Rouge-Midi annonce la capitulation de l'Allemagne, 7 mai 1945

Légende :

Une de Rouge-Midi, quotidien régional du Parti communiste français, 7 mai 1945

Genre : Image

Type : Journal

Source : © Archives de la Fédération des B-d-R du PCF Droits réservés

Détails techniques :

Document imprimé sur papier journal.

Date document : 7 mai 1945

Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille

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Analyse média

Le 7 mai 1945, Rouge-Midi, quotidien régional du PCF, publie une édition spéciale consacrée à la capitulation sans conditions de l'Allemagne. Dans le bandeau, deux citations encadrent le nom du journal. L'une est de Staline sur le rôle de l'Armée rouge qui « a toujours respecté les droits et l'indépendance des peuples », l'autre, du président Roosevelt sur l'idéal des nations unies.

La manchette est consacrée à la nouvelle essentielle, la capitulation de l'Allemagne. Un bref article cite le communiqué du comte Schwerin von Krosigk annonçant au peuple allemand la reddition sans conditions des armées allemandes. Aucune autre précision n'est donnée sur les circonstances de la capitulation allemande qui avait eu lieu le matin même à Reims.

Sous le titre « Victoire », l'éditorial développe le sens qu'il faut donner à ce terme. La victoire sur le nazisme ne signifie pas la fin des combats : « Si la bête est écrasée, le venin qu'elle a répandu entretient encore de par le monde des foyers d'infection. » En France, le châtiment sans faiblesse des traîtres - au premier rang desquels le maréchal Pétain, stigmatisé par le surnom Bazaine-Pétain - et l'application du programme du CNR permettront seuls de purifier le pays. Le Parti communiste s'oppose à tout relâchement dans la politique d'épuration : « Il faut mettre un terme à la propagande du pardon, de la réconciliation qui aurait pour but d'amnistier les bourreaux des patriotes. » Dans le monde, la lutte doit également se poursuivre pour libérer les peuples d'Indochine et d'Espagne. Enfin, la politique extérieure de la France doit privilégier l'alliance avec l'URSS, qui est la seule « en harmonie avec l'idéal démocratique du peuple français. »

Le reste de la une est constitué d'une série de photos qui mettent en valeur les dirigeants civils et militaires des nations unies contre les puissances de l'Axe. Le portrait du maréchal Staline occupe la place d'honneur. Les photos des dirigeants anglo-saxons, Churchill, Roosevelt et Truman et, dans une position subordonnée, celle du général de Gaulle, encadrent une photo de prisonniers allemands défilant armés de pelles. Le pied de page est consacré aux portraits des généraux alliés. On peut remarquer que Tito, qui a libéré la Yougoslavie à la tête des partisans, est mis sur le même plan que les militaires de carrière. Il est cité comme chef militaire, et non comme dirigeant politique.


Sylvie Orsoni

Contexte historique

À partir de juillet 1943, l'armée soviétique progresse vers l'Ouest. À l'automne 1944, devant sa progression, la Roumanie et la Bulgarie signent des armistices. De janvier à avril, les troupes soviétiques chassent les Allemands de Pologne, de Hongrie et atteignent les faubourgs de Berlin. La progression des armées occidentales est plus lente. Le Rhin est franchi le 7 mars 1945. La jonction entre les armées occidentales et soviétiques se fait sur l'Elbe le 25 avril 1945. À cette date, Berlin est encerclée par les Soviétiques et écrasée sous les bombes. Hitler se suicide le 1er mai 1945, laissant le pouvoir à l'amiral Dönitz, qui compose un gouvernement dit « de Flensburg », ce qui ouvre la voie aux capitulations qui peuvent être celles de corps d'armée, comme l'armée d'Italie qui capitule le 29 avril, ou les capitulations générales des 7 et 8 mai.

En effet, la capitulation allemande s'effectue en deux temps. La première se déroule à Reims le 7 mai 1945. Le général Jodl, au nom du Haut Commandement des forces armées allemandes et en tant que représentant de l'amiral Dönitz, chef de l'État depuis le suicide de Hitler, signe à 2 heures 41 du matin l'acte de reddition de l'ensemble des armées allemandes. Walter Bedell Smith, chef d'état-major d'Eisenhower au nom des alliés occidentaux, et le général Ivan Souslopanov, commandant de la mission de liaison militaire soviétique, apposent leur paraphe sous l'acte qui est contresigné par le général François Sevez, en tant que témoin. Staline ne se satisfait pas de cet acte qui ne met pas assez en valeur le rôle de l'armée soviétique. Une cérémonie solennelle présidée par le maréchal Joukov a lieu le 8 mai à Berlin. À 23 heures 01, heure de Berlin, 1 heure 01, heure de Moscou, le maréchal Keitel, assisté de l'amiral von Friedeburg pour la Marine et du général Stumpff pour l'armée de l'Air, signe la capitulation sans conditions de l'Allemagne. Les généraux A.W. Tedder pour le commandement en chef de la force expéditionnaire alliée, le général Carl Spaatz, commandant des forces stratégiques aériennes des États-Unis, le général de Lattre de Tassigny, commandant en chef de la Première armée française, assistent le maréchal Joukov.

Rouge-Midi, sans toutefois renoncer à l'iconographie, consacrera dans ses éditions suivantes plus de place aux articles d'information ou d'analyse.

L'éditorial de l'édition du 7 mai porte en filigrane les préoccupations politiques du Parti.

Le Parti communiste défend l'unité de la Résistance autour du programme du CNR. La préparation des élections municipales, dont le premier tour a lieu le 29 avril 1945, renoue avec la tradition démocratique mais aussi avec les luttes qui l'accompagnent. Parti communiste et SFIO ont réalisé à Marseille une liste d'union qui inclut les organisations de résistance. Celle liste obtient la majorité absolue dès le premier tour. La rivalité entre les formations de gauche n'en disparaît pas pour autant.

L'orientation de la politique extérieure de la France est aussi un objet de divergence. L'éditorial rappelle le soutien sans faille à l'URSS, alors que le refroidissement des relations entre les Etats-Unis et l'URSS, qui n'ont plus d'ennemi commun, est envisageable.

L'épuration, qui constitue pour le Parti communiste un aspect essentiel de la reconstruction, déçoit et divise. L'opinion publique se lasse du travail des cours de justice qui ne semblent capables de juger que des « lampistes ». Dès octobre 1944, François Mauriac plaide dans Le Figaro pour une épuration qui soit facteur de réconciliation, puis pour la charité et le pardon. Dans Combat, Albert Camus défend la nécessité d'une épuration rapide et juste qui exclue « la haine et le pardon », avant de se laisser gagner par le doute. Le général de Gaulle se prononçait pour la réconciliation dès le 8 octobre 1944 : « La France a besoin de tous ses enfants et saura pardonner à ceux qui se sont trompés. » Le Parti communiste s'élève contre cette indulgence avec d'autant plus de force que, depuis le printemps 1945, des bateaux chargés de prisonniers de guerre et de déportés arrivent à Marseille. Ils proviennent des camps libérés par l'avancée de l'Armée rouge. Rouge-Midi et La Marseillaise publient les témoignages de rescapés d'Ausswiz [sic.] et de Beekernau [sic.].


Auteur : Sylvie Orsoni

Sources :

Robert Mencherini, La Libération et les années tricolores (1944-1947). Midi Rouge, ombres et lumières, tome 4. Paris, Syllepse, 2014.

Jean-Pierre Rioux, La France de la Quatrième République. I. L'ardeur et la nécessité, 1944-1952, coll. Nouvelle histoire de la France contemporaine, tome 15, Paris, Le Seuil, 1980.