La ferme de La Fournache (Rochebrune)

Légende :

La Fournache, en ruines, photographiée à un moment d’abandon, probablement entre 1939 et 1945.

Genre : Image

Type : Photo

Producteur : cliché Karel Sauerbier

Source : © Collection Karel Sauerbier Droits réservés

Détails techniques :

Photographie argentique en couleur.

Date document : 1939-1945

Lieu : France - Auvergne-Rhône-Alpes (Rhône-Alpes) - Drôme

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Analyse média

La ferme de la Fournache (ancien habitat et alentours immédiats) est sise au sud de la commune de Rochebrune. Elle a été photographiée en ruines, probablement au début des années 1940.

Selon le témoignage de M. Pierre Étienne – actuel maire de Beauvoisin, commune voisine de Rochebrune –, elle était habitée peu avant la Seconde Guerre mondiale par la famille Brunet. Celle-ci était locataire de la famille Faraud qui habitait Beauvoisin. La vie, aux marges de ces communes de montagne, est très imbriquée – les limites administratives prenant une valeur relative – ; quelques détours sont ainsi nécessaires pour comprendre.

Étienne Faraud, à sa mort en 1929, a légué ses propriétés à ses deux enfants, Louis Camille et Marie Madeleine, qui possédaient ainsi la ferme pendant la guerre. En 1963, la famille Faraud a vendu ses domaines à Karel Hendrik Sauerbier, né à Rotterdam en 1907 et mort à Buis-les-Baronnies en 1990.

Son fils en a hérité à ce moment-là ; il en est le seul propriétaire et habite un peu plus bas, aux Brunots – sa résidence secondaire –, possédant des terres sur les trois communes de Beauvoisin, Rochebrune et Propiac. La ferme observée elle-même, rappelons-le, est sur la commune de Rochebrune. 

Située sur la montagne de la Fournache (d’où son nom), elle est à 945 m d’altitude. Elle est au pied de la montagne toute proche du Linceuil (1192 m). Elle possède un puits (ou une source), à proximité.

Lorsque les Italiens investirent le camp FTP qui y était installé, en 1943, c’était une vieille bâtisse que les maquisards venaient de retaper ; les attaquants étrangers la détruisirent en partie. « Il y a quelques années, déclare Karel Sauerbier l’actuel propriétaire, j’avais trouvé beaucoup de morceaux de tuiles de toiture. Ils étaient à bonne distance de la ferme de la Fournache. Et il y a des grandes fentes de haut en bas dans la façade sud. Sous les voûtes, dans le flanc de la ferme, les bergers mettaient les brebis en passage. La ferme de la Fournache, poursuit M. Sauberbier, n’était pas réparée après la guerre et monsieur Faraud avait reçu une indemnisation pour la destruction de la ferme… »
Quelques ruines subsistent encore, que la famille a photographiées.


Auteurs : Claude Seyve, Michel Seyve

Contexte historique

Le 27 mars 1943, Gaby Reynier, M. Marin – des résistants sédentaires des Baronnies – et trois jeunes réfractaires atteignent la ferme de La Fournache, sur la montagne du Linceuil. Ils y fondent un camp (qui occupe les lieux jusqu’au 9 août 1943). Le site est à nouveau utilisé, plus tard, l'espace de quatre mois et demi, par le maquis.

Marcel Faraud, de Beauvoisin, réfractaire au STO, se souvient de cette nuit du 26 avril 1943 où il fut conduit à la ferme Charasse, à Bénivay, ferme inhabitée, pour être ensuite dirigé sur la ferme de la Fournache. Il raconte en tant qu’homme du pays et jeune clandestin entrant au maquis :
« Le camp de la Fournache a été organisé par Louis Borel, Gaby Reynier, aidés par Léon Desplan. Nous avons grimpé les durs sentiers de montagne avec quelques bagages. Après quelques heures de marche, c'est l'arrivée à la Fournache. C'était une vieille ferme abandonnée, perdue dans la montagne de Linceuil. Elle est située sur la crête. À ses pieds, en contre-bas, coule une belle source. On découvre Beauvoisin et ses environs. »

Le lieu avait besoin d'aménagements, indispensables à une vie de groupe : « Nous avons rapporté sur nos épaules des tuiles et des planches, empruntées à une vieille bergerie située près du col de Milmandre. C'était assez loin et nous trouvions notre matériel bien lourd. Nous avons réparé la toiture, fait des tables avec des planches, puis installé nos couchettes avec des branches de buis et de l'herbe ». Et il ajoute : « Nous allions chercher l'eau à la source. N'oublions pas notre cuisinier : il nous cuisait notre soupe d'épeautre ou de blé, parfois de pommes de terre, dans une immense marmite installée sur de gros cailloux. De temps à autre, la viande était à notre menu et, au petit déjeuner, nous avions le lait de notre chèvre. Notre ravitaillement était assuré grâce au dévouement de quelques camarades ; Gaby Reynier et sa femme Yvonne nous aidaient beaucoup. Son courage a été admirable ». Denis Arlaud, un ancien du maquis, commente : « À la Fournache, nous étions une vingtaine de jeunes, tous dans le même cas [réfractaires], venus d'horizons divers. Comme paysan, j'allais dans les fermes ; j'y travaillais et ramenais le ravitaillement que nous procurait aussi le réseau de la Résistance de Buis-les-Baronnies. J'accomplissais les trajets à pieds à travers la montagne et toujours de nuit, pour éviter les mauvaises rencontres ». Marcel Faraud, à propos de l'effectif, précise que, «presque chaque jour, des nouveaux arrivaient de la région », et que le nombre « oscillait entre 25 et 50 ».
Le 9 août 1943, jour de la Saint-Laurent et fête patronale au Buis, les Italiens attaquent le camp. Un jeune était venu se planquer pendant huit jours. Il avança un prétexte, « prétendant qu'il languissait de sa famille » ; il est reparti et a dénoncé les maquisards. C'était un espion au service de la Milice.
Marcel Faraud décrit l'attaque elle-même : « Vers trois heures du matin, Louis Borel monte par le raccourci de la Pousterle et prévient le camp de l'arrivée de l'ennemi. Nous avons tout juste le temps de nous disperser dans les bois. Nous avons gagné les montagnes de Montaulieu, puis d'Autuche, en nous cachant sous les arbres. Deux avions survolaient les bois. Pendant ce temps, la troupe pillait et incendiait le camp. » Denis Arlaud donne quelques précisions supplémentaires ; les Italiens « sont montés avec trois colonnes » ; environ 1 000 hommes (selon lui) participaient à l'opération : « une, venait de Beauvoisin, la seconde était partie du Col d'Ey, et la dernière arrivait par Rochebrune. Louis Borel arriva bien avant eux au camp ».
Il poursuit son récit très émouvant : « Après l'incendie de la Fournache par les Italiens, les jeunes du camp se regroupèrent plus haut dans la Drôme ; ils participèrent, après le Débarquement [le débarquement du 15 août 1944 en Méditerranée], aux durs combats de Montélimar ; et, à la fin des hostilités, on ne comptait plus que trois survivants du camp de la Fournache. »

Quant au lieu même, en résumé, après avoir été un habitat conséquent aux pierres de calcaire blanc, il est devenu une ruine abandonnée avant 1943, puis a repris du service l'espace de quatre mois et demi de maquis. Lors de l’assaut contre les Résistants, la bâtisse a été en grande partie détruite, puis occupée à nouveau quelque temps par un camp, pour finalement s'éteindre une fois encore, la dernière peut-on penser. Demeure, signe de mémoire et de vie, une plaque apposée au col de Linceuil voisin, rappelant les luttes de la Résistance dans ces montagnes.


Auteurs : Seyve Claude, Seyve Michel
Sources : Dvd-rom La Résistance dans la Drôme et le Vercors, éditions AERI-AERD, 2007. Entretiens avec M. K.H. Sauerbier ainsi qu’avec M. Pierre Étienne, maire de Beauvoisin. Les Maquis des Baronnies, collectif du Cinquantenaire des Maquis de la Région des Baronnies 1944-1994, Imp. Bel Valence, juillet 1994, 33 p. numérotées.