Renseignements communiqués par Saint-Jacques [décembre 1940]

Type : Rapport

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Détails techniques :

Document de 8 pages dactylographiées

Date document : sans date [décembre 1940]

Lieu : France

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Analyse média

Ce document de 8 pages est constitué d'une série de rensegnements communiqués à Londres, accompagnés de cartes et plans.

Il renseigne les services de Londres sur divers objectifs essentiels : 
- pistes d'envols et aérodromes
- emplacement de batteries de DCA ou FLAK (notamment avec un plan du quartier du Sénat daté du 12 décembre 1940)
- dépôts de munitions ou torpilles
- camps d'aviation du Croutoy (près de Soissons) et de Romilly
- Dépôts d'essence et raffinerie de pétrole
- Usines Renault


Fabrice Bourrée

Contexte historique

Le 3 août 1940, le capitaine Duclos, alias Saint-Jacques, et le capitaine Corvisart s'embarquent à Portsmouth sur une vedette rapide de la Royal Navy. À 4 heures du matin, le 4 août, arrivés à 3 kilomètres de la rive, ils quittent la vedette et montent dans un canot qu'ils poussent jusqu'à la côte. À 5 h 30, par marée basse, ils débarquent au pied de la falaise de Saint-Aubin près de Langrune au nord-est de Bayeux. Par malheur, la vedette, sitôt fait son demi-tour, a remis plein gaz pour s'éloigner de la côte, et ce vacarme a donné l'éveil aux postes d'écoute et d'observation de la côte. L'alerte a été donnée. Ils entendent de la plage les clairons allemands et les coups de sifflet. Ils réussissent pourtant à éviter les patrouilles et les factionnaires, bientôt égrenés le long de la côte tous les cinquante mètres, et à gagner une maison connue. Entre-temps, ils ont coulé leur canot et, pour éviter les soupçons, caché les pigeons voyageurs qu'ils avaient apportés dans un creux de la falaise au-dessous d'un poste de vigie allemande. Mais les Allemands ont pu retrouver le canot, venu s'échouer sur la côte. Ils ont découvert les pigeons et lorsque Saint-Jacques essaie de les récupérer, il observe qu'une souricière y est installée. Durant 8 jours, les Allemands multiplient les patrouilles dans le pays, mais Saint-Jacques, qui en connaît tous les coins, réussit à les éviter et commence dès lors à établir le relevé des forces d'occupation dans la région. Cependant, le capitaine Corvisart devait repartir le 8 août. Déjà, en effet, l'on avait fixé à ces missions des objectifs précis. Il ne suffisait pas d'envoyer à l'aventure quelques audacieux. Tandis que Saint-Jacques devait s'installer en Normandie, pour, de là, établir un réseau destiné à couvrir des zones importantes, Corvisart devait ramener les premières informations recueillies sur le dispositif ennemi. De plus il devait rendre compte des circonstances et des difficultés du débarquement, de façon à faire profiter les opérations postérieures de ses premières expériences. Malgré les mesures de surveillance déclenchées par leur arrivée, dans la nuit du 7 août à 1 heure, les deux officiers se rendent à la côte. De 1 h 30 à 5 heures, ils répètent les signaux convenus. En mer, brume légère. Vers 4 heures du matin, ils entendent la vedette repartir. Les nuits suivantes, aux mêmes heures, ils recommencent leurs signaux sans plus de résultats. Ainsi se heurtait-on dès ces premières tentatives à l'obstacle qui allait, durant toute 1'Occupation, rester l'obstacle majeur : le problème des liaisons. Du personnel, on n'en manquera jamais, les renseignements affluent toujours. Mais la grosse difficulté sera de les transmettre rapidement. Il faudra des mois d'efforts et d'échecs avant que puissent fonctionner des liaisons régulières. Ne pouvant rembarquer par le moyen prévu, le capitaine Corvisart finira par passer en Espagne, puis à Lisbonne, d'où il regagnera Londres le 15 janvier 1941.
Quant au capitaine Saint-Jacques, il parcourra la France durant 5 mois, de Paris à Biarritz et de Cherbourg à Annemasse, franchissant la ligne de démarcation au pont de Moulins sous les balles allemandes, notant au passage les observations, surtout prenant partout des contacts et créant ainsi un véritable réseau d'information, prêt à fonctionner le jour où des liaisons permettront de transmettre à Londres leurs observations. Ceci fait, il s’embarque pour Oran, passe à Casablanca, d'où il réussit à embarquer sur un vapeur portugais qui l'amène à Lisbonne. Le 24 décembre 1940, il est de retour à Londres.