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Le premier tour des élections municipales (avril-mai 1945)

Légende :

Recto : journal La Marseillaise, édition du 30 avril 1945

Verso : journal Le Soir, édition des 29 et 30 avril 1945

Genre : Image

Type : Article de presse

Source : © Collection Robert Mencherini Droits réservés

Détails techniques :

Documents imprimés sur papier journal (Voir recto et verso).

Date document : 29-30 avril 1945

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Les quotidiens régionaux rendent compte des résultats du premier tour des élections municipales du dimanche 29 avril 1945. C’est le cas du Soir, édition vespérale du Provençal qui leur consacre la moitié de sa une du 29-30 avril 1945, l’autre étant occupée principalement par les événements militaires et la situation en Allemagne et en Italie. Le gros titre du quotidien met en exergue la victoire de la « liste Gaston Defferre », à Marseille et attribue le succès des Partis communiste et socialiste, au niveau national, à la « volonté d’union du peuple français ». Il y voit une prise de position en faveur d’une « République démocratique ».

Une photographie illustre un ensemble d’articles qui présente surtout les résultats électoraux régionaux. De manière significative, elle évoque trois femmes devant une urne, au bureau de vote du Palais de justice à Marseille.
La une de l’édition du lundi 30 avril de La Marseillaise, quotidien du Front national, présente à peu près la même disposition. Les résultats du premier tour traduisent, selon son titre, le souhait d’union du « peuple de France », mais constituent également une prise de position en faveur du programme du CNR.

La victoire à Marseille de la « liste de rassemblement démocratique » (et non de la « liste Gaston Defferre ») est saluée par un article de Georges Petit, président du comité directeur départemental du Front national. Plusieurs photographies encadrent cet article : celle de Georges Petit, en haut de page, suivie de celles de Gaston Defferre, mais aussi de François Billoux et Jean Cristofol. Trois de ces responsables politiques sont communistes.

[Voir recto et verso.]


Robert Mencherini

Contexte historique

Les élections  municipales d’avril-mai 1945 sont, en France, la première consultation électorale de l’après-guerre. Au premier tour, le dimanche 29 avril 1945, on enregistre, partout, une forte poussée des partis de gauche, au détriment des radicaux et des partis dits « républicains », pratiquement écartés. Les listes d’unité ou d’union présentées ou soutenues par le Parti communiste, avec ou sans le PS, obtiennent, en règle générale, un franc succès. C’est le cas à Marseille où la « liste de rassemblement démocratique », à majorité socialiste et qui comprend des représentants du PCF, du FN, du MLN, des Femmes de France et de la CGT, est élue en entier dès le premier tour, bien loin devant celles du MRP (Alexandre Chazeaux et Germaine Poinso-Chapuis), de l’Union républicaine et démocratique et radicale socialiste (Charles Mourre) et de l’amiral Muselier. Gaston Defferre sera élu, à l’unanimité, président de la délégation municipale, et Jean Cristofol, vice-président de celle-ci. Mais les listes d’union n’existent pas partout et, à Marseille, l’unité a nécessité d’âpres négociations entre les diverses organisations politiques et de Résistance, ce qui n’apparaît qu’en filigrane dans les articles reproduits ici. 

Les résultats du second tour confortent ceux du premier. Dans le département, les communistes réalisent une percée spectaculaire. Désormais majoritaires dans vingt-trois communes - contre trois avant-guerre - ils partagent, avec les socialistes, la gestion de vingt-quatre autres et obtiennent de fortes minorités dans huit conseils. Les socialistes sont également en progression. Ils dirigent quarante-trois communes, contre trente-et-une en 1939. En revanche, le nombre de municipalités radicales-socialistes chute de vingt-six à quatre. Le MRP obtient une municipalité importante, celle de Salon, avec à sa tête Raoul Francou.

Ces élections, on le sait, ont vu se pratiquer, enfin, pour la première fois en France, un suffrage véritablement universel, avec le vote des femmes. La plupart des organisations s’en sont préoccupées et ont fait un effort de propagande à leur égard. Pourtant, aucune femme n’est élue maire, et une quinzaine seulement occupent un poste d’adjoint. Ces chiffres relativisent l’idée, communément admise, d’une reconnaissance de la place des femmes à la Libération, acquise par leur action dans la Résistance.

Enfin, autre nouveauté, des syndicalistes de la CGT figurent ès qualités sur des listes politiques, ce qui se comprend dans la continuité des comités locaux de Libération et des premières délégations municipales, mais qui est contraire à toute la tradition du syndicalisme français.


Auteur : Robert Mencherini

Sources :

Archives Départementales des Bouches-du-Rhône - 149 W, rapports des renseignements généraux ; presse régionale ; 

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi rouge, ombres et lumières, tome 4, Paris, Syllepse, 2014.