Monument des pionniers du Vercors à Bourg-de-Péage

Légende :

Elle évoque le départ massif de jeunes Péageois et Romanais pour le Vercors, le 9 juin 1944.

Genre : Image

Type : Monument

Producteur : cliché Alain Coustaury

Source : © Archives Alain Coustaury Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique couleur.

Date document : 2006

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Bourg-de-Péage

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Analyse média

Ce monument, érigé en 1957 à l’initiative de la commune de Bourg-de-Péage et de l’association des Pionniers du Vercors, évoque le départ massif, le 9 juin 1944, en ce lieu, de 700 jeunes de l’agglomération de Romans – Bourg-de-Péage, après le débarquement de Normandie. Il est l’œuvre du sculpteur Gaston Dintrat (1889-1964). C'est au centre de la bourgade, place du 8 mai 1945, contre le mur méridional du collège des Maristes qu'a été érigé le monument.

Un bas-relief représente un jeune homme regardant en direction du massif du Vercors. Sa main droite est appuyée sur un rameau d'olivier, sa main gauche sur une tête de lion, couverte en partie par une croix de Lorraine ; la tête de lion se retrouve sur l'insigne des combattants du Vercors. En haut, à gauche, ce sont les armoiries des deux villes, Romans et Bourg-de-Péage. En bas, à droite, une plaque reproduit l’appel du général de Gaulle du 18 juin 1940. Sur la droite, l’association des Pionniers du Vercors a placé son insigne, le Chamois.

On y lit, sous le personnage : « SOUVIENS-TOI PASSANT DE CEUX QUI ONT DÉFENDU TA LIBERTÉ ». En dessous, une plaque traduit la signification du monument : « D’ici, sont partis, le 9 juin 1944, les Romanais et Péageois volontaires pour le maquis du Vercors. 120 ne sont pas revenus ».

Comme Bourg-de-Péage n’a pas de monument aux morts en centre-ville (il est dans le cimetière situé à la périphérie de l’agglomération), cette stèle dédiée à l’origine aux volontaires pour le Vercors s’est transformée en monument rappelant les conflits de la seconde moitié du XXe siècle. À gauche, en haut, on voit un macaron du Souvenir Français, puis une plaque a été apposée par « l’association des anciens du 11e Cuirassiers Vercors Vosges Alsace à ses héros tombés pour la libération de Bourg-de-Péage » ; au-dessous, c’est celle de la FNDIRP avec « Déportés Internés Résistants Patriotes / Ni haine ni oubli » .Sur la droite, se trouvent deux autres plaques. La première émanant de l’association Rhin et Danube est dédiée « à la Première Armée française, à son chef, le maréchal De Lattre de Tassigny, à ses soldats glorieux, à ses 13 874 tués et disparus, à ses 40 556 blessés pour la libération de la patrie et l’écrasement du nazisme » pour « ne pas subir ». La seconde plaque rappelle le nom des huit Péageois morts pour la France dans d'autres conflits, ceux d’Afrique du Nord entre 1952 et 1962.Cette plaque, à l'origine mal située sur un monument consacré à un événement particulier concernant uniquement Romans-sur-Isère et Bourg-de-Péage, trouve désormais sa justification avec la création d'une fresque rappelant tous les conflits du XXe siècle.

En 2010, les murs, de chaque côté du monument ont servi de support à une grande peinture murale. Sur celui de gauche, elle évoque tous les conflits du XXe siècle, sur celui de droite, c’est un appel à la paix.

De gauche à droite on peut observer :
- L'évocation de la guerre 1914-1918, non pas par un symbole classique comme le poilu, la tranchée mais par une lettre de soldat. L'écrit ne traduit pas l'enthousiasme mais la lassitude, sentiment rarement exprimé sur les monuments aux morts traditionnels.
- Plusieurs mots, épisodes essaient de traduire la complexité du second conflit mondial. Une carte de France rappelle la situation issue de l'armistice de juin 1940 : l'occupation. Le mot est « survolé » par un avion. On reconnaît facilement la silhouette d'une forteresse volante B 17. Elle ne bombarde pas mais largue des containers comme en témoigne le train d'atterrissage et la roulette de queue sortis (Il existe une photo représentant cette séquence lors du parachutage du 14 juillet 1944 à Vassieux-en-Vercors). On évoque un des aspects majeurs de ce conflit, la déportation. L'illustration en est les silhouettes de prisonniers poussant un wagonnet lourdement chargé. La Résistance, est évoquée par trois documents. Le premier est l'appel du général de Gaulle. Le second rappelle un épisode de l'histoire tragique du Vercors, c’est le drapeau hissé sur le rebord nord du massif dominant la ville de Grenoble. Il affirmait le rétablissement de la République sur le Vercors. Narguant la garnison allemande de la ville, véritable provocation, le drapeau est tout un symbole de la Résistance dans le Vercors. Le troisième thème est la solidarité, sous-entendue des états démocratiques. L'aide alliée est évoquée par une troupe débarquant, rappelant les débarquements d'Afrique du nord, de Normandie et, plus près de la Drôme, de Provence.

Suit l'évocation de la guerre d'Indochine avec une carte de situation et un médaillon où est représenté un soldat du corps expéditionnaire. Il porte un chapeau de brousse et cache en partie le visage d'un Vietnamien (supplétif français ou soldat du vietminh ?).

Un paysage désertique (le Sahara?), une ville maghrébine évoquent les conflits d'Afrique du nord. Une silhouette floue de soldat borde ces images. L'imprécision du dessin traduit-elle tout le drame des conflits particulièrement de la guerre d'Algérie, quasiment guerre civile ?

La partie droite de la frise est consacrée à la recherche de la paix avec la création des Nations Unies et la construction de l'Europe. Liberté, espoir, paix semblent répondre à liberté, égalité, fraternité. Une colombe, brindille d'olivier dans le bec, s'envole, symbole de paix. Deux enfants, gages de l'avenir admirent la fresque qui se développe dans un bleu, couleur des Nations Unies. Puis débute la rue du Vercors, bordée par un mur en galets, matériau traditionnel de la construction dans la région.

L'œuvre a pour but d'entretenir la mémoire de l'histoire des conflits du XXe dans lesquels la France a été engagée. Elle utilise symboles et images traditionnels mais également des documents pour une autre approche de la guerre, comme cette lettre de soldat. Elle a été réalisée, à la demande de la municipalité après consultation des associations locales d’anciens combattants et Résistants, par l’entreprise « 7e sens » de Lyon.


Auteurs : Jean Sauvageon et Alain Coustaury.

Contexte historique

Dans les années qui ont suivi la Libération, les anciens Résistants ont souhaité entretenir la mémoire des combats auxquels ils ont participé. Plus précisément, à Bourg-de-Péage, à proximité du massif du Vercors, en accord avec la municipalité, ils ont voulu rappeler ce départ massif des jeunes vers le Vercors.

Avant le 6 juin 1944, les maquis du Vercors comptaient environ 400 Résistants. Dans les jours qui suivront, les effectifs sont passés à 4 000 environ dont les 700 jeunes Romanais et Péageois. Les organisations résistantes avaient mis des camions à disposition pour le transport. C’était l’enthousiasme, après l’annonce du débarquement des Alliés en Normandie, et la certitude de la victoire finale. Ce 9 juin 1944, ces jeunes ne pouvaient imaginer que le massif serait pris d’assaut, un peu plus d’un mois après, le 21 juillet 1944, et que nombre d’entre eux périraient lors de ces combats meurtriers.

En ce qui concerne le contexte de la mémoire, l'ajout de la peinture murale est intéressant à préciser.

L'œuvre a été officiellement inaugurée le 17 février 2011 en présence du président du Conseil général de la Drôme, du directeur de l'ONAC, du maire de Bourg-de-Péage, des associations patriotiques, de deux classes des collèges de l'Europe et des Maristes, collèges de Bourg-de-Péage. Après un discours de présentation de la cérémonie, des élèves, placés devant chaque période représentée sur le mur, ont lu un texte définissant celle-ci. Les deux classes ont chanté successivement Le Chant des partisans, La Marseillaise, L'hymne européen. La cérémonie s'est terminée autour d'un verre de l'amitié réunissant les personnalités, des résistants, et les élèves.

Comme souvent l'œuvre réalisée a déclenché discussions et polémiques. Certains ont reproché le fait que la guerre de 1914-1918 soit évoquée par une lettre de soldat et non par une tranchée. L'évocation de la déportation avant celle de l'appel du 18 juin 1940, ainsi que l'absence d'allusion à la guerre de Corée ont été critiquées. Ces griefs sont classiques chaque fois que l'on crée des monuments de mémoire. Ils traduisent souvent plus des rancœurs anciennes que des critiques justifiées.

La création d'un lieu de mémoire sous forme de peinture murale est assez rare. Il semblerait que le cas soit unique dans la Drôme. Si le département comporte des monuments aux morts récemment édifiés (Malataverne, Saint-Barthélémy-de-Vals), l'addition d'une frise à un monument qui fait désormais fonction de monument aux morts ne se retrouve qu'à Bourg-de-Péage. C'est à la suite de longs débats que la municipalité péageoise a décidé de la réalisation d'une peinture riche en informations et en symboles.

La fresque de la place du 8 mai 1945 a supplanté petit à petit, dans son rôle de lieu de mémoire municipal, le monument aux morts élevé après la guerre de 1914-1918. Trop excentré, situé dans le cimetière, il reçoit de moins en moins l'hommage des Péageois. Ainsi un lieu de mémoire qui magnifiait un événement précis, un jour précis, s'est transformé, au fil du temps, en un monument aux morts des deux guerres mondiales, puis des conflits coloniaux postérieurs et finalement en un lieu de réflexion sur l'avenir. Cela en fait toute sa richesse et son intérêt. Il faut espérer que les aléas climatiques ne détérioreront pas trop rapidement la frise et que son entretien sera assuré. Les mêmes difficultés apparaîtront également pour la frise du Jardin Sémaphore de Montélier.


Auteurs : Jean Sauvageon et Alain Coustaury.