Légende :
Extrait du registre d'écrou de la prison Saint-Pierre de Marseille sur lequel figure l'incarcération de Jean Chauvet.
Pour en faciliter la lecture, nous avons divisé ce document en deux parties (recto-verso).
Genre : Image
Type : Registre d'écrou
Source : © Archives départementales des Bouches-du-Rhône Droits réservés
Date document : 7 octobre1941
Lieu : France - Provence-Alpes-Côte-d'Azur - Bouches-du-Rhône - Marseille
L'écrou est le procès-verbal consigné sur registre constatant qu'un individu a été placé en détention dans un établissement pénitentiaire. Ces registres sont riches d'informations sur le profil et sur le parcours des détenus. Les registres se présentent de façon chronologique, dans l’ordre des mises sous écrou.
L'extrait présenté ici concerne l'incarcération de Jean Chauvet à la prison Saint-Pierre de Marseille, de son arrivée dans cet établissement pénitentiaire à son transfert à la maison centrale de Nîmes. Les renseignements portés sur ce registre concernent :
- Ecrou : 1619
- son état-civil : Chauvet Jean-Louis, fils de Albert Louis et de Rivarel Virginie Louise. Âge : 20 ans.
Date de naissance : 11 septembre 1921 à Nîmes (Gard)
- sa profession : Employé à la SNCF
- Des renseignements anthropométriques, parfois extrêmement détaillés : taille (1m71), couleur des yeux, couleur des cheveux, forme de la bouche, du nez, etc.
- le motif de sa détention : activités communistes.
- la catégorie à laquelle appartient le détenu : Passager.
- Son dernier lieu d'incarcération : prison militaire (de Marseille)
Dans cette catégorie des renseignements spéciaux figurent également les éléments suivants :
Condamné par le Tribunal militaire de la 15e division militaire (section spéciale) le 4 octobre 1941 à 5 ans de prison, 500 francs d'amende et 5 ans d'interdiction de ses droits civiques, civils et de famille. Ecroué le 16 juillet 1941.
- Nature de l'incarcération : passager (ce qui signifie qu'il est en attente de transfert).
- Date d'entrée : 7 octobre 1941
- Date de sortie : 23 décembre 1941
- Signatures des chefs d'escorte
- Observations : Transféré à Aix pour Nîmes Centrale.
Fabrice Bourrée
Né à Nîmes le 11 septembre 1921, Jean Chauvet est ouvrier-ajusteur au dépôt des machines à vapeur de Nîmes. Il participe, dès l'adolescence, aux activités militantes de son père, qui vend le journal communiste Le Cri du Gard, cache des Républicains espagnols, et participe au fonctionnement de différentes associations liées au Parti communiste français (PCF). En 1939, Jean Chauvet est fiancé à Eliette Rigon, ouvrière en confection et militante des Jeunesses communistes. Son père, cheminot affecté aux ateliers du PLM (Paris-Lyon-Méditerranée), est arrêté le 5 décembre 1940 et interné administrativement successivement à Eysses, Carrères puis Sisteron d’où il s’échappe le 8 juin 1944 pour rejoindre les rangs de la Résistance. Jean ne supporte pas de voir son père, ancien combattant de la Grande Guerre, jugé « indésirable » par l’Etat français.
Eliette Rigon, la fiancée de Jean, participe à l'activité clandestine du PCF après sa dissolution et l'arrestation de ses principaux responsables gardois fin 1940. Avec son frère Franck, lui aussi membre des Jeunesses communistes clandestines, elle distribue tracts et journaux pour dénoncer le régime de Vichy. En 1941, elle est chargée, par le Front national de lutte pour la liberté et l'indépendance de la France, de diffuser la presse clandestine sur la région nîmoise et d'aider les militants pourchassés par le régime. Son groupe comprend notamment Jean Chauvet, Henri et Andrée Julien, Odette Gonzalès (arrêtée en avril 1942, Eliette sera condamnée à huit ans de travaux forcés par le tribunal militaire de Marseille, incarcérée aux Baumettes à Marseille, puis à la Centrale de Rennes, d’où elle sera déportée le 6 juin 1944 à Ravensbrück, via le fort de Romainville. Elle sera rapatriée en France en mai 1945).
Le 10 mars 1941, Jean Chauvet est surpris la nuit par des gardiens de la paix alors qu’il circule sur son vélo sans éclairage et porte une musette remplie de tracts. Il parvient à leur échapper. Mais son adresse est identifiée grâce à la plaque d’identité de la bicyclette. Des perquisitions effectuées à son domicile amènent la découverte de nombreux tracts et journaux. La mère de Jean est alors arrêtée. Jean Chauvet quitte alors Nîmes pour se réfugier en Lozère chez des paysans qu’il connaît pour y avoir passé des vacances. Ces derniers le dénoncent à la police. Il est arrêté le 16 juillet 1941 et conduit à la prison de Pont-de-Montvert.
Dirigé ensuite sur celle de Mende puis au fort Saint-Nicolas à Marseille, il est jugé par le tribunal militaire spécial de la 15e région, le 4 octobre 1941, et condamné à cinq ans de prison. Conduit à la prison Saint-Pierre de Marseille, il est transféré le 24 décembre 1941 à celle de Nîmes, où il devient, avec Jean Coin, Henri Auzias, Pierre Doize, un des dirigeants de l'organisation clandestine des détenus. Le 16 octobre 1943, il est transféré avec la quasi-totalité des détenus politiques de la zone Sud à la Centrale d’Eysses où il aura des responsabilités au sein des Jeunesses communistes. Au cours de l’insurrection du 19 février 1944, il est en première ligne mais sa mitraillette s’enraie. Reconnu comme ayant pris part activement aux combats, Chauvet est jugé par une cour martiale réunie à Eysses, condamné à mort et fusillé le 23 février 1944.