Nécessité de l'unification de la Résistance

Au départ, la Résistance est diverse et morcelée. En juin 1940, le général de Gaulle n’est entouré, à Londres, que par une poignée d’hommes. En France, les premiers petits groupes apparaissent avec la création de réseaux d’évasion, de renseignement, les premiers tracts et journaux clandestins… Mais, si les organisations de Résistance se consolident dès 1941, les résistants doivent agir clandestinement face à la répression des Allemands et du gouvernement de Vichy. En outre, la France est découpée en différentes zones (occupée, non-occupée, interdite, annexée). En zone Nord, les Allemands réagissent vigoureusement pour éviter toute résistance. En zone Sud, il est difficile de recruter face à la forte popularité du Maréchal Pétain.
En France occupée comme dans la France libre (en juillet 1942, la rencontre des deux Résistances intérieure et extérieure a été officialisée par le changement de dénomination de la France Libre qui devient France Combattante), la nécessité d'unifier la Résistance est perçue dès 1941. Mais le projet précis de "Conseil de la Résistance" ne s'affirme qu'à la fin de 1942, en réaction, en Afrique du Nord, au transfert du pouvoir à l'Amiral Darlan, puis au général Giraud, sous l'autorité du commandement américain (lors du débarquement allié en novembre 1942, l’amiral Darlan chef du gouvernement de Vichy de février 1941 à avril 1942, obtient l’autorité sur l’Afrique du Nord des Américains. Assassiné en décembre, son successeur désigné est le général Giraud). Le général de Gaulle est alors censé s’entendre avec le général Giraud, promu commandant en chef civil et militaire en Afrique du Nord. Selon Laurent Douzou, « La Résistance extérieure a désormais officiellement deux têtes. » En conséquence, l’unification d’une Résistance intérieure qui reconnaîtrait De Gaulle comme chef devient une question essentielle.

Cela oblige la Résistance à faire la preuve indiscutable de son unité et de sa légitimité démocratique. Il est alors décidé à Londres, que le Conseil de la Résistance – qui se donnera le qualificatif de "national" à l'automne 1943 - inclura non seulement les mouvements de Résistance mais aussi les partis politiques, afin d'imposer auprès des Alliés, et particulièrement des Américains, l'idée que la Résistance et son expression extérieure, le Comité national français, sont dûment représentatifs de la volonté du peuple.

 

The Necessity for the Unification of the Resistance
Prior to unification, the Resistance in France was diverse and fragmented. In June 1940, De Gaulle was only surrounded by a few men important to the cause, outside of France in London. At the same time in France, the first small resistance groups began to arise with the creation networks of evasion, espionage, and of underground journals and pamphlets. However as soon as these organizations came into being, they needed to act clandestinely in face of German and Vichy repression. Elsewhere, France was cut into different zones (occupied, non-occupied, forbidden, and annexed). In the northern zone, the Germans reacted viciously to avoid any resistance. In the southern zone, resistance movements had a difficult time recruiting people because of the immense popularity of Philippe Petain. In both occupied France and Free France (in July of 1942, the meeting of both the interior and exterior Resistance movements were made official by the change in denomination of France Libre (Free France) into France Combattante (Fighting France), the necessity of unifying the Resistance had become clear. However the project of the “Council of the Resistance” was not affirmed until the end of 1942, in reaction to the transfer in power in North Africa to Admiral Darlan, and then to General Giraud, under American commanding authority (at the moment of the Allied landing in November of 1942, Admiral Darlan, the Vichy head of government from February 1941 to April 1942, obtained authority in French North Africa from the Americans. Assassinated in December of that year, his designated successor was General Giraud). After this, De Gaulle and Giraud commanded civil and military forces in North Africa. According to historian Laurent Douzou, “The exterior Resistance, from this point forward, had two heads.” Consequently, the unification of one interior resistance which recognized De Gaulle as head became an essential question. These events obliged the Resistance to establish proof of its unity and its democratic legitimacy. It was then agreed upon at London, that the Council of the Resistance—which granted itself the distinction of “national” in autumn in 1943—included not only itself but political parties, which required the Allies, and particularly the Americans, to view the Resistance, and its exterior expression the French National Committee, as true representatives of the people’s will in France.

Auteur(s): Equipe Département AERI
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Traduction : John Vanderkloot

Plan de l'expo

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Bibliographie

Les Mouvements Unis de Résistance (MUR) haut ▲

Fin janvier 1943, les trois grands mouvements de zone Sud – Combat, Libération et Franc-Tireur – décident de fusionner dans les Mouvements Unis de Résistance (MUR). La presse clandestine de chaque mouvement garde son indépendance. Tous les autres services doivent se fondre dans une organisation unique. L’organisation des MUR est en partie calquée sur celle de Combat, mouvement le plus important et le mieux organisé de zone Sud. Le Noyautage des Administrations publiques (NAP), l’Armée secrète et le service social, issus des trois mouvements, sont mis en commun. Les trois fondateurs ont créé leur mouvement dans le courant de 1941 : Henri Frenay pour Combat, Emmanuel d’Astier de la Vigerie pour Libération et Jean-Pierre Lévy pour Franc-Tireur. Quelques mois après la création des MUR, ils partent pour Londres ou Alger, ou bien, sont arrêtés (Jean-Pierre Lévy). Ils sont remplacés par Claude Bourdet, Pascal Copeau et Marcel Degliame-Fouché.

Les MUR sont dirigés par un Comité directeur qui pilote les services et les structures régionales (6 régions) et départementales de zone Sud. A chacun de ces niveaux est mis en place un Directoire composé d’un chef unique, assisté d’un représentant des deux autres mouvements.

En décembre 1943, les MUR se transforment en Mouvement de libération nationale (MLN), en fusionnant avec trois mouvements de zone Nord (Défense de la France, Résistance et Lorraine), les autres mouvements de zone Nord ayant refusé la fusion.

Jean Moulin séjourne à Londres du 14 février au 1er mars 1943. Il en revient président du Comité directeur des MUR, délégué en France du général de Gaulle. « Son autorité s’étend désormais sur toute la France et il a pour mission de créer un Conseil de la Résistance unissant les différentes composantes de la lutte clandestine. Ce cumul des titres et des responsabilités lui donne, dans le jeu des rapports de force clandestins, une suprématie qui irrite des chefs de mouvement : ils ont l’impression que, par Moulin interposé, le général de Gaulle, chef de la France combattante, prend tous pouvoirs sur la Résistance intérieure », alors qu’elle s’est « développée pendant dix-huit mois indépendamment de Londres ».

  

The United Movements of the Resistance (MUR)
At the end of January, 1943, the three large movements from the south —Combat, Libération, and Franc-Tireur — decided to combine into the United Movements of the Resistance (MUR). The clandestine press of each Resistance movement kept their independence, but all other services merged together to form the singular organization. MUR was modeled by and after Combat, the most important and best organized of the southern zone. The Infiltration of Public Administrations (NAP), the clandestine army and social service, descending from the three movements, was then established. The three founders had created their movements during the current of 1941: Henri Frenay for Combat, Emmanuel d’Astier de la Vigerie for Libération, and Jean-Pierre Lévy for Franc-Tireur. A few months after the creation of MUR, they left for London, or Algiers, or even were arrested (Jean-Pierre Lévy). After their departures, the three were replaced by Claude Bourdet, Pascal Copeau, and Marcel Degliame-Fouché respectively. The MUR was directed by a committee director who piloted the regional services and the structures (6 regions) and departments of the south. At each level was put in place a directory composed of a chief officer and aided by a representative of the two other movements. In December of 1943, the MUR transformed themselves into the National Liberation Movement (MLN) and fused with three movements from the northern zone (Défense de la France, Résistance, and Lorraine), while the other movements from the north refused. Jean Moulin travelled to London from February 14 to March 1, 1943. There he became president of the committee and director of the MUR, delegated in France by General de Gaulle. “His authority will direct all of France and it has the mission of creating a Council of the Resistance joining the different compositions of the clandestine fight. This plurality of titles and responsibilities gives him, in order to combine the clandestine forces, a supremacy which irritates the heads of each movement: they have the impression that, with Moulin interposing, General de Gaulle, head of French combatants, is taking all of the power from the interior Resistance”, which had “developed eighteen months independently from London.”

Auteur(s) : Equipe Département AERI
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Traduction : John Vanderkloot

La mission "Arquebuse-Brumaire" haut ▲

Début 1943, aucune liaison organique n’existe entre les mouvements de zone Nord, ni entre les mouvements et Londres.

Adjoint du colonel Passy, à la tête du Bureau central de renseignement et d'action (BCRA) depuis le 1er octobre 1942, Pierre Brossolette, après avoir été durant l'automne 1942, de Londres, l'un des alliés de Jean Moulin alors en mission en zone libre, repart pour la France le 27 janvier 1943. Il arrive à Paris dans la nuit du 26 au 27 janvier 1943, sous le pseudonyme de "Brumaire". Il est rejoint par le colonel Passy, sous le nom d’"Arquebuse". En deux mois et demi, avec le colonel Passy et l'agent anglais du Special Operations Executive (SOE) Forest Yeo-Thomas, Pierre Brossolette coordonne l'action civile et militaire des cinq plus importants mouvements de Résistance de la zone Nord (Ceux de la Libération, Ceux de la Résistance, Front national, Libération-Nord et OCM). Le 26 mars, Brossolette et Passy réunissent les chefs de ces mouvements en un Comité de coordination de zone Nord (CCZN) : les représentants des mouvements admettent le principe d’une institution représentative de la Résistance souhaitée par la France Libre. En revanche, ils souhaitent qu’elle soit limitée aux organisations de Résistance et se montrent hostiles à la présence des partis politiques. Pierre Brossolette souhaite tenir compte de l’avis des chefs de mouvements, estimant qu’ils représentent les forces vives du pays, alors que les partis politiques représentent un retour au passé.

Jean Moulin, au contraire, souhaitait un large soutien du chef de la France Libre par les mouvements et les partis et une réunification des deux zones. Quant au Général de Gaulle, probablement proche de Pierre Brossolette dans l’hostilité à la prise en compte des partis politiques dans une instance représentative de la Résistance, il a besoin face aux Anglais et aux Américains d’un soutien qui ne se limite pas aux organisations résistantes et qui soit élargi aux personnalités politiques connues à l’étranger et donc aux partis.

Ensuite, Passy et Brossolette réunissent les responsables paramilitaires des mêmes mouvements en un Comité de coordination militaire. Après avoir présenté le CCZN à Jean Moulin le 3 avril, puis le Comité militaire à Moulin et  le 12 avril, ils repartent pour l'Angleterre dans la nuit du 15 au 16 avril.

Même si en s’en tenant à son ordre de mission initial concernant la seule zone Nord, et en soutenant l'hostilité des organisations résistantes à la prise en compte de partis politiques dans les instances dirigeantes de la Résistance française, Pierre Brossolette passe outre les "Nouvelles Instructions" du 21 février que le colonel Passy lui a apportées en le rejoignant en France, la mission "Arquebuse-Brumaire" est un succès, et contribue à la formation, en mai 1943, du CNR et de l'état-major de l'Armée secrète (AS).

 

At the beginning of 1943, no organic link existed between the movements of the North, nor between the Resistance movements and London.

With Colonel Passy, the head of the Office of Central Intelligence and Action (BCRA) since October 1, 1942, Pierre Brossolette, after having been, during the autumn of 1942, one of Jean Moulin’s allies in London on mission for the southern zone, he left for France January 27, 1943. He arrived in Paris during the night of January 26-27, under the pseudonym de “Brumaire”. He was rejoined by Colonel Passy, who was traveling under the name “d’Arquebuse”. In two and a half months with Passy and a British agent of the Special Operations Executive (SOE) Forest Yeo-Thomas, Pierre Borssolette coordinated civil and military action of the five most important movements of the Resistance in the northern zone (Ceux de la Libération, Ceux de la Résistance, Front-National, and OCM). On March 26, Brossolette and Passy united the heads of the movements in the Committee of Coordination in the Northern Zone (CCZN): the representatives admitted to the principles of the institution representative of the Resistance wished for by France Libre (Free France). On the other hand, they hoped the organization would be comprised solely of resistance group and mounted hostilities towards the presence of political parties. Pierre Brossolette wished to have a count of the opinions of the resistance heads, estimating that they represented the forces alive across the country, whereas these political parties represented a return to the past.

Jean Moulin, on the contrary, wished for a large undertaking of all the movements and political parties by France Libre for the reunification of the two zones. As for General de Gaulle, probably closer to Brossolette with the hostility towards taking a count of the political parties at a time representative of the Resistance, he had to face the British and the Americans undertaking, without limiting the resistance organizations, the enlarged political personalities known to foreign countries.

Later, Passy and Brossolette united the parliamentary responsibilities of all the movements in a committee of military coordination. After having presented the CCZN to Jean Moulin April 3, then the military committee to Moulin April 12, they returned to England on the night of April 15-16.

Because of the orders of the initial mission concerning the aloofness of the northern zone, and the sustained hostility from resistant organizations towards political parties in instances directing the French Resistance, Pierre Brossolette handed out the “New Instructions” February 21 which Colonel Passy brought to him for reuniting France; the mission “Arquebuse-Brumaire” went on to be success and contributed to the formation, in May 1943, to the CNR and the major state of the Armée Secrète (AS).

Auteur(s) : Equipe Département AERI
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Traduction : John Vanderkloot

Unification de la Résistance haut ▲

A son retour en France en mars 1943, Jean Moulin travaille à réunir les différentes composantes de la Résistance intérieure en créant le Conseil de la Résistance. Le principal obstacle qu’il rencontre est l’action de Pierre Brossolette en zone Nord qui a ignoré les instructions reçues de Londres en février et créé un Comité de coordination des mouvements de zone Nord. La condition posée par Jean Moulin pour intégrer le Conseil de la Résistance était l’acceptation de l’autorité du gouvernement provisoire du Général de Gaulle.

Jean Moulin parvient à réunir le Conseil de la Résistance le 27 mai 1943 à Paris. Cette unification fut difficile : les mouvements réprouvent la participation au CNR des partis qui avaient selon eux démérité. Mais les partis politiques sont l’expression de l’opinion publique et comme l’affirme Léon Blum, « Pas de démocratie sans partis ». Quant aux partis, ils réfutent l’idée que des mouvements créés dans la clandestinité puissent être utiles après la Libération. Les chefs des mouvements n’étaient ni connus des militants, ni connus par eux. Pour les partis, les mouvements étaient un amalgame hétérogène, regroupant des hommes et des femmes qui, la guerre terminée, n’auraient rien d’autre en commun que leurs souvenirs. L’influence des mouvements ne s’étendait qu’à la faveur du soutien financier accordé par Londres, qui leur permettait d’avoir des cadres permanents. Quand ce soutien disparaîtra, les mouvements seront réduits à peu de chose, n’ayant pas d’autre représentativité que celle acquise dans la défense du pays. En outre, certains, soutiennent le général de Gaulle sans enthousiasme. Enfin, au sein de la Résistance intérieure, les partisans de l’action immédiate se sont opposés jusqu’à la Libération aux attentistes qui redoutent les réactions allemandes et les rafles d’otages.

 

Unification of the Resistance

At his return to France in March 1943, Jean Moulin worked to reunite the different elements of the interior Resistance to create the National Council of the Resistance. The principal obstacles that he encountered were the actions of Pierre Brossolette in the northern zone who ignored the instructions received from London in February and created a Committee for the Coordination of Movements in the Northern Zone. The conditions posed by Jean Moulin for integrating the CNR had been accepted by the authority of the provisional government of Charles de Gaulle.

Jean Moulin would establish unification of the CNR May 27, 1943. That unification proved difficult: the movements reproached participation in the CNR as unworthy according to them. However, the political parties were the expression of the public opinion and, as correctly stated by Léon Blum, “There is no democracy without the parties.” The parties did not believe that these movements created clandestinely could be useful after the Liberation. Both the movement heads and the militants were unfamiliar with each other. For the parties, the movements were a heterogeneous amalgam, grouped together by men and women who, when the war came to an end, would forget they ever had anything in common. The influence of the movements only spread the favor to maintain financial accord with London, who they permitted to have the permanent framework. When this support disappeared, the movements would reduce a few things, not having other representation that they could acquire for the defense of the country. Others supported General de Gaulle without enthusiasm. In the end, within the interior Resistance, the partisans of immediate action opposed those who preferred to wait for Liberation for fear of German reprisal.

 

Traduction : John Vanderkloot

Auteur(s) : Equipe Département AERI