liberté de ton affiché dans bon nombre d’articles pouvant faire penser par certains côtés aux journaux de tranchée de la Grande Guerre, le Foch est bel et bien contrôlé par la hiérarchie militaire. D’ailleurs, le lieu de rédaction porté sous le titre du journal est le « bureau du Capitaine Tixier », capitaine qui en est le gérant. Malgré les invitations à contribuer au journal passées dans les colonnes du Foch−« le capitaine Tixier recevra avec intérêt et reconnaissance toutes communications, poésies, chansons nouvelles, avis d’état civil, susceptibles d’être insérés dans le bulletin du régiment » −, ce journal reste essentiellement une affaire d’officiers.

L’évocation des combats et la naissance de la tradition d’un régiment sur le front de l’Atlantique 

Une des fonctions essentielles de ce « journal de front » est l’information sur la vie du régiment permettant de mieux le faire connaître aux jeunes recrues − des « Petits Portraits rimés » présentant les officiers du régiment sont régulièrement publiés dans le journal − mais surtout de forger au feu la tradition militaire de cette toute nouvelle unité en rappelant ses faits d’armes et en écrivant « à chaud » son histoire, voire son épopée.
Très clairement l’esprit du régiment nait avec ses premiers combats et avec ses premiers morts. Ainsi, le numéro 4 du 23 décembre 1944 barre toute sa une avec ce titre « Le régiment Foch est en deuil ». Sur la première page sont portés les noms des 14 soldats du régiment morts pendant les combats de Bouhé et du Gué D’Alleré (5), les premières pertes du régiment Foch sur le front de l’Atlantique. Il est fait à cette occasion un bref historique de « La bataille du 15 décembre » et l’oraison funèbre de l’aumônier divisionnaire prononcée à l’occasion de leur cérémonie d’obsèques est reproduite in extenso pour rendre un solennel hommage à leur sacrifice.

Sur le secteur de la Rochelle, la combativité et les actions d’éclat répétés de ce régiment aguerri est reconnue de tous. Par ordre du colonel Chêne, commandant le secteur de La Rochelle, le « 23 janvier à 12 heures précises, tous les canons du sous-secteur de l’Aunis tireront un coup et toutes les armes automatiques de première ligne une rafale en l’honneur du régiment Foch ». C’est une « récompense sans précédent encore dans les annales des Forces Françaises de l’Ouest » (n° 9 du 29 janvier 1945). Après les combats de Marans le 20 janvier 1945, le régiment Foch est salué de concert par le colonel Chêne et par le général de Larminat, commandant des FFO. Ce dernier dans un ordre particulier rappelle que leurs succès sont dus « à la vaillance des combattants […] mais encore plus à la valeur technique et à l’intelligence des cadres et de la troupe, à leur discipline et à leur cohésion. ». Il ajoute : « Si toutes les Unités en ligne font preuve des mêmes qualités, les sorties de l’ennemi lui coûteront cher, affaibliront son moral et hâteront sa chute. » (n°10 du 3 février 1945).

Enfin, le 12 mars 1945 à Saintes sur le front des troupes, le « régiment Foch » (qui constitue, en fait, le 3e bataillon du 6e régiment d’infanterie) est cité à l’ordre de la division (6) et reçoit pour sa tenue au feu la croix de guerre avec étoile d’argent. Le général de Larminat, chef des FFO épingle lui-même cette décoration sur le fanion du régiment Foch. Le numéro 16 du 17 mars 1945 titre alors en grand « Un grand jour pour Foch ». Les hommes de Foch ont de quoi être fiers car par leur conduite, ils ont offert au régiment ses lettres de noblesse. Désormais tous les soldats du régiment Foch devenu 6e RI portent une distinction collective : la fourragère aux couleurs de la croix de guerre 1939-1945. Distinction collective qui sera portée ensuite par tous les hommes qui serviront après eux dans cette unité en souvenir des exploits de leurs aînés. Dans ce même numéro 16 du journal un « concours pour l’établissement d’un insigne du Bataillon Foch » est lancé, signe que l’on veut traduire cette tradition par un signe distinctif sur l’uniforme.

Le 14 avril 1945, l’épopée du régiment Foch se poursuit à la bataille de Royan où avec le régiment Bigorre, tous deux prennent part à l’offensive, soutenus par un « escadron de chars d’assaut de l’armée Leclerc » (cf. n°21 du 21 avril 1945).
Cette tradition nouvelle ne fait pas pour autant oublier la période de la résistance ainsi les trois derniers numéros du journal portent-ils de part et d’autre du titre Foch une croix de Lorraine. Le Chant des partisans français est également reproduit dans le n°22 du 28 avril 1945- mais on notera qu’il figure sous la rubrique « Le Folklore de la Résistance » ! Une page semble alors se tourner !

La précarité de la vie quotidienne au front

Les conditions matérielles du bataillon sont évoquées à la dérobée au hasard d’articles les plus inattendus. Par exemple, à l’occasion de la cérémonie d’obsèques des 14 soldats du régiment Foch tués dans les combats du 15 décembre 1944, l’aumônier divisionnaire prononce une oraison funèbre, reprise dans les colonnes du Foch n°4 du 23 décembre 1944, dans laquelle il déplore le sous équipement des soldats. « Le guerre se prolonge, la guerre épuisante de position, avec ses interminables attentes dans la boue, le froid, mal équipés et mal vêtus.»

Dans sa rubrique « Les conseils du mécano » (7), « le Lieutenant mécano Pillou » souligne le manque de moyen du service de roulage. Les véhicules, récupérés en plus ou moins bon état, sont très sollicités. Ses possibilités de maintenance et de réparation sont très limitées. Il ne dispose que de « peu ou pas de pièces détachées, pas de pneus et point de batteries » (8) N’ayant pas de perspective de renouvellement avant de longs mois, il propose dans ces petits articles des conseils techniques pour faire durer le matériel existant.

La rubrique « Les conseils du Toubib » est elle aussi très éclairante sur les conditions de vie des hommes du bataillon Foch. Ainsi, dans le n°1 du 3 décembre 1944, alors que le régiment s’apprête « à passer une partie de l’hiver dans les marais », le « vieux Toubib », animateur de cette rubrique donne des conseils aux recrues sur les soins à apporter à leurs pieds pour éviter les gelures et autres pathologies et regrette l’absence de chaussures adaptées aux circonstances. Dans les seules rubriques parues par la suite (9), il met en garde les « Foch men » du risque de maladies vénériennes, fléau de toute armée en campagne, et les moyens prophylactiques à même d’éviter toute contamination. D’autres articles nous renseignent sur les mauvaises conditions de vie du soldat comme cet article « Les F.F.O. malades de la Gale » (10) où Jacques Henry de Gers présente de façon humoristique (sous la forme d’une fable de la Fontaine) l’épidémie qui s’abat sur le bataillon en février 1945.

Les articles de politique nationale et internationale

Dans les premiers temps du journal, les informations générales se limitent à des compte-rendu d’opérations militaires sur les différents fronts. La rubrique « les événements militaires de la semaine » se contente de reproduire les communiqués officiels de l’État-major passé au contrôle de la censure. À partir du début janvier 1945, aux côtés de ces informations factuelles apparaissent des articles de réflexions et d’opinion de très bonne tenue qui vont prendre de plus en plus de place. Beaucoup portent sur la politique internationale et plus particulièrement sur le sort de l’Allemagne nazie après-guerre (« Faut-il annexer la rive gauche du Rhin ? » Albert Bayet, n°6 du 6 janvier 1945 ; « Doit-on démembrer le Reich ? » par Yves Helleu, n°7 du 13 janvier 1945 ; « Que deviendra l’Allemagne vaincue ? » n°10 du 3 février 1945 ; « L’Allemagne sera-t-elle communiste ? », n°12 du 17 février 1945). Citons également ceux qui présentent la politique française de sortie de guerre comme cet article intitulé « Pour une France nouvelle » qui reprend les grandes lignes d’un discours prononcé par le général de Gaulle le 2 mars 1945 (n°15 du 10 mars 1945). Mais un autre long article n’hésite pas à évoquer les préoccupations des officiers et des soldats du régiment Foch, en ce qui concerne le futur de l’armée française : « L’armée nouvelle sera une Armée de techniciens » signé « Ceux du Maquis » (n°9 du 29 janvier 1945). Il y est clairement montré combien le rôle de la Résistance dans la refondation de cette nouvelle armée républicaine est essentiel. L’article se conclut par ce chant liant clairement combat résistant et combat militaire : « […] c’est en faisant cette guerre-ci, en la terminant et la gagnant qu’on achèvera de forger ce qui constituera avec l’esprit de la Résistance , la base et le cadre moral de la grande armée future. Les outils se trempent au feu et par le feu. Les hommes aussi, surtout les hommes. Et ce sont les anciens qui transmettent aux nouveaux la flamme éternelle… ». 


Frantz Malassis



(1) Cf. la notice « Maquis Foch ex AS 15 » (pp. 69 à 74) in général de la Barre de Nanteuil, Historique des unités combattantes de la Résistance (1940-1944). Charente, Charente-Maritime, Vincennes, ministère des Armées, 1973. 
(2) Il faut signaler des variations sur son titre. Il s’intitule ainsi successivement Foch. Bulletin hebdomadaire du 123e RI du n°1 (3 décembre 1944) au n°4 (23 décembre 1944), Foch. Bulletin hebdomadaire du régiment Foch du n°5 (30 décembre 1944) au n°6 (6 janvier 1945) puis de nouveau du n°15 (10 mars 1945) au n° 23 (5 mai 1945) et enfin Foch. Bulletin hebdomadaire du 123e RI (Foch) du n°7 (13 janvier 1945) au n°14 (3 mars 1945). Signalons enfin quelques numéros illustrés de photographies (n°3 du 17 décembre 1944 et le n°6 du 6 janvier 1945). Une photocopie des 23 numéros du journal Foch est conservé au Service historique de la Défense sous la cote 13 P77.
(3) Les 3 premiers numéros voient le jour à Niort au sein de l’imprimerie Saint Denis, à partir du numéro 4 (23 décembre 1944) il est imprimé à Saintes chez Delavaud. 
(4) Il passera définitivement à 4 pages à partir du numéro 8 du 20 janvier 1945. 
(5) Cette liste s’allonge avec 7 autres noms de soldats morts des suites de leurs blessures publiés également sous la même forme dans le numéro 5 du 30 décembre 1944. 
(6) Voici la citation : « Constitué dans le Maquis de la Charente par le lieutenant-colonel Bouvron alias Auger, a, sous son commandement, attaqué sans répit l’ennemi en juillet et en août, dans la région de Confolens, Angoulême, Ruffec, lui infligeant de fortes pertes en hommes et en véhicules aux combats la route de Mansle à Ruffec. Le 1er septembre, il chasse définitivement les allemands de cette ville. Poursuivant l’ennemi en retraite sur La Rochelle, a participé à l’investissement de cette place du 8 septembre à la fin décembre. A livré le 15 décembre, à Bouhé et le Gué-Alleré un dur combat défensif contre un ennemi très supérieur en nombre et en moyens, lui disputant le terrain avec acharnement et lui infligeant de fortes pertes, éprouvant lui-même des pertes sensibles. Le 20 janvier, placé en avant-postes dans le secteur de Marans a su manœuvrer avec succès contre une forte attaque ennemie, a réussi à la canaliser et finalement à la contenir sur la ligne de résistance, faisant chèrement payer à l’ennemi sa tentative, sans se laisser entamer » 
(7) Cette rubrique disparait après la parution du n°7. 
(8) n°1 du 3 décembre 1944. 
(9) n° 2 du 10 décembre 1944, n°5 du 30 décembre 1944, n° 6 du 6 janvier 1945. 
(10) n°11 du 10 février 1945.