Déportations en juin-juillet 1944




  • Pédagogie
  • Chronologie
  • Cartographie
  • Bibliographie
  • Partenaires
  • Crédits
  • Introduction

ESPACE PEDAGOGIQUE

Objectif de cet espace : 
permettre aux enseignants d\'aborder plus aisément, avec leurs élèves, l\'exposition virtuelle sur la Résistance dans la Drôme en accompagnant leurs recherches et en proposant des outils d’analyse et de compréhension des contenus.

L'espace d'exposition s'articule autour d'une arborescence à quatre entrées :
- Zone libre et Occupation,
- Résistance,
- Libération et après-libération,
- Mémoire.

Chaque thème est introduit par un texte contextuel court. A partir de là, des documents de tous types (papier, carte, objet, son, film) sont présentés avec leur notice explicative.

La base média peut être aussi utilisée comme ressource pour les enseignants et leurs élèves dans le cadre de travaux collectifs ou individuels, en classe ou à la maison.

Pour l'exposition sur la Résistance dans la Drôme, sont proposés aux enseignants des parcours pédagogiques (collège et lycée), en lien avec les programmes scolaires, utilisant les ressources de l'exposition :

1/ Collège :

Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Fiche 1 : La France vaincue, occupée et libérée,
     . Fiche 2 : Le gouvernement de Vichy, la Révolution nationale et la Collaboration,
     . Fiche 3 : Vivre en France durant l'Occupation,
     . Fiche 4 : La Résistance.

2/ Lycée :

- Note méthodologique
- Parcours pédagogiques composés de :
     . Dossier 1 : L'Etat français (le régime de Vichy),
     . Dossier 2 : Les Juifs dans la Drôme (antisémitisme, persécution, arrestation, déportation, protection),
     . Dossier 3 : Les résistants,
     . Dossier 4 : La Résistance armée,
     . Dossier 5 : La Résistance non armée,
     . Dossier 6 : La vie quotidienne.

Si vous êtes intéressés par ces dossiers, contactez nous : [email protected]

Réalisation des dossiers pédagogiques : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

1. De la déclaration de guerre à l’Armistice, le 22 juin 1940 : Un mois après le début de leur attaque en mai 1940, les Allemands atteignent le nord de la Drôme. L’Armistice arrête les combats sur la rivière Isère. Le nord du département est occupé par les troupes allemandes.
2. De l’Armistice à l’occupation allemande, le 11 novembre 1942 : La Drôme est située en zone non occupée.
3. Du 11 novembre 1942 au 9 septembre 1943 : La Drôme est placée sous administration et occupation italiennes.
4. Du 9 septembre 1943 au 31 août 1944 : l’armée allemande occupe la Drôme ; c’est la période la plus intense pour la lutte contre l’ennemi et le gouvernement de Vichy.


Il s'agit d'une sélection de cartes nationales et locales sur la Résistance. La plupart de ces cartes ont été réalisées par Christophe Clavel et Alain Coustaury. Il s'agit d'une co-édition AERI-AERD tous (droits réservés)


CARTE INTERACTIVE DROME ET VERCORS DROMOIS ET ISEROIS
(Suivez ce lien pour afficher la carte et sélectionnez les points du paysage souhaités pour afficher les fiches correspondantes)


  France de 1940 à 1944
  Départements français sous l’Occupation
  Régions militaires de la Résistance en 1943
  La Drôme, géographie physique
  Esquisse de découpage régional de la Drôme
  Les communes de la Drôme
  Carte des transports en 1939
  Le confluent de la Drôme et du Rhône
  Densité de la population de la Drôme en 1939
  Densité de la population de la Drôme en 1999
  Evolution de la densité de population de la Drôme entre 1939-1999
  L’aérodrome de Montélimar-Ancône
  Aérodrome de Valence - Chabeuil - La Trésorerie
  Les caches des armes et du matériel militaire
  Les terrains de parachutages dans la Drôme
  Bombardements alliés et allemands dans la Drôme
  Immeubles détruits par les Allemands et la Milice
  Emplacement de camps de maquis de 1943 au 5 juin 1944
  Localisation des groupes francs qui ont effectué des sabotages en 1943
  Implantation et actions de la compagnie Pons
  FFI morts au combat ou fusillés
  Plan-de-Baix, Anse, 16 avril 1944
  Géopolitique de la Résistance drômoise en juin-juillet 1944
  Dispositif des zones Nord, Centre, Sud vers le 10 juin 1944
  Combovin, 22 juin 1944
  Vassieux-en-Vercors 21, 22, 23 juillet 1944
  Combat de Gigors 27 juillet 1944
  Le sabotage du pont de Livron
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 21 au 24 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 25 et 26 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 27 au 29 août 1944
  Carte simplifiée de la bataille de Montélimar du 29 août à 12 heures le 30 août 1944
  Etrangers au département, non juifs, arrêtés dans la Drôme et déportés
  Déportation, arrestations dans la Drôme
  Déportation des Juifs dans la Drôme
  Lieu de naissance de Drômois déportés, arrêtés dans la Drôme et à l’extérieur du département
  Cartes des principaux lieux de mémoire dans la Drôme
  Perceptions de la Résistance drômoise

Publications locales :

Une bibliographie plus détaillée sera accessible dans l’espace « Salle de consultation » du Musée virtuel.

SAUGER Alain, La Drôme, les Drômois et leur département. 1790-1990. La Mirandole. 1995.
GIRAUDIER Vincent, MAURAN Hervé, SAUVAGEON Jean, SERRE Robert, Des Indésirables, les camps d’internement et de travail dans l’Ardèche et la Drôme durant la Seconde Guerre mondiale. Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 1999.
FÉDÉRATION DES UNITÉS COMBATTANTES DE LA RÉSISTANCE ET DES FFI DE LA DRÔME, Pour l’amour de la France. Drôme-Vercors. 1940-1944. Peuple Libre, Valence, 1989.
DE LASSUS SAINT-GENIÈS (général), DE SAINT-PRIX, Combats pour le Vercors et la Liberté. Peuple Libre, Valence, 1982.
LA PICIRELLA Joseph. Témoignages sur le Vercors, 14e édition, Lyon, 1994
LADET René, Ils ont refusé de subir. La Résistance en Drôme. Auto-édition. Portes-lès-Valence, 1987.
DREYFUS Paul, Vercors, citadelle de Liberté, Arthaud, Grenoble, 1969.
MARTIN Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, Paris IV Sorbonne, 2002.
SERRE Robert, De la Drôme aux camps de la mort, Peuple Libre et Notre Temps, Valence, 2006.
SUCHON Sandrine, Résistance et Liberté. Dieulefit 1940-1944. Éditions A Die. 1994.
VERGNON Gilles, Le Vercors, histoire et mémoire d’un maquis, L’Atelier, Paris, 2002.

Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERD-AERI, 2007.

Ce travail n’aurait pu avoir lieu sans l’aide financière du Conseil général de la Drôme, du Conseil régional de Rhône-Alpes, du Groupe de Recherches, d’Études et de Publications sur l’Histoire de la Drôme (GRÉPHiD) et de l'AERD qui y a affecté une partie des recettes de la vente des dvd-roms, La Résistance dans la Drôme et le Vercors.

L’équipe de la Drôme tient à les remercier ainsi que :
- l’Office départemental des anciens combattants (ONAC),
- la Direction départementale de l’équipement de la Drôme (DDE),
- le Centre départemental de documentation pédagogique de la Drôme, (CDDP),
- le personnel et la direction des Archives départementales de la Drôme, de l’Isère, des Archives communales de Allan, de Crest, de Die, de Grâne, de Montélimar, de Romans-sur-Isère, de Triors, de Saint-Donat-sur-l’Herbasse, de Saint-Uze,
- les Archives fédérales allemandes (Bundesarchiv), le National Archives and Records Administration (NARA), The National Archives (les archives nationales britanniques), Yad Vashem,
- le Musée de la Résistance en Drôme et de la Déportation de Romans, le Musée de la Résistance de Vassieux-en-Vercors, le Mémorial de La Chau, le Musée de Die, le Musée Saint-Vallier, la Médiathèque de Montélimar, le Musée de la Résistance et de la Déportation de l’Isère, le Mémorial Shoah, l’Association des Amis du Musée des blindés de Saumur, le Musée de la Division Texas (USA),
- l’Association Études drômoises, l’Association Mémoire d’Allex, l’Association Sauvegarde du Patrimoine romanais-péageois, l’Association Mémoire de la Drôme, l’Association des Amis d’Emmanuel Mounier, l’Association Patrimoine, Mémoire, Histoire du Pays de Dieulefit, l’Amicale maquis Morvan, la Fédération des Unités Combattantes et des FFI de la Drôme, l’Association nationale des Pionniers et Combattants Volontaires du Vercors.

Mais nos remerciements s’adressent surtout à toutes celles et tous ceux, notamment résistantes, résistants et leurs familles, qui ont accepté de livrer leurs témoignages, de nous confier leurs documents et leurs photographies. Ils sont très nombreux et leurs noms figurent dans cette exposition. Ils s’apercevront au fil de la lecture que leur contribution a été essentielle pour l’équipe qui a travaillé à cette réalisation. Grâce à eux, une documentation inédite a pu être exploitée, permettant la mise en valeur de personnes, d’organisations et de faits jusqu’alors méconnus. Grâce à eux nous avons pu avancer dans la connaissance de la Résistance dans la Drôme et plus largement dans celle d’une histoire de la Drôme sous l’Occupation.
L’étude de cette période et des valeurs portées par la Résistance, liberté, solidarité, justice et progrès social…, nous semble plus que jamais d’actualité.

 

CONCEPTION, RÉALISATION

Maîtres d’ouvrage :
Association pour l’Élaboration d’un Cédérom sur la Résistance dans la Drôme (AERD), en lien avec l'Association pour des Études sur la Résistance intérieure (AERI) au niveau national. 

Maîtrise d’ouvrage : Carré multimédia. 

Gestion de projet AERI : Laurence Thibault (directrice) – Laure Bougon (chef de projet) assistée d’Aurélie Pol et de Fabrice Bourrée. 

Groupe de travail : Pierre Balliot, Alain Coustaury, Albert Fié, Jean Sauvageon, Robert Serre, Claude Seyve, Michel Seyve. Patrick Martin et Gilles Vergnon interviennent sur des notices spécifiques. 

Sont associés à ce travail tous ceux qui ont participé à la réalisation du Dvd-rom La Résistance dans la Drôme, et qui par la même, ont contribué à une meilleure connaissance de la Résistance dans le département. 

Groupe pédagogique : Patrick Dorme (CDDP Drôme), Lionel FERRIERE (enseignant Histoire en collège et correspondant du musée de Romans), Michel MAZET (enseignant en lycée et correspondant des archives départementales). 

Cartographie : Christophe Clavel et Alain Coustaury.

Les déportations de politiques et de Juifs s’amplifient en juin-juillet 1944 et se poursuivent malgré la retraite allemande.

Près de 300 personnes nées, résidant ou prises dans la Drôme prennent le train de la déportation après le 6 juin 1944. Mais la plupart avaient été arrêtées bien avant le jour du débarquement. Seuls 69 d’entre elles sont appréhendées après ce 6 juin. Durant cet été 1944 où les combats sont nombreux et où les Allemands assaillent le Vercors, les captures, aussi bien de Juifs que de résistants, se multiplient sur tout le département, particulièrement nombreuses à Montélimar, jusqu’à la libération du territoire drômois le 31 août. Mais d’autres Drômois sont déportés après, soit pris « sur le territoire du IIIe Reich », soit incorporés au STO (Service du travail obligatoire) et accusés de sabotage, comme Maurice Dupuis, Marcel Astic, Francis Casanova ou encore Victor Figuet, évadé de son lieu de travail et qui avait rejoint les « partisans » yougoslaves ou Jean Perriolat, ouvrier dans la chaussure à Romans, chrétien convaincu, qui s’était porté volontaire pour travailler en Allemagne afin d’y poursuivre son combat de chrétien et de syndicaliste au milieu des requis.

Auteur : Robert Serre
Source : Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006.
 

Dernier message de trois déportés



  • Contexte historique
  • Analyse média

Presque tous les déportés drômois de juin, juillet et août 1944 sont pris à Montélimar. La présence de Juifs bien repérés, les jeunes SS en formation dans une ville proche et le zèle du chef de la Kommandantur semblent expliquer cette efficacité.

Le 16 juin, Léon Alezard, un jeune cultivateur de Savasse âgé de 23 ans, pris pour un FFI (Forces françaises de l'intérieur), est arrêté à Montélimar par les Allemands. Déporté le 28 juillet, il mourra pendant le transport. 

Le 26, André Boyé, 18 ans, stagiaire à l’usine à gaz dont son père était le directeur, est arrêté. Il mourra en mai 1945 à Sandbostel alors que ce camp était libéré et qu’il attendait son rapatriement vers la France.
Le 12 juillet, c’est au tour d’Alfred Barre, né à Neuilly-sur-Seine, âgé de 19 ans, fils d’un général alors en Tunisie. Jeanne Bourgogne raconte qu’Alfred Barre « était le fils d’un officier qui avait rejoint l’armée de de Gaulle ; il vivait avec sa mère à Dieulefit. Il s’agissait d’un garçon tout à fait gentil et sans histoire, pas très bon élève… Et un jour il est descendu à Montélimar à bicyclette. Comme il était très fier que son papa soit dans l’armée de de Gaulle, il avait une petite croix de Lorraine qui pendait à son bracelet-montre. Et quand il est remonté, quelqu’un lui a demandé l’heure : je ne sais pas si c’était la Gestapo ou la Milice, toujours est-il qu’il a été arrêté, emmené au fort de Montluc et déporté ; sa malheureuse mère l’a suivi à Lyon, a fait des démarches insensées pour qu’il soit libéré. C’est le seul élève de la Roseraie qui a été déporté. Il avait dix-sept ans ». Il passe à Montluc, cellule 116, d’où il est embarqué le 22 juillet vers Buchenwald. On ne le reverra jamais. Il est mort le 15 mai 1945 alors que la guerre était finie.
Le résistant montilien Charles Marro, 23 ans, originaire de La Seyne, le maçon Albert Fretel, qui avait « formé le projet de supprimer Reichert », et Gabriel Viguier, ancien plâtrier né à Crest et âgé de 50 ans, grand mutilé de la guerre de 14-18 (amputé de la main gauche), pris comme otage, sont arrêtés le 18 juillet à Montélimar. Ils seront libérés le 6 mai 1945 au kommando d’Ebensee. Après son retour, Albert Fretel sera appelé à témoigner : « J’ai été arrêté le 18 juillet 1944 par des soldats allemands alors que je me trouvais au quartier du Bouquet à Montélimar. J’ai été conduit à la feldgendarmerie, à l’hôtel du Parc à Montélimar. Là j’ai été interrogé par Reichert, interprète de la Gestapo. Comme je [ne] voulais pas parler, j’ai été torturé par Reichert et un soldat allemand. Durant sept heures, j’ai été frappé à coups de cravache, coups de pied, de poing sur tout le corps. Puis ils m’ont écrasé les doigts et les pieds et frappé au ventre et aux parties génitales. Ensuite, j’ai été mis en prison pendant 5 jours, sans boisson, ni nourriture ».
Le 20 juillet 1944, Marie-Louise François née Perron, âgée de 42 ans, épouse de François Attilia, et sa fille Secondine, 18 ans, sont prises à leur tour. Nées à Oulx, en Italie, elles se sont réfugiées en France, en Savoie d’abord, elles se sont installées comme fermières au château de Milan à Sauzet. Le fils a été pris pour le STO (Service du travail obligatoire). Avec elles, travaille le domestique Eugène Meyssonnier, âgé de 25 ans. Ces fermières cachaient des maquisards. Le 20 juillet 1944, tous les trois sont arrêtés par les Allemands qui incendient la ferme et pillent tout ce qu’ils peuvent. Madame Juliette Olivéri, fille de M. Zonino, le destinataire de la lettre, qui a vécu cet épisode écrit : « J’avais une vingtaine d’années à l’époque [...]. Mes parents tenaient, à Montélimar, au Boulevard du Fust, le « Bar Parisien » [...]. Mes parents étaient Italiens naturalisés et je suppose que c’est pour cela que nous étions liés d’amitié avec la famille François qui était, elle aussi, d’origine italienne. [...] Cette famille tenait un fermage au château de Milan, vers le quartier de la Chapellerie. Ils élevaient des vaches ; Mme François vendait le lait à la ville avec sa charrette attelée et lorsque l’Italie s’est alliée avec l’Allemagne, des gens toujours bien intentionnés lui ont renversé tous ses bidons de lait. La fille Dine était un peu plus jeune que moi, nous étions amies. [...]. Toute la famille a été arrêtée. Nous les avons vu passer devant chez nous, ainsi que des camions chargés de tout le bétail. Je ne peux vous exprimer toute notre détresse en voyant cela. Nous avons préparé une valise, du linge, quelques provisions. Nous avons pu savoir le moment du départ de la Kommandantur. Je les ai attendus à la sortie et, là, je me suis glissée dans le convoi pour leur donner la valise malgré un soldat qui me repoussait avec son fusil et me disait « Raoust », mais je lui fis signe que c’était pour manger ».
Et la liste des personnes appréhendées à Montélimar enfle encore : le 21 juillet et dans les jours suivants, cinq radio-télégraphistes de la station météo d’Ancône sont appréhendés : Raoul Bonneau, 37 ans, Vendéen, le chef de centre, Paul Bonnier, 40 ans, du Pas-de-Calais, Robert Fouillet, 34 ans, Louis Delpech, Gardois de 44 ans, et Paul Henri Saumard, 46 ans, de Haute-Vienne. Ils sont accusés d’émettre clandestinement pour la Résistance. Tous sont morts durant l’hiver 1945 à Dachau ou ses kommandos de Melk et Ebensee, sauf Bonneau, libéré de neuf mois de souffrances à Dachau, qui mourra à l’hôpital Bichat à Paris lors de son retour.
Le Vosgien André Magnier, 54 ans, professeur de l’École d’Épinal repliée à Montélimar, est arrêté le 22 juillet comme l’avait été le 28 juin son collègue Serge Foder, professeur-adjoint de cette école. Tous ces gens, les deux femmes François et Eugène, les cinq radiotélégraphistes et Fretel, mais aussi André Baudard, le proviseur du lycée Émile Loubet de Valence, Germaine Lieutaud, originaire de Menglon, prise à Grenoble, et les infirmières de la Luire, sont d’abord emprisonnés à Montluc, puis partent vers la déportation le 11 août de la gare de Lyon-Perrache. Le train évite Paris cerné par les armées alliées et passe, non sans mal, par Macon, Chalon-sur-Saône, Vittel, Épinal, Belfort. Le matin du 16 août, le train vient de stationner la nuit en gare de Vittel. La présidente locale de la Croix-Rouge, prévenue par le chef de gare, découvre les déportés, hommes, femmes, enfants, dans un dénuement extrême, affamés, couverts de vermine, elle obtient du lieutenant de la Gestapo la permission de leur donner une soupe chaude et du pain, auxquels s’ajoutent des aliments et des médicaments apportés par la population de la ville prévenue. C’est peut-être à cette occasion que madame François, sa fille et Eugène Meyssonnier peuvent confier leur petit billet. À moins qu’elles l’aient jeté du train sur la voie. De nombreux messages sont lâchés des wagons, aux bons soins des cheminots qui les trouveront. Lucienne Gilles a jeté un de ces messages et celui-ci est arrivé à destination, à Montségur-sur-Lauzon : le procès-verbal dressé par les gendarmes le 12 décembre 1944 relate que madame Gilles « a fait passer des nouvelles le 11 août 1944 alors qu’elle se trouvait à Épinal ».

Le 18 août, les hommes descendent près de Natzweiler (camp du Struthof), les femmes continuent, en passant par Berlin, jusqu’à Ravensbrück où elles sont déchargées le 22 août. Madame François, qui a un gros anthrax à la jambe, a dû terriblement souffrir durant ce voyage interminable. Le domestique Meyssonnier, transféré au début septembre de Natzweiler-Struthof à Dachau, mourra dans un de ses kommandos, Dautmergen, le 29 novembre 1944. Les deux femmes mourront à Ravensbrück en 1945, Secondine le 1er février, sa mère le 1er mai.

Le nombre d’arrestations à Montélimar est impressionnant. Faut-il rapprocher cette constatation du rapport sur les garnisons allemandes qui indique que, dans cette ville « la base allemande est constituée de 250 jeunes destinés aux unités SS. Cette troupe très dynamique participe parfois à des opérations contre le maquis. Il y a aussi une feldgendarmerie très active qui agit souvent contre le maquis et se montre impitoyable ». Le zèle et le « talent » du chef et interprète Reichert, que tous les déportés mentionnent, paraît aussi avoir permis cette redoutable efficacité.
De plus, de nombreux étrangers, Juifs notamment, avaient été internés au camp de Montélimar, puis assignés à résidence dans la commune. Ils étaient donc facilement repérables.


Auteurs : Robert Serre
Sources : SHGN, rapports R4 Cie Drôme. AD Rhône, 3808 W 313. ADD 255 W 89, 268 W 1, 132 J 32. Jean Sauvageon, « Le dernier billet », Études Drômoises n° 1 de 1999 (articles d’Yvonne Thomas et Max Ahrend), n° 16 de déc. 2003. Béatrix de Toulouse-Lautrec, J’ai eu vingt ans à Ravensbrück, Librairie académique Perrin, 1991. Henri Amouroux, Joies et douleurs du peuple libéré, tome 8 de La grande histoire des Français sous l’occupation, R. Laffont, 1988. La Picirella, Témoignages sur le Vercors. Champion Albert, Montluc vu du réfectoire, souvenirs personnels, Lyon 1945. Permezel, Montluc antichambre de la déportation. Pierre Nord, Mes camarades sont morts, Fayard, 1947, tome 2. Dossier Liard, prêté par C. et M. Seyve. Docteur Jeune : deux poèmes de son père Désiré Jeune, écrits à Montélimar en juillet 1945, Aux déportés martyrs, à mon cher fils. Sandrine Suchon, Résistance et Liberté, Dieulefit. Martin Patrick, La Résistance dans le département de la Drôme, thèse. Ladet, Ils ont refusé de subir. Pons, De la Résistance à la Libération. Pour l’amour de la France. Robert Serre, De la Drôme aux camps de la mort, les déportés politiques, résistants, otages, nés, résidant ou arrêtés dans la Drôme, éd. Peuple Libre / Notre Temps, avril 2006. Fondation pour la mémoire de la déportation, le Livre-Mémorial des déportés de France arrêtés par mesure de répression et dans certains cas par mesure de persécution 1940-1945, Paris, éditions Tirésias, 2004. tome I, 1 446 pages, tome II, 1 406 pages, tome III, 1 406 pages, tome IV, 1 282 pages. Mémorial de Dachau.

Cette lettre, jetée d’un wagon de déportation ou confiée à une personne courageuse en août 1944 (la présidente de la Croix-Rouge de Vittel, semble-t-il), a été expédiée à destination.

Le timbre, à l’effigie du Maréchal, a été oblitéré à Épinal (Vosges) le 18 août 1944. Par prudence (ce geste valait la peine de mort), l’adresse (avec une erreur due à un mot mal écrit dans le billet : Fust et non Frust) est tapée à la machine. Répondant à notre appel à documents par voie de presse et de radio, madame Juliette Olivéri, d’Avignon, fille de M. et madame Zunino destinataires du billet, nous a envoyé ce billet et son enveloppe accompagnés d’une lettre explicative. L’ensemble a depuis été déposé aux Archives départementales et des copies au Musée de la Résistance en Drôme et de la Déportation à Romans et aux Archives communales de Montélimar et de Romans.
Ce petit billet contient, en peu de mots, la certitude que le terme du voyage est l’Allemagne ("proximité de la frontière"), de la séparation prochaine du trio ("ensemble pour le moment") et de la mince probabilité d’échapper à la mort ("si Dieu veut"). C’est aussi la recommandation aux amis Zanino de ne pas abandonner l’oncle et la tante qui sont restés au pays, sans soutien peut-être.

Transcription du texte du billet (ponctuation rétablie) :
Bien chères amies. Sommes de passage à Épinal. Sous peu nous aurons traverser la frontière. Sommes ensemble pour le moment, en bonne santé. Espérons de tout cœur que ce petit billet vous parvienne car de longtemps vous n’aurait de nos nouvelles. Donnez nouvelles et faites courage. Oncle et tante vous suplions ne les abandonnes pas. Espérons vous revoir si Dieu veut. Bons baisers. Dine, Louise, Eugène. Adressez M. Zunino, Bar Parisien, boulevard du Fust Montélimar Drome.


Auteur : Robert Serre

Titre : Dernier message de trois déportés

Légende :

Dernier message de trois déportés de Montélimar pendant leur transport vers les camps.

Genre : Image     Type : Lettre

Source : © AD Drôme, en cours de classement - Droits réservés

Détails techniques :

Petit billet de 110 x 105 mm rédigé sur un feuillet de papier hygiénique de couleur bistre, écrit au crayon, recto-verso, avec son enveloppe d’expédition.&a


Date document : 11-18 août 1944

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme - Valence-sur-Rhône